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31 juillet 2020 | La Revue POLYTECHNIQUE | Éditorial

Les ondes gravitationnelles : quelles retombées ? (éditorial 8/2020)

Michel Giannoni

Depuis la première détection des ondes gravitationnelles par les interféromètres LIGO, le 14 septembre 2015, les astrophysiciens ont à disposition
un nouvel outil pour observer l’Univers : l’astronomie gravitationnelle. Cinq ans après cette découverte, quels ont été les apports de ces nouveaux messagers cosmiques ?
Des connaissances, bien sûr. Tout d’abord celle de leur vitesse, que la théorie de la relativité générale avait prédite comme étant celle de la lumière. La détection en 2017, par l’instrument Virgo, de la fusion de deux étoiles à neutrons, a confirmé cette prédiction, à un facteur 10-15 près. Par ailleurs, les ondes gravitationnelles engendrées par ce phénomène cataclysmique ont permis de calculer la distance à laquelle il s’est produit, tandis que les ondes électromagnétiques émises par le sursaut gamma concomitant ont servi à calculer la vitesse de récession de l’astre nouvellement créé, apportant ainsi une plus grande précision à la valeur de la constante de Hubble. Il s’agit là – et c’est un événement historique – du premier véritable exemple d’astronomie multimessager.
Certes, à la fin du siècle dernier, la découverte des neutrinos solaires a donné naissance à l'astronomie neutrino, qui a permis d’effectuer des observations jusqu'alors impossibles, comme celle de la structure interne du Soleil. Mais détecter ces particules est un véritable défi, en raison de leur très faible interaction avec la matière, si
bien que jusqu’à ce jour, cette méthode n’a été capable de révéler que trois événements.
La découverte des ondes gravitationnelles a aussi contribué à faire évoluer les technologies. Elle a nécessité le développement de détecteurs interférométriques d’une sensibilité extraordinaire, capables de déceler d'infimes variations de distance. Lors de l’épisode de 2015, les miroirs des cavités des instruments LIGO ont subi un déplacement de 10-18 m, un millier de fois inférieur à la taille du proton.
La possibilité de détecter ces ondes, dont l’existence n’était jusqu’alors qu’une théorie, est un nouveau moyen révolutionnaire d’observation du contenu de l’Univers, une nouvelle fenêtre ouverte sur le Cosmos. Parce qu’elles ne sont pas arrêtées par la matière – contrairement aux ondes électromagnétiques –, les astrophysiciens disposent désormais d’un champ nouveau d’observation, qui leur permettra de connaître certains aspects de l’Univers jusqu’alors invisibles, comme les 380’000 premières années après le Big Bang, avant que la lumière n’ait pu s’échapper de la soupe primordiale de particules.
Les ondes gravitationnelles n’auront pas du jour au lendemain des retombées spectaculaires, car elles font encore partie du domaine de la recherche. Mais patience ! Les ondes électromagnétiques, dont la découverte remonte au XIXe siècle, n’ont pas fini de trouver de nouvelles applications.