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18 November 2019 | La Revue POLYTECHNIQUE

La Haute école spécialisée bernoise recherche de nouveaux dispositifs médicaux

Elsbeth Heinzelmann*

«Prenez des graines d’une plante, de la graisse de bœuf ainsi que du lait, mélangez-les avec du sel de Basse-Égypte et de la figue de sycomore bouillie, vous obtiendrez un remède éprouvé contre le tremblement des mains.» C’est inscrit depuis 3500 ans dans le papyrus d’Ebers qui, avec ses près de 19 m de long, est le seul rouleau du livre holistique de remèdes de l’Égypte des Pharaons. À cette époque, les Égyptiens avaient une longueur d’avance en médecine. Aujourd’hui, les instituts de recherche travaillent avec des PME, des cabinets médicaux, des hôpitaux et des associations sportives pour développer des produits innovants et commercialisables. La Haute école spécialisée bernoise en est un exemple.
Les personnes qui travaillent en réseau avec des partenaires tels que le Centre des technologies de la BFH pour le sport et la médecine – comme l’institut Human Centered Engineering HuCE –, sont dotées d’équipements spéciaux de pointe qu’elles mettent également à la disposition d’autres laboratoires de recherche, de jeunes entreprises ainsi que de PME partenaires de projets.

 
Rafael Morand, ingénieur BFH, travaillant sur le projet WiseSkin de Nano-Tera. Il porte le gant en silicone recouvert de capteurs tactiles miniatures qui doit redonner aux amputés la sensation du toucher grâce à sa peau sensorielle. (Photos: Haute école spécialisée bernoise)
 


Élargir les connaissances médicales
N’y font défaut ni le scanner 3D, ni l’imprimante de prototypage rapide pour les biomatériaux, ni la ligne de production SMD/BGA pour les petites quantités, ni le testeur de plaquettes ou l’appareil de microcâblage pour ASICS. La machine de soudage au laser est à portée de main, la plate-forme robotisée collaborative ne doit bien sûr pas manquer, de même que la plate-forme système OCT ou l’interféromètre Doppler au laser.
C’est sur cette base que le Medicus, les ingénieures et ingénieurs du Centre BFH possédant une expertise spécifique dans des domaines tels que la microélectronique, le traitement du signal, la microtechnique et la technique médicale, ainsi que l’informatique, préparent l’avenir. Le professeur Marcel Jacomet, directeur de cet institut, est convaincu que «ce n’est que si nous coopérons au sein d’équipes interdisciplinaires du centre BFH, que nous pourrons rechercher et développer, en travaillant main dans la main avec les hôpitaux, les cabinets médicaux et les PME du secteur médical, des outils utiles pour les médecins et les professionnels de la santé, dans l’intérêt des patients.»
 
Mettre en place un système de gestion de la qualité
Étant donné que l’Union européenne est vigilante en ce qui concerne les dispositifs médicaux permettant d’apporter efficacité et sécurité aux patients, il est nécessaire de mettre en place un système de gestion de la qualité afin de contrôler la durée de vie d’un produit. À cet effet, le Centre BFH – l’institut HuCE – est certifié selon la norme internationale ISO13485 pour la conception, le développement et la production, ainsi que pour la durée de vie du logiciel. Il dispose également d’une salle blanche ISO classe 7 validée pour la fabrication de dispositifs médicaux nécessitant un environnement contrôlé, garantissant ainsi le respect des réglementations internationales et des normes en vigueur. Il existe également des équipements pour la production de prototypes pendant la phase de faisabilité, jusqu’à des petites séries pour la vérification de la conception et la phase de validation. Mais assez de termes techniques, jetons un coup d’œil dans les coulisses de la BFH !
 
Cathéter œsophagien d’ECG fabriqué selon la norme de qualité ISO 13485 dans la salle blanche du Centre des technologies de la BFH pour le sport et la médecine. Une maquette du cœur figure à l’arrière-plan.
 

