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26 März 2012 | La Revue POLYTECHNIQUE

Éditorial (3/2012)

Un pas de plus vers la perception des pensées
Depuis plusieurs années, des équipes de chercheurs développent des techniques permettant de commander un ordinateur par la pensée. Des projets sont en cours à Genève, à l’EPFL, à Martigny, à Neuchâtel et à Berne. En implantant des électrodes dans le cerveau ou en captant les champs électriques générés par l’activité cérébrale, des scientifiques sont parvenus à traduire des pensées en données informatiques et même à renvoyer des impulsions électriques aux muscles, permettant de les activer.
Les chercheurs sont encore loin de pouvoir lire dans les pensées, mais grâce à l’imagerie cérébrale et à l’enregistrement de son activité, ils visualisent de mieux en mieux ce qui se passe dans le cerveau. Et les avancées réalisées par l’équipe du professeur Jack Gallant, de l’Université de Berkeley, ont permis de reproduire des images vidéo en mesurant l’activité du cortex, grâce à l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf).
D’autres neurobiologistes de l’Université californienne ont démontré qu’il est possible de reconstituer les mots entendus par des patients, à partir de l’enregistrement de leurs ondes cérébrales. L’équipe de Brian Pasley a réussi cet exploit en mesurant l’activité électrique du gyrus temporal supérieur, une circonvolution cérébrale qui intervient dans les processus d’intégration du langage. Après avoir mesuré cette activité pendant que des volontaires participaient à une conversation, les chercheurs ont pu mettre en adéquation, à l’aide d’un algorithme complexe, chaque mot entendu, avec un profil d’activité cérébrale. Ce système a permis, grâce à l’enregistrement du signal électrique, de savoir quel mot était prononcé.
L’étape suivante, on s’en doute, consiste à déterminer si ces mesures et ces corrélations sont possibles lorsque les mots ne sont pas prononcés, mais seulement pensés. Les chercheurs de Berkeley en sont persuadés, car ils ont déjà découvert qu’entendre un son ou l’imaginer, active les mêmes zones cérébrales. En analysant plus minutieusement les relations entre les enregistrements cérébraux et les sons, ils pensent parvenir un jour à synthétiser les mots auxquels une personne pense et à les saisir à l’aide d’une interface cerveau-machine.
Ces recherches pourraient conduire à de multiples applications pratiques, dans des domaines très divers. On songe d’abord aux malades atteints du syndrome de de-efférentation motrice, qui n’ont plus aucun moyen de s’exprimer, ne pouvant ni bouger, ni parler. Ils pensent, mais sans pouvoir communiquer. Dans un autre domaine, un ordinateur pourrait contrôler l’activité cérébrale d’un conducteur, afin de le réveiller au cas où il s’assoupirait, ou encore vérifier que telle information a bien été enregistrée par le pilote d’un avion, en analysant les ondes émises par son cerveau. Bien sûr, il ne faudra pas négliger les risques associés à une telle méthode d’accès direct à la conscience, ni l’aspect éthique.
 
par Michel Giannoni