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27 November 2019 | La Revue POLYTECHNIQUE

De nouveaux résultats sur des phénomènes rares

Les collaborations ATLAS et CMS du CERN ont étudié le boson de Higgs avec l’échantillon de données de collisions proton-proton le plus volumineux réalisé à ce jour. Elles ont effectué des mesures d’une grande précision en quête de signes d’une nouvelle physique.
Lors de l’édition 2019 de la Conférence sur la physique des hautes énergies (EPS-HEP) organisée par la Société européenne de physique à Gand, en Belgique, les collaborations ATLAS et CMS du CERN ont présenté une série de nouveaux résultats. Il s’agit notamment de plusieurs analyses réalisées à partir de l’ensemble des données enregistrées lors de la deuxième exploitation du Grand collisionneur de hadrons (LHC), à une énergie de collision de 13 TeV, entre 2015 et 2018.

 
Candidats Higgs produit avec un boson Z. Expérience ATLAS (gauche): les deux se désintègrent laissant à la fin deux électrons (en vert) et quatre muons (en rouge). Expérience CMS (à droite): le Higgs se désintègre en deux quarks c, générant des jets (cônes); le Z se désintègre en deux électrons (en vert). (Image: ATLAS/CMS/CERN)
 


Les mesures les plus récentes sur le boson de Higgs
Parmi les résultats marquants figurent les mesures de précision les plus récentes portant sur le boson de Higgs. En l’espace de seulement sept ans depuis la découverte de cette particule, les scientifiques ont étudié de manière approfondie plusieurs de ses propriétés. Le boson de Higgs est ainsi en voie de devenir un outil puissant pour la recherche d’une nouvelle physique.
Les résultats concernent notamment de nouvelles recherches de désintégrations de cette particule en paires de muons et en paires de quark c. Les collaborations ATLAS et CMS ont toutes deux également mesuré des propriétés jusque-là inexplorées de désintégrations du boson de Higgs, faisant intervenir des bosons électrofaibles (les bosons W et Z et le photon). Elles ont comparé ces mesures aux prédictions du Modèle standard de la physique des particules. ATLAS et CMS poursuivront ces études au cours de la troisième exploitation du LHC (de 2021 à 2023), ainsi qu’à l’ère du LHC à haute luminosité, à partir de 2026.
 
Un champ présent partout dans l’Univers
Le boson de Higgs est la manifestation quantique du champ de Higgs, présent partout dans l’Univers. C’est lui qui donne leur masse aux particules élémentaires avec lesquelles il interagit, via le mécanisme de Brout-Englert-Higgs. Les scientifiques recherchent les interactions entre le boson de Higgs et les particules élémentaires, soit en étudiant des désintégrations particulières du boson de Higgs, soit en examinant des cas de production de ce boson en association avec d’autres particules. Le boson de Higgs se désintègre quasi instantanément après avoir été produit dans le LHC; c’est en analysant les produits de sa désintégration que les scientifiques peuvent étudier son comportement.
 
Un événement enregistré par ATLAS montrant un candidat boson de Higgs produit en association avec deux quarks top. Le boson de Higgs se désintègre en quatre muons (traces rouges). Un électron (trace verte) et quatre jets de particules (cônes jaunes) sont également visibles. (Image: ATLAS/CERN)
 
 

Des mesures d’une précision inégalée
Lors de la première exploitation du LHC (de 2010 à 2012), des désintégrations du boson de Higgs faisant intervenir des paires de bosons électrofaibles ont été observées. L’ensemble complet des données de la deuxième exploitation – soit l’équivalent de plus de dix millions de milliards de collisions – comporte un échantillon bien plus important de bosons de Higgs à étudier, permettant de réaliser des mesures des propriétés de cette particule avec une précision inégalée.
Les collaborations ATLAS et CMS ont mesuré les sections efficaces différentielles des processus de désintégrations bosoniques, en examinant non seulement le taux de production des bosons de Higgs, mais aussi la distribution et l’orientation des produits de désintégration par rapport aux faisceaux de protons. Ces mesures permettent de mieux comprendre le mécanisme à la base de la production des bosons de Higgs. Les deux collaborations ont établi que, avec le niveau actuel d’incertitude statistique, les taux et distributions observés sont compatibles avec ceux prédits par le Modèle standard.
Étant donné que la force de l’interaction du boson de Higgs est proportionnelle à la masse des particules élémentaires impliquées, il interagit le plus fortement avec les particules de la génération la plus lourde des fermions, c’est-à-dire la troisième. Les expériences ATLAS et CMS avaient toutes deux déjà observé ces interactions. En revanche, les interactions avec les fermions de deuxième génération, plus légers, sont nettement plus rares. Lors de la conférence EPS-HEP, les deux collaborations ont rendu compte de leurs recherches d’interactions de cette deuxième génération de fermions, particulièrement insaisissables.
 
