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25 April 2014 | La Revue POLYTECHNIQUE

Éditorial (4/2014)

La signature des ondes gravitationnelles
Coup de tonnerre dans le landerneau des astrophysiciens ! Le 17 mars, l’équipe de la collaboration américaine Bicep 2, dirigée par John Kovac, du Harvard-Smithsonian Center for Astrophysics, situé à Cambridge dans le Massachusetts, a annoncé avoir détecté pour la première fois les ondes gravitationnelles primordiales émises lors du Big Bang. Le petit télescope de 30 cm de diamètre, installé à 2900 m d’altitude dans l’Antarctique, n’a pas directement observé ces vibrations insaisissables qui n’interagissent pas avec la matière, mais il en a constaté les effets sur le rayonnement de fond cosmologique, la plus ancienne photo du Cosmos dont nous disposons, prise par le satellite Planck en mars 2013. Cette image du rayonnement fossile montre l’Univers tel qu’il était 380’000 ans après le Big Bang, lorsqu’il est devenu transparent.
Les ondes gravitationnelles sont des oscillations de l’espace-temps, générées lors de l’inflation, cette phase d’expansion fulgurante qui se serait produite très tôt dans l’histoire de l’Univers. Cette théorie est majoritairement admise par les cosmologistes, mais sa démonstration était difficile. Selon eux, la phase d’inflation, soumise à de violentes fluctuations quantiques, a dû produire des ondes gravitationnelles qui, en déformant l’espace-temps, ont laissé leur empreinte dans l’Univers primordial. Or, c’est la trace de cet événement que l’équipe de Bicep 2 a peut-être détectée dans le rayonnement cosmologique.
Cette découverte, si elle est confirmée par d’autres analyses des données recueillies, ainsi que par de nouvelles observations, sera l’un des plus grands succès de l’astronomie du XXIe siècle et l’un des plus importants triomphes de l’histoire des sciences. En effet, ses retombées seront considérables pour notre compréhension de l’origine du Cosmos. Les physiciens y verraient, pour la première fois, une piste pour la possible unification de la relativité générale et de la mécanique quantique, deux théories, l’une de l’infiniment grand, l’autre de l’infiniment petit, qui n’ont jamais été réfutées, mais n’ont jamais pu encore être réunies.
La preuve de l’existence de ces fluctuations de l’espace-temps ouvrirait la voie vers une description quantique de la gravité et vers cette unification tant recherchée, sous la forme d’une théorie de la gravitation quantique nécessaire pour comprendre aussi bien le comportement de grandes masses de matière et d’énergie, que celui des très petites dimensions de l’espace, comme dans les trous noirs ou à l’origine du temps.
Enfin, les observations effectuées par le télescope Bicep 2 valideraient une nouvelle fois la théorie de la relativité générale, l’œuvre d’Albert Einstein énoncée il y a un siècle et qui traverse les âges sans prendre la moindre ride.
 
par Michel Giannoni