15 Dezember 2013 |
La Revue POLYTECHNIQUE
Ces glaciers qui enfantent de nouveaux lacs
Est-il possible de tirer parti des lacs créés par la fonte du glacier du Rhône? A l’heure de la sortie du nucléaire, un étudiant de l’EPFL a étudié la possibilité d’utiliser cette nouvelle manne pour la production d’énergie hydroélectrique.
Dans les Alpes, les glaciers fondent irrémédiablement. Plusieurs scénarios climatiques, certains se basant sur une augmentation de la température de 4 °C, prédisent leur disparition à la fin de ce siècle. En se retirant, ces glaciers découvrent des cavités qui se remplissent d’eau et se transforment en lacs.
Vue sur le glacier du Rhône depuis la Belvedere.
CC - Jamcib
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Le FNS, le Fond national suisse soutient un projet de recherche sur les risques et les potentiels de ces nouveaux lacs de montagne. Anton Schleiss, directeur du Laboratoire de constructions hydrauliques (LCH) participe à cette recherche: «Il ne faut pas oublier que les glaciers stockent de l’eau et transfèrent les précipitations de l’hiver vers l’été. Une fois disparus, ce seront les réservoirs artificiels aménagés aux endroits des anciens glaciers qui devront reprendre ce rôle de stockage de l’eau».
Pour son travail de master, David Zumofen, étudiant en génie civil au LCH, a imaginé tirer parti d’un de ces réservoirs naturels inédits afin de produire de l’électricité. Il a étudié, sous la direction d’Anton Schleiss, plusieurs options. La première turbinerait l’eau de ce lac et profiterait du projet de construction d’une centrale entre Gletsch et Oberwald. Cela serait moins rentable en énergie, mais n’impliquerait pas l’obligation de revoir les aménagements du Rhône jusqu’au lac Léman. La seconde utiliserait l’aménagement hydroélectrique d’Oberhasli, déjà existant de l’autre côté du col du Grimsel, qui se situe à la ligne de partage des eaux entre le Rhin et le Rhône. Cette solution est beaucoup plus économique parce que l’eau pourrait être turbinée plusieurs fois dans les centrales existantes. Elle pourrait générer davantage de bénéfices grâce à la chute entre le Räterichsbodensee et Innertkirchen mais l’eau turbinée finirait dans le Rhin.
Le glacier du Rhône fond à vue d’œil
Lors des dix dernières années, le glacier du Rhône a perdu 6 % de sa masse. Il y a 150 ans, il occupait toute la plaine de Gletsch. Aujourd’hui sa langue s’est retirée au fond du bassin versant. Grâce à des études ultérieures, on sait que deux importantes cavités, de plus de cinquante mètres de profondeur, sont cachées sous le glacier. L’une d’entre elle, serait totalement libre de glace en 2065 et pourrait donc être exploitée.
«Il faut rester prudent sur les prédictions en matière de climat, car ce qui était vrai il y a 100 ans, ne le sera peut-être pas dans un siècle», précise David Zumofen. «Si les prédictions se révèlent exactes un des deux lacs pourrait contenir jusqu’à cinquante millions de mètres cubes». L’étudiant a analysé l’apport hydrique pendant la fonte du glacier et lorsque celui-ci aurait disparu. Il a pu ainsi confirmer l’intérêt d’exploiter ce lac, qui sera toujours important même sans l’apport de l’eau du glacier.
Ces études s’inscrivent dans l’actualité, car la volonté de la Suisse de sortir du nucléaire en 2050 oblige à réfléchir aux meilleures options. Et de l’énergie hydraulique, la Suisse n’en manque pas.
À propos du recul des glaciers alpins
Une étude de l’Office fédéral de l’environnement indique que le recul des glaciers alpins produira, à terme, de 500 à 600 bassins susceptibles d’accueillir des lacs. Leur surface cumulée atteindra de 50 à 60 kilomètres carrés. En comparaison, le lac de Thoune a une superficie de 47 kilomètres carrés. Certains de ces lacs auront une profondeur supérieure à cent mètres et un volume de plus de dix millions de mètres cubes, soit l’équivalent d’un lac de barrage de taille moyenne.
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