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31 décembre 2020 | La Revue POLYTECHNIQUE | Éditorial

Une lueur au bout du tunnel (éditorial 12/2020)

Michel Giannoni

Jamais depuis trois quarts de siècle, l’humanité n’avait vécu une telle annus horribilis. Pandémie, crise sanitaire, explosion du chômage, péril climatique, rien ne nous aura été épargné. Et le désastre économique touche avant tout les PME – dont la nôtre – qui se battent quotidiennement pour ne pas sombrer.

Pourtant, une lueur d’espoir est apparue le 9 novembre, lorsque la société allemande BioNTech a annoncé avoir mis au point, pour le groupe pharmaceutique Pfizer, un vaccin extrêmement prometteur, qui serait efficace à plus de 90 % contre le SARS-CoV-2. Cette réussite, qui doit encore faire ses preuves, est due à la maîtrise de la technologie de l’ARN messager. De quoi s’agit-il ? On peut classer les vaccins en deux grandes familles : ceux qui contiennent des agents infectieux et les autres. Les premiers sont bien connus, comme le BCG ou le ROR. Les vaccins ne comportant aucun agent infectieux sont issus du développement du génie génétique et de la biologie moléculaire. Ils consistent en l’injection d’une protéine, d’une toxine ou d’une particule pseudo-virale créée artificiellement. Le vaccin à ARN messager appartient à cette seconde famille.

L’acide ribonucléique messager – ou ARNm – est une copie d’un brin de l’ADN correspondant à des gènes codant des protéines ; il participe à leur synthèse. Ses caractéristiques immunogènes ont été découvertes dans les années 90 et c’est en 2012 que les premiers essais pré-cliniques ont été conduits sur des agents infectieux. Cette technologie a déjà fait l’objet de nombreuses recherches, mais aucun vaccin à ARNm n’a encore été commercialisé pour une application humaine. Celui de Pfizer, s’il obtient toutes les autorisations nécessaires, sera donc le premier.

L’un des principaux avantages des vaccins à ARNm, c’est qu’ils ne nécessitent aucune culture d’agents pathogènes. Les doses ne contiennent que l’ARN encapsulé dans une bulle lipidique permettant de les stabiliser. En outre, ces vaccins sont capables d’activer la réponse immunitaire en se passant d’adjuvant, ce qui est un véritable atout par rapport aux vaccins traditionnels, auxquels il est souvent reproché de contenir des sels d’aluminium.

Nonobstant ses avantages, l’utilisation de ce nouveau type de vaccin suscite, et c’est bien normal, des interrogations quant à sa faisabilité, à son efficacité, ainsi qu’à la sécurité de cette technologie. Ces paramètres ont été analysés sur des effectifs limités et les données complètes des essais n’ont, à ce jour, pas encore été examinées par la communauté scientifique, ni par les autorités de régulation.

Bien sûr, les théories complotistes pullulent sur les réseaux sociaux et les rumeurs prolifèrent à la faveur de la crise sanitaire. Il n’empêche que les vaccins à ARNm sont porteurs de beaucoup d’espoirs en vue de soigner des maladies infectieuses pour lesquelles il n’existe encore aucun traitement, comme la Covid-19 ou certains cancers.