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29 Januar 2014 | La Revue POLYTECHNIQUE 11/2013 | Gebäude

Des amortisseurs parasismiques de pointe

L’ingénieur Ian Aiken, expert en génie parasismique, souhaiterait protéger davantage de constructions, d’un séisme dévastateur potentiel, en les bâtissant sur des amortisseurs parasismiques de pointe. Ceux-ci sont constitués de feuillets de caoutchouc, de plaques d’acier vulcanisées et renforcés par un noyau de plomb. Pour garantir une protection contre les séismes, ces amortisseurs sont placés sous les colonnes porteuses des édifices, permettant ainsi à la structure de vaciller doucement dans chaque direction.
Ayant grandi dans la région à la géologie instable de Rotorua, sur l’île du Nord en Nouvelle-Zélande, Ian Aiken rêvait de devenir vulcanologue. C’est sur les conseils d’un cousin qu’il suit, adolescent, ses aspirations et opte pour la carrière d’ingénieur. «Au moins, c’est un métier qui te permettra de gagner ta vie», s’était-il entendu dire. Par la suite, il deviendra l’un des experts les plus recherchés en matière de systèmes parasismiques de pointe pour bâtiments et ponts, petits et grands, à travers le monde.
Ian Aiken continue de surveiller attentivement les secousses enregistrées dans la ceinture de feu du Pacifique (l’alignement en forme de fer à cheval de volcans qui bordent les plaques tectoniques de l’océan Pacifique, à travers l’Océanie, le Japon, la chaîne aléoutienne, la Californie, ainsi que le Chili). Mais, actuellement, il joue les arbitres concernant les derniers progrès effectués dans le domaine de la solidité structurelle, dans l’objectif de réhabiliter des bâtiments existants, comme l’hôtel de ville de Los Angeles et le pont de Coronado à San Diego, aux États-Unis, ou encore l’hôtel de ville de Bucarest, en Roumanie.
Son cabinet-conseil, Seismic Isolation Engineering (SIE), à Emeryville, en Californie, à l’est de la baie de San Francisco, est spécialisé dans la conception, l’analyse et les essais d’amortisseurs parasismiques. Ceux-ci permettent d’isoler les bâtiments de la terre en cas de séisme. «L’ironie de notre travail veut qu’on passe toute notre vie à préparer des structures pour un événement qui, on l’espère, ne se produira jamais. Et, si c’est le cas, il dure 20 à 30 secondes», explique Ian Aiken.
La capacité de déplacement et de rigidité horizontale de chaque appui est déterminée par la hauteur combinée des couches de caoutchouc à l’intérieur.
Sauver et protéger les ouvrages
Les études préparatoires sont de grande envergure: jamais les experts en séismologie n’ont eu accès à autant de données enregistrées par des capteurs installés un peu partout, des films et des témoignages pour peaufiner leurs modèles et simulations, toujours dans l’espoir de sauver plus de vies et de protéger plus d’ouvrages lors du prochain séisme.
Pour être exact, les experts comme Ian Aiken ne parlent pas de systèmes parasismiques, ils préfèrent dire qu’ils fabriquent des structures résistantes aux séismes», supportant les mouvements horizontaux importants et violents à même de faire s’effondrer les édifices de toutes hauteurs. L’isolation sismique de la base est la référence technologique absolue: elle est conçue pour résister aux séismes dont la probabilité ne dépasse pas une fois tous les 2500 ans, voire plus longtemps. Pour les bâtiments ordinaires, la législation exige couramment un niveau inférieur de protection, prévu pour des séismes dont la probabilité de récurrence est plus forte, une fois tous les 500 ans environ.
Des amortisseurs en élastomère
L’isolation parasismique est une arme relativement nouvelle dans l’arsenal de l’ingénieur civil. Elle consiste à placer un bâtiment ou un pont sur un dispositif isolateur de type amortisseurs, qui peut même être glissé sous les colonnes porteuses de bâtiments existants. Il est constitué de douzaines de feuillets de caoutchouc et de plaques en acier vulcanisées, souvent renforcées par un noyau en plomb, ayant un diamètre allant jusqu’à 1,5 m. Ces amortisseurs sont conçus pour supporter un poids de plusieurs milliers de tonnes, tout en permettant à la structure de vaciller doucement de 75 cm au moins dans chaque direction. Cette isolation est la plus appropriée pour sécuriser des bâtiments de taille moyenne, jusqu’à douze étages, explique Ian Aiken. Mais un grand nombre de structures plus hautes et même des gratte-ciel ont été placés sur des amortisseurs spéciaux.
