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25 Oktober 2015 | La Revue POLYTECHNIQUE 10/2015 | Énergie

Énergie éolienne en Suisse: quo vadis ?

Le 30 septembre 2011, la conseillère fédérale Doris Leuthard inaugurait la plus haute éolienne d’Europe, au col du Nufenen. Perchée à 2465 m d’altitude, cette installation est censée produire 3 GWh en moyenne par année, soit l’équivalent de la consommation de 800 ménages.
Deux jours seulement après que le Conseil des États approuve à son tour la sortie progressive du nucléaire, cet événement lançait un signal fort envers les énergies renouvelables. Mais, au terme d’une année d’exploitation, le bilan de production de l’éolienne du Nufenen s’avérait déjà contrasté: l’installation n’a produit que 2,1 GWh. Force est de constater aujourd’hui que le tournant vers cette énergie renouvelable se fait encore attendre. Alors que le débat sur la «Stratégie énergétique 2050» bat son plein au Parlement, voici un bref état des lieux sur les perspectives de l’énergie éolienne en Suisse.

 
Carte des vitesses du vent en Suisse.
 

Évolution et état des lieux en Suisse
L’énergie éolienne a connu un véritable essor en Suisse à la fin des années 2000, lorsque le Conseil fédéral fixait pour la première fois des objectifs de production dans sa politique climatique. L’introduction d’une taxe de soutien aux énergies renouvelables, la rétribution à prix coûtant (RPC), a également contribué à cet essor. Fin 2010, la Suisse comptait 28 grandes éoliennes. En 2013, 33 installations étaient répertoriées. La production pour 2014 devrait s’élever à 100 GWh, soit une part encore négligeable de la production totale d’électricité en Suisse, qui atteint 61’000 GWh.
 
L’énergie éolienne dans la Stratégie énergétique 2050
Renforcement et modification du système de soutien: la «Stratégie énergétique 2050» a fait des énergies renouvelables un de ses piliers en matière d’approvisionnement énergétique. La première étape de ce projet passera par une phase de subvention du renouvelable, dont les mesures ont été débattues au Conseil national lors de sa session d’hiver 2014. Ce dernier a accepté par 105 voix contre 75 de suivre le Conseil fédéral en rehaussant le plafond de la taxe de soutien aux énergies renouvelables de 1,5 ct /kWh à 2,3 ct /kWh. Cette hausse devrait permettre de promouvoir la création d’installations produisant du courant vert en dégageant 500 millions de francs supplémentaires par an. Quelque 36’000 projets en attente de financement pourraient théoriquement en bénéficier. Revers de la médaille, la facture d’électricité pourrait augmenter de 5 %, soit environ 100 CHF par an au maximum pour un ménage de quatre personnes, a annoncé Doris Leuthard.
 
Parc éolien du Mont-Soleil (Jura bernois).
 

Un système de prime d’injection pour remplacer la RPC
Le Conseil national a également accepté de revoir le système même de la RPC en le remplaçant par un système de prime à l’injection. Ce dernier devrait permettre aux nouvelles énergies renouvelables d’arriver plus vite sur le marché. Le fonctionnement est le suivant: les gestionnaires des installations éoliennes seront eux-mêmes responsables de la vente de leur courant. Ils obtiendront une prime d’injection pour la plus-value écologique de ce dernier, qu’ils la commercialisent ou non. Cette prime variera en fonction du moment où l’électricité est produite (la prime sera plus importante si le courant est produit lorsque la demande est forte et vice versa), en fonction de la technique et de la rentabilité des installations. Ce système aurait comme avantage, contrairement à celui de la RPC actuel, d’inciter à produire en fonction des besoins du marché. Autres mesures relatives à la promotion des énergies renouvelables: seules les installations mises en service à partir du 1er janvier 2013 bénéficieront de la rétribution du courant injecté. Le Conseil fédéral pourra décider si et pour quelle solution technique le passage à ce système aura lieu. La durée de rétribution sera raccourcie à quinze ans.
 
Éolienne du Nufenen.
 

Nouvelles règles en matière d’aménagement du territoire
Tout comme les installations hydroélectriques, les installations éoliennes entrent régulièrement en conflit avec des objets en termes d’aménagement du territoire. Le premier volet de la Stratégie énergétique 2050 prévoit un nouvel instrument qui permet d’aborder ces conflits. Il s’agit du «Concept de développement des énergies renouvelables». Cet outil devrait apporter une perspective nationale dans la recherche de solutions et dans la pesée d’intérêts. Il devra être élaboré par les cantons, avec le soutien de la Confédération. Les autorisations de construire seront quant à elle simplifiées et raccourcies. D’autres mesures de soutien sont prévues telles que l’élaboration de directives d’exécution au plan national. Un service d’autorisation d’installations et d’utilisation des énergies renouvelables, géré en commun par les cantons, verra également le jour. Soutenu par les services cantonaux, il pourrait servir de plate-forme d’échange d’informations afin d’uniformiser les méthodes d’évaluation des projets éoliens.
 
Nouveau statut pour l’énergie éolienne
Grande nouveauté apportée par la Stratégie énergétique 2050 et acceptée par le Conseil national: il sera inscrit dans la loi sur l’énergie (LEne) que l’utilisation des énergies renouvelables et leur développement représenteront désormais un intérêt national. En d’autres termes, en cas de conflit d’intérêt, une installation éolienne pourra avoir accès au même degré de protection que d’autres objets inscrits aux inventaires fédéraux de protection de la nature et du paysage, du patrimoine culturel ou des sites construits d’importance nationale (IFP). Cette nouveauté permettra, selon le Conseil fédéral, d’augmenter les chances de réaliser des projets dans certaines zones protégées.
 
Mécanisme d’une éolienne. Entre le système de pales et le générateur de courant sont installés un multiplicateur de vitesse et un système de frein.
 

Potentiel de l’éolien en Suisse
Contrairement à son voisin européen, la Suisse ne dispose pas de nombreux espaces sur son territoire où la qualité du vent est assez bonne pour implanter des parcs éoliens (voir carte en début d’article). Il est facile de comprendre que l’implantation d’éoliennes en Suisse dépendra d’une volonté politique forte et de l’acceptation sociale des projets. La «Stratégie énergétique 2050» est un exemple de cette volonté: en plus du soutien supplémentaire accordé aux énergies renouvelables, de nouveaux objectifs de production d’électricité issue d’énergies renouvelables ont été fixés. D’ici 2020, l’énergie éolienne devrait produire 660 GWh, 1760 GWh d’ici 2035 et 4200 GWh d’ici 2050. Des objectifs ambitieux, lorsque l’on pense aux moyens qui devront être investis, mais relatifs comparés à la production totale d’électricité produite en 2013 qui s’élève à 61’000 GWh.
 
Miser gros sur le courant vert
Le Conseil fédéral a donc décidé de miser gros sur le courant vert. Au programme pour l’éolien: des subventions massives, des procédures d’autorisation de construire facilitées et la possibilité de construire en zones protégées. Un coût, que les consommateurs suisses devront assumer tôt ou tard pour un courant vert dont la part restera encore faible en 2050 dans la consommation totale d’électricité. A voir si cette stratégie sera payante à long terme et surtout, si l’acceptation sociale suivra.
 
Texte tiré du bulletin no 67 – janvier 2015 de l’Association Genève-Énergie.
 
Texte complet sur www.geneve-energie.ch