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22 Februar 2017 | La Revue POLYTECHNIQUE

Désaffectation et démantèlement des centrales nucléaires

A la fin de sa durée de vie, une centrale nucléaire est mise à l’arrêt définitif puis démantelée. Les travaux de désaffectation et de démantèlement produisent des déchets radioactifs qui doivent être gérés de manière appropriée. Les coûts occasionnés par ces travaux sont à la charge des exploitants des centrales, qui cotisent à deux fonds, pendant toute la durée de fonctionnement de l’installation.
Comme la plupart des installations techniques, les centrales nucléaires ont, elles aussi, une durée d’exploitation limitée. Le législateur suisse ne prescrit pas de durée de vie, si bien qu’une centrale peut fonctionner tant que la sécuritéÌ est garantie. Mais le jour viendra où les centrales nucléaires devront être mises à l’arrêt définitif, puis démantelées.
 
Démontage par étapes: travaux de démantèlement dans une centrale nucléaire allemande de 1300 MW.
(Photo: KKW)
 

 
La phase de post-exploitation
Plusieurs années avant l’arrêt définitif de la centrale, les exploitants établissent les documents relatifs au projet de désaffectation et les remettent aux autorités pour examen et validation. Sur cette base, le Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication (DETEC) remet ensuite une décision de désaffectation.
La post-exploitation commence au moment ouÌ€ la centrale nucléaire est définitivement mise à l’arrêt. Elle dure de deux à quatre ans, selon l’installation. Au cours de cette phase, le combustible est retiré de la cuve du réacteur et placé dans la piscine de refroidissement de la centrale. Il est ensuite conditionné dans des conteneurs de transport et de stockage, puis acheminé jusqu’à un dépôt intermédiaire indépendant du bâtiment du réacteur, afin que l’intérieur de l’installation soit exempt de tout matériau hautement radioactif. Il est procédéÌ parallèlement à la gestion des résidus d’exploitation de faible et moyenne radioactivitéÌ et à la mise hors service des systèmes inutilisés.
 
Démantèlement de l’intérieur vers l’extérieur
Comme durant la phase d’exploitation, la sécuritéÌ est une prioritéÌ absolue, et la protection de l’environnement, de la population et du personnel doit être garantie à tout moment. Toutes les parties d’une centrale nucléaire en contact avec du matériel radioactif, ou susceptibles de l’être, se trouvent dans la zone dite contrôlée. Dans le cas de réacteurs à eau sous pression, tels que ceux de Beznau et de Gösgen, cette zone se limite essentiellement au bâtiment du réacteur et aux installations annexes. À Mühleberg et Leibstadt, centrales équipées de réacteurs à eau bouillante, elle comprend également la salle des machines.
Le démantèlement des composants au sein de la zone contrôlée s’effectue de l’intérieur vers l’extérieur. Ainsi, l’enceinte de confinement reste intacte aussi longtemps que cela est nécessaire, et continue à jouer son rôle de barrière contre l’émission de substances radioactives. Les systèmes de surveillance de la radioactivitéÌ à l’intérieur et à l’extérieur de l’installation continuent, eux aussi, de fonctionner.
Au sein de la zone contrôlée, l’autoritéÌ de surveillance donne au fur et à mesure son feu vert pour réaliser certains travaux (comme le démontage de la cuve du réacteur, p. ex.). En dehors de la zone contrôlée, le démantèlement s’effectue de manière traditionnelle.
 
Démontage par étapes
Le démantèlement comprend plusieurs étapes. Il y en aura quatre pour la centrale de Mühleberg.
 
• Etablissement de la post-exploitation
Immédiatement après la fin du fonctionnement de la centrale, les assemblages combustibles sont retirés de la cuve du réacteur, pour être placés dans la piscine de stockage située à proximitéÌ. Celle-ci est modifiée de sorte que les systèmes de refroidissement et de sécuritéÌ fonctionnent de manière autonome. Le moment de la mise hors service définitive est ainsi arrivé.
 
• Démantèlement et évacuation des assemblages combustibles
Au cours de cette phase, le combustible est progressivement transporté jusqu’au centre de stockage intermédiaire Zwilag de Würenlingen, dans le canton d’Argovie. Dans un même temps, on prépare la salle des machines en vue des travaux de nettoyage du matériel radioactif.
 
• Démantèlement après évacuation des assemblages combustibles
Une fois le combustible évacuéÌ, l’installation est débarrassée de 98 % de sa radioactivitéÌ. Il s’agit ensuite de démonter les parties qui sont elles-mêmes radioactives ou qui sont contaminées par la radioactivitéÌ. Les éléments fortement radioactifs sont démontés et emballés à l’intérieur du bâtiment du réacteur, sous l’eau. Pour les autres, ils sont essentiellement triés dans la salle des machines et décontaminés, afin de pouvoir être ensuite éliminés par la voie normale. La grande majoritéÌ du matériel de démolition n’est, quant à lui, pas radioactif.
 
• Démantèlement conventionnel
Une fois toutes les parties contaminées retirées de l’installation, et après qu’il ait étéÌ défini que celles-ci ne représentent plus une source de risque radiologique, le site peut être utilisé à d’autres fins. Selon s’il soit destiné à des fins industrielles ou réaménagéÌ à l’état proche de son état naturel, les bâtiments devenus inutiles sont démolis. Les autorités sont chargées de la surveillance de la sécuritéÌ, et ce également durant toute la durée du démantèlement.
 
