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10 novembre 2019 | La Revue POLYTECHNIQUE 11/2019 | Énergie

Production d’électricité à partir de chaleur perdue

La machine à cycle organique de Rankine offre une approche technologique intéressante pour convertir la chaleur perdue en électricité. Le consortium bavarois constitué par l’Université de Bayreuth, l’Université technique Amberg-Weiden de Bavière orientale et la société DEPRAG développe de tels systèmes depuis plus de sept ans, en particulier des turbines de micro-expansion dans la plage de puissance inférieure à 50 kWe.
À mesure que la transition énergétique progresse, l’intérêt pour les unités de production décentralisées et réglables augmente. En effet, l’utilisation de la chaleur perdue dans les processus industriels peut contribuer à améliorer l’efficacité énergétique et la production d’électricité à faible émission de CO2.
La récupération des flux d’énergie non utilisés, tels que la chaleur des gaz d’échappement des moteurs à combustion interne ou des turbines à gaz, ou encore la chaleur perdue des processus industriels, est une approche prometteuse pour améliorer l’efficacité énergétique. Les solutions techniques existantes, telles que les centrales à vapeur intégrées en aval ou les turbines comme expanseurs de gaz naturel, se limitent aux flux d’énergie à des températures supérieures à 500 °C et à des performances d’installations électriques supérieures à 100 kW. Afin d’assurer une large pénétration du marché et de produire un effet perceptible sur le système énergétique actuel, il est important d’exploiter le potentiel considérable que représentent les basses températures.
 
Le générateur à turbine à énergie verte GET. (Photo : Université de Bayreuth)
 

Les cycles organiques de Rankine (ORC)
Les cycles organiques de Rankine (Organic Rankine Cycle, ORC), du nom du physicien et ingénieur écossais William John Macquorn Rankine (1820-1872), sont des variantes des cycles à vapeur à eau, qui sont utilisés lorsque la source chaude à partir de laquelle on souhaite produire de la puissance mécanique est à basse ou moyenne température. Dans ces conditions, les performances des cycles à vapeur d’eau se détériorent et il est alors préférable de recourir à d’autres fluides thermodynamiques, principalement de nature organique ; d’où le nom d’ORC. D’autres fluides peuvent toutefois également être utilisés, comme l’ammoniac ou le dioxyde de carbone.
Au cours de ces cycles, le fluide est refroidi à une pression et à une température permettant de le liquéfier. Le travail de compression devient alors quasiment négligeable par rapport au travail de détente, alors qu’il en représente quelque 60 % dans une turbine à gaz. Le liquide comprimé est vaporisé dans la chaudière par échange thermique avec la source chaude, puis détendu et condensé. L’état diphasique du fluide lors des phases de condensation et de vaporisation est très favorable pour les échanges de chaleur.
Une machine thermodynamique à cycle organique de Rankine, produisant de l’électricité à partir de chaleur, comprend une pompe, un générateur de vapeur, un dispositif de détente – souvent une turbine – et un condenseur. Les cycles ORC sont principalement appliqués dans les centrales géothermiques, les installations de combustion de biomasse, ainsi que dans la récupération de chaleur sur les effluents. Ils sont particulièrement adaptés aux sources de chaleur dont la température est située entre 100 °C et 500 °C.

Une nouvelle unité de générateur à turbine
Mais dans la plage de puissance électrique inférieure à 100 kW, cette technologie ne s’est pas encore suffisamment établie. Ceci est en partie dû à l’absence de micro-expanseurs économiques dotés de générateurs. C’est un point de départ important pour les travaux de recherche et de développement du consortium constitué par l’Université de Bayreuth en Bavière, l’Université technique Amberg-Weiden de Bavière orientale et la société DEPRAG.
D’une part, une nouvelle unité de générateur à turbine hautement intégré a été développée, composée d’une turbine axiale à pression constante et d’un générateur synchrone hermétiquement fermé. En outre, une conception innovante d’échangeur de chaleur à plaques et calandre a été testée pour coupler le fluide de travail ORC directement aux gaz d’échappement. Cette mesure évite des circuits intermédiaires coûteux.

