25 Oktober 2012 |
La Revue POLYTECHNIQUE
Éditorial (10/2012)
AZF: la raison d’Etat ?
Le 21 septembre 2001, l’explosion de l’usine AZF de Toulouse tuait 31 personnes, faisait plus de 2000 blessés et pour quelque 2 milliards d’euros de dégâts.
Dans mon éditorial de mars 2003, j’écrivais: «Dès le lendemain de la catastrophe - soit 11 jours après le 11 septembre - le procureur de la République clamait haut et fort que l’explosion était due ‘’sans contestation possible’’ à un accident et qu’une explication scientifique ‘’incontestable’’ serait rapidement donnée.» Nul doute qu’il ne disposait alors d’aucun indice ni élément probant; il avait donc reçu des ordres! J’expliquais ensuite qu’il était invraisemblable que 500 kg de dichloro-isocyanurate de sodium déversés par erreur sur du nitrate d’ammonium, puissent provoquer une explosion. C’est pourtant ce qu’a estimé la cour d’appel de Toulouse, le 24 septembre dernier, en condamnant la société Grande Paroisse, propriétaire de l’usine.
Or, dans un dossier brûlant, fruit de trois ans de travail d’un groupe de spécialistes des risques chimiques et industriels, la revue Préventique de juillet-août 2012 présente une contre-expertise remettant totalement en cause les conclusions des experts commis par la justice. Ceux-ci avaient privilégié dès le départ la thèse de l’accident chimique, à l’exclusion de toute autre piste. Voici les conclusions de cette étude conduite avec rigueur et cohérence, accompagnée notamment de plusieurs observations et dessins réalisés par des témoins.
Cette contre-expertise se base sur la constatation qu’il y a eu deux explosions distinctes et non pas une seule, des perturbations électriques sur une ligne à haute tension, des personnes suspectes identifiées par de nombreux témoignages - dont l’une décédée mystérieusement -, ainsi qu’une fuite de diméthylhydrazine (ergol) peu avant l’accident, dans l’usine de fabrication de carburant pour fusées SNPE voisine d’AZF, soumise au secret défense.
Selon la thèse proposée, l’enchaînement des événements a été le suivant: un projet d’attentat était en préparation, visant à faire exploser les installations de phosgène de l’usine SNPE, afin de répandre ce gaz mortel sur la ville. Cet attentat a échoué, mais il a provoqué une fuite d’ergol. Parallèlement, des poussières provenant de la tour de granulation d’AZF ont causé un court-circuit sur une ligne à haute tension, entraînant un arc électrique qui a enflammé les vapeurs d’ergol. L’explosion s’est transmise à deux bombes enterrées de la dernière guerre, provoquant un séisme, ainsi que la catastrophe de l’usine AZF. Cette version peut paraître rocambolesque, mais elle est plausible et parfaitement compatible avec les événements et les faits relatés par les témoins.
J’avais conclu ainsi mon éditorial de 2003: «Après ce cafouillage, il ne reste plus qu’aux autorités, aux experts et à la justice, à se pencher sur les deux autres pistes restantes.» (L’arc électrique et la malveillance). Les instances chargées de l’enquête n’ont fait que les effleurer.

par Michel Giannoni