 
Le démantèlement en Suisse
En Suisse, le démantèlement d’installations nucléaires n’est pas nouveau. Le réacteur expérimental de Lucens a ainsi étéÌ intégralement démontéÌ suite à son endommagement en 1969. Les travaux de déconstruction et de décontamination se sont achevés en 1973. En 1995, la plus grande partie de l’installation construite dans une caverne a étéÌ libérée de la surveillance de la Confédération. En 2003, après que le reste des déchets, hautement radioactifs pour certains, ait étéÌ acheminé jusqu’au dépôt intermédiaire de Zwilag, le Conseil fédéral leva définitivement la surveillance. Aujourd’hui, le canton de Vaud utilise la caverne comme dépôt de matériel archéologique.
Certains réacteurs de recherche de l’Institut Paul-Scherrer (PSI), à Villigen (Argovie), ont eux aussi fait l’objet d’un démantèlement. Ainsi, «Saphir», le premier réacteur de recherche des années cinquante en Suisse, a été démanteléÌ, de même que «Diorit», le second réacteur de cette époque. Les bâtiments seront réutilisés. Le processus de démontage du dernier réacteur de recherche désaffectéÌ, «Proteus», est quant à lui, en cours. L’ensemble du processus de démantèlement de la centrale nucléaire de Mühleberg, y compris la phase de post-exploitation, durera environ 15 ans.
D’après les calculs de la SociétéÌ coopérative nationale pour le stockage des déchets radioactifs (Nagra), parmi tous les déchets issus du démantèlement des cinq centrales nucléaires suisses, 30’000 m3 environ sont classés comme déchets de faible et de moyenne radioactivitéÌ (emballages utilisés pour l’emmagasinage compris). Cela correspond à un cube d’environ 30 m de cotéÌ. Le volume des assemblages combustibles hautement radioactifs est minime. Tout comme les déchets faiblement et moyennement radioactifs issus du fonctionnement de la centrale, ils seront transportés dans un dépôt en couches géologiques profondes après la période de stockage intermédiaire à Würenlingen.
 
Le démantèlement dans le monde
Au cours des quarante dernières années, le démantèlement d’installations nucléaires de tous types à travers le monde a atteint un stade industriel. Les seuls Etats-Unis ont déjàÌ€ entièrement démanteléÌ une bonne douzaine de sites nucléaires. En Europe, le démantèlement de la centrale de Niederaichbach, en BavieÌ€re, mise à l’arrêt en 1974, a été le premier entièrement achevéÌ. Il avait commencé en 1987 et a été terminé en 1995. La zone concernée, exploitable sans restriction, est de nouveau partiellement une zone forestière.
En Allemagne, plusieurs centrales nucléaires de grandes tailles sont actuellement en cours de démantèlement. En France, les réacteurs à l’arrêt de première génération se trouvent sur des sites de centrales toujours en exploitation. Leur surveillance n’occasionne, de ce fait, presque aucun frais supplémentaire. Les parties centrales des installations sont laissées pour l’instant dans leur état actuel et la radioactivitéÌ décroît de manière continue.
D’après les indications de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), plus de 100 centrales nucléaires commerciales ont étéÌ désaffectées dans le monde, jusqu’à aujourd’hui. La plupart d’entre elles datent des débuts de la technique nucléaire civile et ont atteint la fin de leur durée d’exploitation économique. Le démantèlement d’installations nucléaires est aujourd’hui un processus bien maîtriséÌ sur le plan technique.
 
 
Un financement prévisionnel
La loi prévoit que la responsabilitéÌ des exploitants s’étend sur tout le cycle de vie d’une centrale, y compris durant les phases de post-exploitation, de démantèlement et de gestion des déchets radioactifs. Pour financer ces travaux, les exploitants constituent chaque année des provisions, et ce tout au long de la durée d’exploitation des installations. Ces moyens financiers, qui ne sont utilisés pour le démantèlement et la gestion des déchets qu’après l’arrêt du fonctionnement des installations, sont transférés dans des fonds appropriés.
Les coûts du démantèlement et de la gestion des déchets radioactifs s’établissent en moyenne à un centime par kilowattheure de courant nucléaire. Ils sont pris en charge par la génération actuelle, qui profite de la production d’électricitéÌ des centrales nucléaires.
 
Calcul périodique des coûts
Le calcul des coûts de désaffectation se base sur les coûts et prix suisses, eux-mêmes calculés par rapport aux valeurs empiriques obtenues en Allemagne. Le plan de désaffectation détaille les différentes étapes de travail, le besoin en personnel, ainsi que le temps nécessaire aux travaux. Il est régulièrement actualisé en fonction du dernier état de la technique et des expériences issues de projets de désaffectation en cours en Allemagne. Il est également pris pour base dans le calcul des coûts de désaffectation. Cette procédure garantit une estimation réaliste des coûts prévisionnels.
Les coûts de la désaffectation sont compris entre 500 et 900 millions de francs par installation, selon la taille de la centrale. Ils sont répartis sur les 15 à 20 ans qui suivent l’arrêt définitif de celle-ci. Si l’on compare avec les coûts du démantèlement à l’étranger, il faut noter que dans les autres pays, contrairement à la Suisse, les coûts se rapportent souvent à la phase de désaffectation ainsi que de post-exploitation. En Suisse, les coûts de la post-exploitation sont directement pris en charge par l’exploitant.
 
Informations complémentaires
  • Forum nucléaire suisse, feuille d’information «Financement de la gestion des déchets radioactifs»: http://www.nuklearforum.ch/fr/faits-et-chiffres/feuilles-d-information
  • BKW SA: www.bkw.ch/desaffectation
  • Office fédéral de l’énergie: www.ofen.admin.ch
  • Inspection fédérale de la sécuritéÌ nucléaire (IFSN): www.ifsn.ch
  • World Nuclear Association: www.world-nuclear.org
  • U.S. Nuclear Regulatory Commission: www.nrc.gov
 

Source: Forum nucléaire suisse