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25 Juni 2012 | La Revue POLYTECHNIQUE 06/2012 | Forschung

Des membranes artificielles inspirées des lianes

La couche de cellules ligneuses de certaines lianes, qui forment leur anneau de renforcement, se répare d’elle-même après une blessure. Elle a inspiré des experts en bionique pour le développement de membranes auto-réparatrices qui pourraient s’utiliser sur les
bateaux pneumatiques, par exemple.
Des chercheurs de l’Empa ont copié cette astuce de la nature et développé un revêtement de mousse de polymère qui ne fait pas que réduire la perte de pression après un endommagement de la membrane, mais augmente aussi la résistance et la durée de vie des structures gonflables. Ces scientifiques ont décrit ce développement dans un article publié dans une revue scientifique1).
 
La liane aristoloche siphon, ainsi que la vue au microscope d’une coupe d’une tige, dévoilant l’anneau de renforcement formé de cellules ligneuses. (Photo: Plant Biomechanics Group, Université de Fribourg en Brisgau)


Un trou dans un bateau pneumatique n’est dramatique que si l’air s’en échappe à une vitesse telle qu’il n’est plus possible de rejoindre la côte salvatrice. Des revêtements auto-réparateurs devraient à l’avenir permettre aux objets gonflables de se colmater par eux-mêmes – au moins provisoirement – pour de petites fuites.
L’idée en a été fournie par la nature. Les spécialistes en bionique y découvrent sans cesse des principes de construction étonnants, à partir desquels les ingénieurs développent de nombreuses solutions techniques. Comme pour l’auto-réparation des matériaux: c’est le processus d’auto-guérison de l’aristoloche siphon (Aristolochia macrophylla), une liane originaire des forêts de l’est de l’Amérique du Nord, qui a lancé les biologistes du Plant Biomechanics Group de l’Université de Fribourg en Brisgau (Allemagne) sur cette piste. Si l’anneau de renforcement formé de cellules ligneuses, qui confère aux jeunes plantes leur résistance à la flexion, est endommagé au cours de la croissance, la plante colmate cette blessure immédiatement. Les cellules parenchymateuses du tissu sous-jacent se dilatant rapidement et ferment la blessure depuis l’intérieur. Ce n’est que dans une phase ultérieure que débute la guérison proprement dite, par des divisions cellulaires suivies d’une lignification des cellules réparatrices.
 
La membrane de chlorure de polyvinyle (en jaune) est percée à l’aide d’une aiguille de 2,5 mm de diamètre, provoquant ainsi la dilatation de la mousse de polyuréthane (brun). (Photo: Empa)

Des structures gonflables auto-réparatrices
Ce principe a été transposé aux matériaux – plus précisément aux membranes – dans un projet de bionique soutenu par le ministère fédéral allemand de la formation et de la recherche. Immédiatement après l’endommagement de la membrane, une couche supplémentaire assure, grâce à sa précontrainte mécanique – sur le modèle de l’aristoloche –, les «premiers secours» puis colmate les fuites jusqu’à la réparation définitive.
Alors que les scientifiques de l’Université de Fribourg en Brisgau se concentrent sur l’étude des aspects biologiques et chimiques du modèle fourni par cette liane, les chercheurs du Center for Synergetic Structures de l’Empa travaillent sur des solutions techniques pour les membranes en polymères. Ils s’intéressent moins aux bateaux et aux matelas pneumatiques qu’aux structures porteuses pneumatiques que sont les poutres Tensairity, utilisées comme éléments porteurs de toitures et de ponts légers, de construction rapide.
 
Réparation cellulaire sur l’aristoloche siphon. Les cellules parenchymateuses du tissue sous-jacent se dilatent instantanément lorsque les cellules ligneuses du tissu de soutien sont lésées (a et b). Elles se lignifient ultérieurement dans une phase ultérieure. (Photos: Plant Biomechanics Group, Université de Fribourg en Brisgau)

Le but de cette étude était de comprendre dans quelles conditions un trou se referme lors de la dilatation du revêtement de mousse de polymère de la membrane. Ce processus a été étudié dans une thèse de doctorat, sur une installation d’essai construite à cet effet, qui met la membrane sous pression pneumatique pour ensuite la percer à l’aide d’une pointe. Et les chercheurs ont trouvé le matériau de réparation approprié: une couche de mousse de polyuréthane à deux composants qui est appliquée sur la face intérieure de la membrane.
Dans des conditions de pression particulières, une synthèse rend cette mousse capable de se dilater instantanément et de colmater ainsi largement les fuites. On a obtenu en laboratoire des facteurs de réparation élevés. Pour preuve, alors qu’il est nécessaire de regonfler toutes les cinq minutes un matelas pneumatique de 200 l percé, celui-ci, muni d’un revêtement en polyuréthane, reste suffisamment gonflé durant huit heures, temps durant lequel la pression diminue de 200 à 50 mbar, permettant ainsi de rejoindre la côte. Les chercheurs ont réuni suffisamment de connaissances sur cette mousse pour nouer des premiers contacts avec des fabricants pour le passage à une production industrielle.
 

1) M. Rampf, O. Speck, T. Speck, R. Luchsinger, Self-Repairing Membranes for Inflatable Structures Inspired by a Rapid Wound Sealing Process of Climbing Plants, Journal of Bionic Engineering, 8 (2011) 242–250, doi: 10.1016/S1672-6529(11)60028-0.