 
L’installation de recherche et développement du consortium comprend un générateur à turbine à cycle organique de Rankine (ORC). (Photo : Université de Bayreuth)
 
 
Un projet multipartenaires

Le projet « Développement d’une mini-centrale ORC pour la récupération de chaleur perdue », financé par la Fondation de recherche bavaroise de 2011 à 2013, a initialement réuni les expertises spécifiques des trois partenaires du projet lors des différentes étapes de développement : simulation stationnaire et sélection du fluide, conception et fabrication d’un évaporateur direct et d’une turbine de micro-expansion dotée d’un générateur, conception de l’installation de démonstration ainsi que construction et exploitation de l’installation.
Le professeur Andreas Weiss de l’Université technique d’Amberg-Weiden a calculé et conçu la turbine de micro-expansion. La société DEPRAG SCHULZ GMBH & CO., basée à Amberg en Bavière, a résolu les problèmes techniques liés à la fabrication de la turbine de micro-expansion ORC. Une centrale de recherche, située au Centre de technologie de l’énergie de l’Université de Bayreuth a été construite sous la direction du Prof. Dieter Brüggemann.
« La coopération intensive et ciblée des développeurs de turbines d’Amberg avec les spécialistes de la thermodynamique de Bayreuth a finalement permis d’atteindre une puissance électrique de 12 kW avec un rendement de la turbine de près de 65 % et d’utiliser ainsi des températures de gaz d’échappement allant jusqu’à 300 °C », se souvient Theresa Weith, qui a travaillé sur le projet et qui dirige maintenant le domaine du transfert de chaleur au Centre de technologie de l’énergie.

Un développement cohérent
Le projet de recherche décrit ci-dessus représente la première étape du développement cohérent de la technologie ORC par les partenaires du projet. Après la construction et les essais réussis de la centrale d’essai avec évaporation directe de cyclopentane et d’une microturbine en tant qu’expanseur, un système modulaire pour générateurs à turbine à expansion a été développé dans le cadre du sous-projet du centre de compétence KoKWK (Kompetenznetzwerk Kraft-Wärme-Koppelung) de l’Université technique d’Amberg-Weiden. Intitulé « Turbines de micro-expansion avec des générateurs à grande vitesse permettant de transformer la chaleur perdue en électricité lors de la cogénération ou d’autres processus industriels », il a été financé par le Ministère bavarois de l’éducation et de la culture, des sciences et des arts. Une deuxième installation ORC utilise de l’hexaméthyldisiloxane (HMDSO) comme fluide moteur.

Un rendement de la turbine de près de 75 %
Grâce à la nouvelle centrale d’essai ORC, les turbines ont pu être testées non seulement au point de conception, mais également à charge partielle, ce qui a permis de déterminer les caractéristiques de fonctionnement et de rendement. Les mesures effectuées montrent de nouveaux gains d’efficacité, permettant ainsi d’atteindre un rendement de la turbine de près de 75 %. L’ensemble des participants a toujours attaché de l’importance à combiner les calculs théoriques avec des preuves concrètes en laboratoire. « De nombreuses publications dans ces domaines se sont contentées de calculs sur ordinateur, mais sans apporter de preuves expérimentales. Nous avons réussi à combler cet écart et à montrer le potentiel considérable pour la production d’électricité, y compris dans les petites installations ORC », souligne le Prof. Brüggemann.

Les « Turbines à énergie verte »
Ces objectifs ambitieux n’ont pas été atteints seulement sur le plan scientifique, comme le montrent également les « Turbines à énergie verte (GET) » – une gamme de produits de la société DEPRAG SCHULZ GMBH u. CO. qui repose, dans son architecture, principalement sur les projets décrits. Cinq tailles différentes permettent de couvrir une plage de puissance électrique allant de 3 kW à 175 kW. Grâce à sa structure simple, le générateur à turbine GET peut être adapté rapidement et à moindre coût aux différentes performances, fluides moteurs, pressions et températures requises. À ce jour, une centaine de machines sont utilisées sur le terrain.
Suite au succès obtenu, les partenaires du projet se sont fixé d’autres objectifs. Un nouveau projet vise à développer une turbine adaptative à géométrie variable et à la tester dans la centrale de recherche existante. « Nous voulons nous assurer que la turbine s’adapte intelligemment et efficacement aux plages de charge partielle qui se produisent fréquemment », explique le Prof. Weiss.

Université de Bayreuth
Centre de technologie de l’énergie
Florian Heberle
D-95440 Bayreuth
Tél. +49 921 55 6803
florian.heberle@uni-bayreuth.de
www.lttt.uni-bayreuth.de
www.zet.uni-bayreuth.de

Université technique Amberg-Weiden de Bavière orientale
Faculté de Génie mécanique
Prof. Andreas P. Weiss
D-92224 Amberg
Tél. +49 9621/482 3327
a.weiss@oth-aw.de

www.oth-aw.de

DEPRAG SCHULZ GMBH & CO.
D-92224 Amberg
Tél. +49 9621 371 343
www.deprag.com