La technologie existe depuis la fin des années 1970. Elle a été installée pour la première fois, en 1981, sur un bâtiment public en Nouvelle-Zélande. Elle reste néanmoins un produit de niche et haut de gamme. D’après Ian Aiken, c’est au Japon qu’on trouve le plus grand nombre de structures isolées: quelque 2000 édifices de haute taille, 3000 à 4000 maisons plus petites à ossature en bois, ainsi que plusieurs milliers de ponts.
En revanche, les États-Unis n’ont installé la technologie que sur 150 constructions environ, principalement de grands bâtiments publics qui ont une importance historique ou une fonction stratégique, comme les hôpitaux, les casernes de pompier ou les commissariats de police, ainsi que 300 à 400 ponts. Outre les centaines de tours résidentielles japonaises équipées, Ian Aiken ne connaît, à l’échelle mondiale, que très peu de résidences privées érigées sur des amortisseurs en élastomère. «En incluant la Chine et quelques autres pays, on dénombre peut-être 8000 à 10’000 structures isolées à travers le monde. Le critère du coût et un manque de sentiment d’urgence ont empêché l’isolation parasismique de percer à l’extérieur du Japon. Là-bas, les séismes sont une menace pour toute la société, comme nous l’ont malheureusement montré les événements récents». Mais, selon Ian Aiken, les gens pourraient être plus sensibilisés après les récents séismes destructeurs survenus au Chili, en Nouvelle-Zélande et au Japon.
La progression de l’isolation parasismique
Depuis les années 1980, l’isolation parasismique a beaucoup progressé grâce à de meilleures données, qui ont optimisé la modélisation et la simulation. Aujourd’hui, les produits et services proposés à travers le monde sont pratiquement tous identiques et normalisés. Le cabinet d’Ian Aiken conseille et collabore avec des ingénieurs structurels, ainsi qu’avec la communauté mondiale de fabricants, comme la société Trelleborg, dont les amortisseurs ANDRE sont toujours fabriqués en petites quantités, à la main, et testés individuellement avant d’être installés.
Toutefois, selon Ian Aiken, on peut envisager autrement l’isolation parasismique et le rôle croissant qu’elle va jouer. «La grande tendance vers l’habitat durable de ces dernières années doit aller au-delà de l’aspect des matériaux et des coûts énergétiques, pour prendre en compte le véritable coût du cycle de vie d’un bâtiment. Les frais de destruction, d’immobilisation et de restauration après un séisme peuvent entraîner la faillite d’une société. Ils peuvent même dévaster toute une économie», explique-t-il. C’est pourquoi il a inscrit quatre conseils au recto de sa carte de visite. Les trois premiers sont écrits en vert et le dernier en bleu clair: «Réduire – Réutiliser – Recycler - Isoler».
Protéger les infrastructures
Les amortisseurs composites en élastomère-acier de la société Trelleborg sont parmi les meilleurs systèmes d’isolation parasismique des bâtiments. La capacité de déplacement et de rigidité horizontale de chaque appui est déterminée par la hauteur combinée des couches de caoutchouc à l’intérieur. Ceux qui sont spécialement conçus pour l’isolation parasismique possèdent une grande rigidité verticale, obtenue en utilisant de fines couches de caoutchouc. Les projets d’isolation parasismique de cette société incluent la cathédrale Notre-Dame des Anges de Los Angeles et un pont à Istanbul, en Turquie.
À propos de SIE
Le cabinet-conseil Seismic Isolation Engineering (SIE) a été fondé en 1993. Basé à Emeryville, dans la baie de San Francisco, il emploie quatre salariés. Ce cabinet propose des services de pointe en matière de conseil en ingénierie à des clients aux États-Unis, en Europe et dans la région Asie-Pacifique. Il est spécialisé dans la conception, le développement, le test, l’analyse et l’évaluation par des pairs de systèmes avancés d’isolation sismique, ainsi que de dissipation d’énergie pour des bâtiments, ponts et autres structures existants ou en construction.