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24 Juni 2016 | La Revue POLYTECHNIQUE

Éditorial (6-7/2016)

Le mystère du principe d’équivalence
Nous l’avons appris au collège, lors des leçons de physique: dans le vide, quel que soit leur poids, tous les corps tombent à la même vitesse. On savait même la calculer par la formule v = (2gh)1/2, dans laquelle, comme on le voit, la masse n’intervient pas. Et si dans la réalité, un cheveu tombe moins vite qu’une clé à molette, c’est uniquement dû à la résistance de l’air.
Vers l’an 1600 – il s’agit sans doute d’une légende –, Galilée aurait lâché une bille et un boulet du haut de la tour de Pise et constaté que leur temps de chute était le même. En 1971 – et ce n’est pas une légende –, au cours de la mission Apollo 15, David Scott a fait cette expérience sur la Lune, avec une plume et un marteau. «Galilée avait raison», s’est-il écrié. La même année, Branginsky et Panov ont mesuré, à l’aide d’une balance à torsion, avec des masses en aluminium et en platine, une différence inférieure à 10-12. Cette valeur a été confirmée en 1987 par le groupe Eöt-Wash de l’université de Washington. 
Mais voilà. Ce phénomène contraire à l’intuition pose d’énormes problèmes aux physiciens, qui ont bien de la peine à l’expliquer. En effet, la loi de Newton stipule que deux corps s’attirent avec une force proportionnelle à leur masse et inversement proportionnelle au carré de la distance qui les sépare. La Terre attirant plus fortement un corps massif qu’un objet léger, ce dernier devrait chuter plus lentement. Mais intervient aussi la force d’inertie, qui s’oppose à tout déplacement. Comme la gravité, elle est proportionnelle à la masse de l’objet sur lequel elle agit.
Et c’est là qu’intervient le principe d’équivalence, qui affirme que la masse inertielle et la masse gravifique sont égales, quel que soit le corps, ce qui explique que la force gravitationnelle et la force d’inertie se compensent. Mais par quel miracle ? Il n’y a a priori aucune raison pour que ces deux forces s’annulent ! Aussi les physiciens veulent-ils savoir jusqu’à quel degré d’exactitude cette équivalence se vérifie.
C’est dans ce but que le Centre national d’études spatiales (CNES) a lancé, le 25 avril dernier, depuis le centrespatial de Kourou, le satellite Microscope, dont la mission consiste à mesurer, pendant deux ans, à 700 km de la Terre, la chute de deux paires de cylindres de titane et de platine, avec la précision de 10-15 d’un accéléromètre ultra sensible.
Si cette expérience devait violer le principe d’équivalence, il s’agirait d’un événement majeur de la physique, qui pourrait constituer une première piste validant la théorie des cordes. En effet, celle-ci prédit la possibilité d’une violation de ce célèbre principe, ouvrant ainsi la voieà la découverte d’autres dimensions dans l’Univers, ainsi qu’à l’unification dela relativité générale et de la mécanique quantique – le «Graal des physiciens».
 
par Michel Giannoni