 
Le toucher sans la sensation ?
Oui, cela arrive lors d’une amputation – la séparation chirurgicale d’une partie du corps, effectuée lorsque la vie du patient est menacée ou après un accident. Cela a commencé il y a quelque 3000 ans; en effet, on peut voir au Musée égyptien du Caire, au pied d’une momie féminine, la prothèse la plus ancienne au monde: un orteil minutieusement travaillé, en cuir et en bois. Comme l’ont constaté les égyptologues, si elle est très bien adaptée, elle n’a toutefois pas transmis la «sensation».
Aussi, le CSEM, l’EPFL et la BFH, soutenus par Nano-Tera se sont attelés, dans le cadre du projet WiseSkin, à développer une peau restituant des sensations tactiles aux prothèses de la main. Et ce, en insérant des capteurs tactiles miniatures dans le revêtement en silicone de la prothèse, qui fonctionne désormais comme une «peau sensorielle». Les informations sont transmises au moignon situé dans l’arbre de la prothèse, par l’intermédiaire de moteurs vibrants.
Dans le cadre du projet WiseSkin, la Haute école spécialisée bernoise et l’Hôpital universitaire Balgristsouhaitaient mettre en œuvre ce qu’ils ont appris, dans un projet à long terme. Avec la participation active de l’ingénieur Rafael Morand, l’équipe a tenté d’amplifier la perception tactile au-delà de la tige de la prothèse. «Le nouveau système est composé d’un gant en silicone muni de capteurs (en rouge dans l’illustration), adapté à l’i-limb – la main prothétique haut de gamme de l’islandais Össur, leader mondial de l’orthopédie non invasive –, ainsi que de la pièce maîtresse de notre programme, la semelle en silicone FeetBack intégrant des moteurs vibrants», explique Rafael Morand.
L’orthèse reçoit les données filtrées depuis le gant du capteur. En fonction de la force de préhension de la main artificielle, le porteur du système ressent des picotements dans des positions pertinentes du pied, ceux-ci devant être interprétés comme une pression. La possibilité de restituer le toucher de la main au pied sera examinée à l’automne 2019, dans une étude clinique pilote menée par Balgrist, dès que le comité d’éthique cantonal de Zurich et Swissmedic auront donné leur autorisation.
Les appareils de ce système ont été mis au point et fabriqués à l’institut HuCE à Bienne, sous la direction des professeurs Volker M. Koch et Jörn Justice, tous deux médecins. En fonction des résultats de l’étude, on pourra parler de recherche plus poussée, voire de commercialisation. Avec la société Össur, la Haute école spécialisée bernoise aura certainement l’assurance d’avoir un partenaire financier solide.
 
Puce d’enregistrement d’ECG œsophagien, qui empêche dans le cathéter, la saisie de données, le traitement du signal (sub-Nyquist et échantillonnage asynchrone), ainsi que la cryptographie dans le cadre du piratage de données médicales, y compris les interfaces vers la mémoire flash de 1 GByte et la communication en champ proche (NFC, Near Field Communication) sans fil.
 
 

L’arythmie cardiaque – une irrégularité du rythme cardiaque
Plongeons-nous maintenant dans le diagnostic chinois du pouls, dont les débuts remontent bien à quelque 2700 ans. Bian Que, le légendaire médecin, a redécouvert l’enseignement de la prise du pouls vers 500 avant J.-C. et le médecin perse Ibn Sina – appelé aussi Avicenne – l’a introduit dans notre médecine au Moyen Âge. Mais ce qui est clair aujourd’hui, c’est que peu de choses n’ébranlent davantage l’âme humaine qu’une anomalie de la fréquence cardiaque normale – à savoir une arythmie, du grec ancien «non rythmique».
Aussi, les chercheurs de l’Institut HuCE du Centre BFH pour les technologies du sport et de la médecine participent-ils à un projet de recherche financé par le Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS), en développant un système de cartographie 3D semi-invasif des arythmies cardiaques, qui utilise les signaux d’ECG œsophagiens.
«Afin de vérifier les indications d’une thérapie interventionnelle dans l’arythmie, la plupart des patients ont recours à l’ECG comportant douze dérivations. Les oreillettes sont souvent à l’origine de nombreuses arythmies courantes, c’est-à-dire qu’elles se situent justement dans la partie du cœur souvent insuffisamment visible sur les électrocardiogrammes», déclare le professeur Marcel Jacomet, médecin et directeur de l’institut HuCE.
Étant donné que l’œsophage se situe très près des oreillettes, l’équipe BFH a complété l’ECG standard par des signaux ECG émis par un cathéter spécialement mis au point et directement inséré dans l’œsophage; ils sont donc d’excellente qualité. L’analyse qui s’en suit est réalisée à l’aide de nouveaux algorithmes: «Notre objectif n’est pas seulement d’enregistrer des électrocardiogrammes, mais également de reconstituer en 3D l’activité électrique sur la surface cardiaque des oreillettes et de la présenter sous la forme d’une «carte d’activation»», ajoute le Dr Reto Wildhaber, professeur titulaire HuCE. En accord avec l’éthique médicale et suite à l’approbation de Swissmedic, le partenaire du projet a pu entamer une étude clinique à la Clinique universitaire de cardiologie de l’Hôpital de l’Île de Berne, qui montre déjà des premiers résultats positifs.
 
