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06 avril 2020 | La Revue POLYTECHNIQUE 01/2020 | Emballage

Vers la fin des emballages plastiques alimentaires

Georges Pop

En 2012, les chercheurs du Centre Technique du Papier (CTP) de Grenoble, en collaboration avec ceux de l’Institut polytechnique de la ville, s’étaient distingués en développant un papier peint capable de filtrer les ondes électromagnétiques d’un réseau Wi-Fi ou d’un téléphone portable. Fort de ce succès et d’autres encore, le CTP annonce cette fois la mise au point et la commercialisation d’un papier qui pourrait reléguer aux oubliettes certains emballages plastiques.

D’apparence ordinaire le papier peint mis au point en 2012 par le Centre Technique du Papier (CTP) de Grenoble, était enduit d’une encre conductrice renfermant des particules d’argent capables de filtrer trois fréquences à la fois. L’invention, qui avait eu un retentissement mondial, avait été acquise par le groupe finlandais Ahlstrom qui l’avait commercialisée une année plus tard.
Le nouveau procédé développé par les chercheurs du CTP porte le nom de « chromatogénie ». Les inventeurs de cette technique se sont tout simplement inspirés du terme « chromatographie », qui désigne une méthode physico-chimique qui sert à séparer les différentes substances présentes dans un mélange, puis à les analyser. De prime abord leur recette peut sembler très simple : il suffit d’appliquer une huile végétale sur une feuille de papier ou un morceau de carton pour les rendre résistants à l’eau et leur conférer certaines qualités du plastique. Le papier ou le carton ainsi traités deviennent hydrophobes, sans avoir recours à des additifs chimiques ou à des couches de plastique. Ils restent parfaitement biodégradables et recyclables.
 
Le Centre Technique du Papier de Grenoble œuvre pour le développement technologique de l’industrie de production et de transformation de la cellulose, du papier et du carton. (© CTP-Cheziere)


 
Un secret jalousement gardé
Assurément, la réalité est beaucoup plus complexe. D’abord, la composition de la fameuse huile végétale est l’aboutissement d’années de recherches méthodiques et d’essais parfois infructueux. Le CTP en garde jalousement le secret. « Je ne suis pas habilitée à vous en parler », souligne, un brin amusée, Sandrine Pappini, directrice de la communication du Centre grenoblois. « Il faut savoir qu’il s’agit d’une chimie végétale secrète respectueuse de l’environnement », ajoute-t-elle.
Il a fallu ensuite trouver la juste dose, selon la nature du papier ou du carton utilisé, puis la bonne température et le bon temps de séchage pour créer cette nouvelle « super cellulose biosourcée » capable de remplacer le plastique. Très schématiquement, il suffit d’imprégner 100 g de papier avec 0,5 g de cette huile « bio spéciale » et de faire chauffer le tout pendant une seconde à 180 °C pour obtenir le résultat escompté.
Les responsables du CTP constatent que de nos jours, dans nombre de pays européens, même certains aliments bios sont emballés dans des barquettes en plastique ou en polystyrène, alors qu’il est désormais possible de les remplacer par des équivalents intégralement biodégradables, recyclables et compostables. Mieux encore : impliqués dans le projet européen Sherpack sur les « biomatériaux avancés pour l’emballage alimentaire intelligent », ces mêmes responsables annoncent qu’ils achèvent actuellement la mise au point d’un mince film de cellulose, imperméable aux gaz, susceptible de supplanter avantageusement la fine couche d’aluminium qui protège certains aliments dans leurs emballages, par exemple les pommes chips. Le procédé devrait être commercialisé dans les deux ou trois ans par les industriels européens de l’emballage qui cofinancent la recherche.
 
Le secret de la composition de l’huile végétale imperméabilisante mise au point par le CTP est jalousement gardé. (© CTP-Cheziere 1528)

 
 

La production a commencé en Corée du Sud
Le « papier hydrophobe » est, quant à lui, déjà passé au stade de la production. Deux industriels sud-coréens ont « sous-loué » le brevet exclusif du Centre grenoblois. Grâce à de nouvelles machines, ils se sont lancés dans la production à large échelle de sacs et de « doggy bags » en cellulose imperméabilisée, dans un pays où, selon Sandrine Pappini, « les usages de consommation sont différents, les clients des restaurants ayant l’habitude d’emporter les restes de leur repas. »
Mais pourquoi des Coréens ? Pourquoi pas des Français ? « Nous avons essayé, il y a quelques années, de trouver des partenaires locaux pour éprouver et appliquer le résultat de notre procédé, mais les industriels français n’ont pas la culture du risque. Il en va tout autrement en Asie », reconnaît la directrice de la communication du CTP. Elle ajoute aussitôt : « Mais maintenant qu’ils ont vu que ça marche, nous avons conclu des partenariats ici aussi et nous aurons bientôt des produits issus de nos recherches sur le marché français. Les premières machines sont en voie de réalisation ».

 

Les fibres de cellulose conçues selon le procédé du CTP offrent les avantages du plastique tout en étant biodégradables, recyclables et compostables. (© CTP-Cheziere)
 
 

Tout un éventail de possibilités
Sandrine Pappini est d’autant plus optimiste, qu’elle entrevoit pour l’avenir toute une gamme de produits en « cellulose biosourcée » : « Cela va des barquettes alimentaires, aux gobelets et aux capsules à café, sans oublier le conditionnement. Nous serons aussi en mesure de proposer très vite un procédé pour fabriquer des emballages transparents issus de la cellulose », déclare-t-elle. Comme pour modérer son enthousiasme, elle précise : « Vous savez, nous ne sommes pas en guerre contre le plastique, qui a des propriétés très utiles et qui gardera une place. Mais il y a aujourd’hui une prise de conscience pour sauvegarder l’environnement de la pollution plastique, celle des mers et des océans en particulier. Or, nous avons des solutions ! » Un partenariat avec des industriels suisses vous semble-t-il possible ? Rires : « Nous n’avons jamais dit non à un partenariat ! »
 

À propos du Centre Technique du Papier (CTP)
Situé sur le campus universitaire de Grenoble, le CTP a le statut d’établissement d’utilité publique. Organisme de recherches, de développement industriel, d’expertise et d’information, il a pour mission de promouvoir le développement technologique de l’industrie de production et de transformation de la cellulose, du papier et du carton, ainsi que des industries afférentes (impression, transformation, etc.). Le CTP entend préparer le futur des produits et procédés par l’innovation dans de nombreux domaines : chimie des lignocelluloses ; matériaux biosourcés ; applications hygiène et santé ; emballages du futur ; électronique imprimée et papier intelligent, etc. Le Centre grenoblois compte dans ses rangs une centaine de chercheurs et se prévaut de 60 ans d’expertise.

 
 
Sandrine Pappini
Directrice de la communication du CTP
communication@webCTP.com
Tél. +33(0)4 76 15 40 83