Un événement enregistré par la collaboration CMS montrant un candidat boson de Higgs produit en association avec deux quarks top. Le boson de Higgs et les quarks top se désintègrent en laissant dans l’état final sept jets de particules (cônes oranges), un électron (ligne verte), un muon (ligne rouge) et de l’énergie transverse manquante (ligne rose). (Image: CMS/CERN)
 

 
Les résultats d’ATLAS et CMS
ATLAS a présenté le premier résultat de ses recherches de la désintégration de bosons de Higgs en paires de muons, basées sur l’ensemble des données de la deuxième période d’exploitation. Cette quête est rendue plus compliquée par la présence d’un important bruit de fond issu de processus plus habituels du Modèle standard produisant des paires de muons. «Ce résultat montre que nous sommes à présent proches de la sensibilité nécessaire pour tester les prédictions du Modèle standard sur cette désintégration très rare du boson de Higgs. Toutefois, pour parvenir à une conclusion définitive sur la deuxième génération, nous aurons besoin des ensembles de données plus importants que nous fournira le LHC lors de sa troisième exploitation», explique Karl Jakobs, porte-parole d’ATLAS.
CMS a pour sa part présenté le premier résultat de ses recherches de désintégrations du boson de Higgs en paires de quarks c. Lorsque le boson de Higgs se désintègre en quarks, ces particules élémentaires produisent immédiatement des jets de nouvelles particules. «Identifier des jets issus de quarks c et les isoler d’autres types de jets représente un immense défi. Nous sommes très heureux d’avoir montré que nous pouvons nous attaquer à ce canal de désintégration difficile. Nous avons développé des techniques d’apprentissage automatique novatrices pour nous aider dans cette tâche», indique Roberto Carlin, porte-parole de CMS.
 
Un médiateur de processus de physique
Le boson de Higgs agit également en tant que médiateur de processus de physique, dans lesquels les bosons électrofaibles se diffusent ou rebondissent. Les études de ces processus, basées sur de très grandes quantités de données, constituent un test puissant du Modèle standard. «Les expériences avancent à grands pas dans la tâche monumentale consistant à comprendre le boson de Higgs. Après l’observation des couplages du boson de Higgs avec des fermions de troisième génération, les expériences ont maintenant montré qu’elles disposent des outils nécessaires pour se lancer dans la recherche, encore plus difficile, de la deuxième génération. Le programme de physique de précision du LHC bat son plein», souligne Eckhard Elsen, directeur de la recherche et de l’informatique au CERN.
 
À propos des bosons et fermions
Les particules élémentaires incluent les fermions, qui composent la matière et l’antimatière, ainsi que les bosons, qui sont des vecteurs de forces et jouent un rôle de médiateur dans les interactions élémentaires entre les fermions.
Les douze fermions décrits par le modèle standard, classés en trois générations, comprennent des leptons et des quarks. Les neutrinos, électrons, muons et taux sont des leptons.
Les bosons comprennent les bosons Z, les bosons W, les photons, les gluons et les bosons de Higgs. Ils constituent les interactions élémentaires, hormis la gravitation que l’on n’a pas encore réussi à intégrer au Modèle standard. Le photon transmet la force électromagnétique, les gluons, transmettent la force nucléaire forte, les bosons W et Z transmettent la force nucléaire faible, le boson de Higgs permet aux autres particules d’acquérir leur masse.
Le graviton a été introduit par les théories de gravité quantique pour tenter d’intégrer la gravitation au Modèle standard, mais il n’a jamais été observé.
 
 
CERN

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