Un nouveau système de surveillance pour prématurés
Les chercheurs se sont tournés vers les prématurés, qui représentent plus de 10 % des nouveau-nés dans le monde. Il leur faut souvent une surveillance cardiorespiratoire dans l’unité de soins intensifs, mais cette observation est compliquée, car l’enregistrement des paramètres vitaux du rythme cardiaque et de la respiration souffre d’importants artefacts de mouvement.
Aussi, a-t-on conçu un nouveau type de système de surveillance pour prématurés. «On enregistre un ECG de grande qualité et un signal respiratoire dans l’œsophage», déclare le professeur Thomas Niederhauser, médecin au Département des microtechniques et techniques médicales de la BFH. On surveille donc les signes vitaux au moyen d’un seul cathéter œsophagien, également utilisé pour l’alimentation artificielle des prématurés. Grâce au soutien de la Fondation Suisse de Cardiologie et de la Fondation Bangerter Rhyner, en coopération avec le département de néonatologie de l’Hôpital universitaire pédiatrique des deux Bâle, on peut même, par des signaux œsophagiens multicanaux, visualiser la déglutition – un paramètre neurologique important en relation avec la respiration.
 
Une salle blanche homologuée selon la norme ISO-13485 pour les techniques médicales permet la fabrication en interne de dispositifs médicaux, notamment du cathéter œsophagien.
 

 
La thérapie rétinienne sélective
Si vous souhaitez vous débarrasser de vos lunettes, lire votre journal avec des yeux d’aigle ou aller nager sans lentilles de contact, c’est grâce au laser que vous pouvez le faire ! Toutefois le Medical Laser Center de Lübeck a franchi une étape supplémentaire en développant la thérapie rétinienne sélective (TRS).
Cette technique novatrice est utilisée lorsque l’épithélium pigmentaire rétinien présente une dégradation, car elle régule le métabolisme de la rétine. Elle a été reprise par l’équipe du professeur Christoph Meier de l’institut HuCE, qui l’a complétée par son expertise en tomographie par cohérence optique (TCO). Il s’agit d’un système de surveillance de la rétine qui simplifie et améliore le diagnostic des modifications rétiniennes. «La TRS convient parfaitement, car elle sélectionne la couche cellulaire de RPE (retinal pigment epithelium) sans affecter les tissus environnants, tels que la rétine neuronale, la choroïde et les photorécepteurs», déclare-t-il.
La raison en est la forte lumière des mélanosomes absorbée à l’intérieur des cellules RPE, où 50 % environ de la lumière incidente dans la plage spectrale verte est convertie en chaleur. Les mélanosomes sont des organelles spécialisées dans les cellules pigmentaires, qui synthétisent, stockent et transportent la mélanine. «L’association de la TRS et de la TCO permet une réaction en temps réel pendant le traitement. On peut ainsi contrôler et ajuster individuellement la dose de laser administrée», explique le professeur Christoph Meier. La preuve de la sécurité des patients est toutefois nécessaire pour que Swissmedic délivre une autorisation, celle-ci étant encore pendante en juillet 2019.
 
Conclusion
Ceci est un petit extrait des activités du Centre des technologies de la BFH pour le sport et la médecine dans le domaine médical. Les groupes de recherche et instituts associés, tels que l’institut Human Centered Engineering HuCE, la technologie de rééducation et de performance de l’IRPT, la physiothérapie et l’HEFSM réunissent une large gamme de compétences techniques, tout en ayant un savoir-faire en matière d’application médicale. Celles-ci incluent diverses microtechniques, ainsi que des biocapteurs et des algorithmes servant de base aux procédés d’imagerie, aux implants, aux prothèses et à d’autres instruments thérapeutiques.
On ne pourra faire de la recherche et développer des dispositifs médicaux novateurs et adaptés aux patients, qu’avec une approche interdisciplinaire globale au sein de l’équipe de recherche de la BFH, en étroite collaboration avec des cliniciens sur le terrain. «Pour ce qui est de l’avenir, il ne s’agit pas de le prévoir, mais de le rendre possible !» écrivait Antoine de Saint- Exupéry, le père du Petit Prince.
 
Le Centre des technologies de la BFH pour le sport et la médecine
Le Centre des technologies de la BFH pour le sport et la médecine fait de la recherche et développe des applications dans les secteurs des microtechniques, en particulier dans les champs d’application des techniques médicales, du sport de compétition, de la rééducation et de la prévention. Des chercheurs de l’institut Human Centered Engineering HuCE, de l’Institut de réadaptation et de performance IRPT, du domaine de la santé et de La Haute école fédérale de sport de Macolin HEFSM, travaillent en réseau et de manière interdisciplinaire. Le centre BFH réunit ainsi les compétences nécessaires pour développer des solutions et des produits de haute qualité et conviviaux pour les PME, les cabinets médicaux, les hôpitaux et les associations sportives.
 
 
Haute école spécialisée bernoise

Centre des technologies pour le sport et la médecine
Tél. 031 848 31 90
E-mail: humantec@bfh.ch
www.bfh.ch/humantec
 

*Journaliste science + technologie