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06 Januar 2014 | La Revue POLYTECHNIQUE 11/2013 | Énergie

L’avenir des biocarburants

James Dettwiler

Actuellement, les biocarburants dits de première génération font l’objet de critiques de plus en plus vives. Ils sont accusés de contribuer à la hausse mondiale des prix alimentaires et d’aggraver la déforestation. L’Union européenne a finalement donné un coup de frein à la production de ces biocarburants, tout en favorisant la valorisation de nouvelles générations.
Le pétrole est l’un des piliers de notre économie industrielle, fournissant la quasi totalité des carburants. Avec une estimation des stocks pour 50 ans au maximum, la pénurie est proche. D’après la compagnie pétrolière Total, le pic (ou maximum) de la production mondiale de pétrole interviendra dans la décennie 2020. Un des moyens plausible mis en œuvre pour palier la diminution conséquente de la ressource pétrolière est le développement des biocarburants. Cependant, un débat s’est instauré sur le réel intérêt écologique des biocarburants. Ils font l’objet de critiques de plus en plus vives. Ils sont accusés de contribuer à la hausse mondiale des prix alimentaires, de participer à l’insécurité alimentaire dans les pays en développement et d’aggraver la déforestation. Les plantations dévolues à ce type de cultures provoquent un effet de déplacement des autres cultures alimentaires, comme en Amazonie ou en Indonésie, par exemple. De plus, la destruction des forêts, des prairies ou des tourbières met en péril ces puissants pièges à gaz carbonique.
 
Auteur: Harald Hoyer

 
 
Les différentes générations de biocarburants
Les biocarburants sont définis suivant des générations, qui correspondent à la biomasse utilisée et aux procédés de fabrication. Leur combustion ne produit que du gaz carbonique et de la vapeur d’eau, pas ou peu d’oxydes azotés et soufrés (NOx, SOx). Actuellement, on distingue trois générations de biocarburants:
 
Les biocarburants de première génération
Ces biocarburants sont représentés principalement par deux types: le bioéthanol et le biodiesel. Ce sont les seuls qui sont produits actuellement à l’échelle industrielle. Le bioéthanol est produit à partir de canne à sucre, de betteraves sucrières ou de céréales. Son processus de fabrication transforme le sucre en éthanol par fermentation, puis le mélange à l’essence. Le biodiesel est fabriqué à partir de différentes sources d’acides gras, contenus dans le soja, le colza, la palme ou d’autres huiles végétales, suivant un processus appelé transestérification. On utilise de l’huile raffinée qui est mélangée à froid à un alcool en présence d’un catalyseur, à savoir une base, telle que l’hydroxyde de sodium ou de potassium. Le biodiesel ainsi obtenu est uniquement mélangé au gazole.
 
Les biocarburants de deuxième génération
Ces biocarburants utilisent des technologies permettant d’exploiter la matière cellulosique, telle que le bois, les feuilles ou celle issue de déchets végétaux. Leur disponibilité et la non-concurrence avec la production alimentaire représentent leurs avantages. Les procédés actuellement utilisés permettent de produire du bioéthanol, du biodiesel, de l’hydrogène ou du biogaz. Il existe deux principales méthodes de production: la voie thermochimique et la voie biochimique. Dans la voie thermochimique, la biomasse est transformée en gaz (hydrogène et monoxyde de carbone), suivant des conditions de pression et de températures élevées. Puis ces produits sont transformés en carburant par une réaction (Fischer-Tropsch), qui permet de les convertir en hydrocarbures.  La voie biochimique, quant à elle, permet de transformer la biomasse en sucre à l’aide d’enzymes. Le sucre ainsi produit est transformé en éthanol par un procédé de fermentation.
En raison de leur avancée technologique et de leurs coûts, ces procédés ne sont pas encore déployés au stade industriel mais des perspectives de mise en application se dessinent. Une production à grande échelle est prévue à l’horizon 2020-2030.
 
Les biocarburants de troisième génération
La piste la plus prometteuse est la fabrication de biocarburants dits de troisième génération. Actuellement, les algues sont la matière la plus intéressante. Se développant par photosynthèse, elles accumulent des huiles et des sucres d’où l’on peut tirer des biocarburants avec de bons rendements. De plus, elles n’accaparent pas des terres destinées à la production agricole alimentaire. Un autre point intéressant est que leur culture nécessite un fort apport de gaz carbonique, ce qui permettrait de recycler les émanations de ce gaz issues des usines ou des centrales thermiques, par exemple. Comme pour les biocarburants de deuxième génération, le développement de cette méthode est freiné par sa technologie et par son coût. Produire un litre d’essence à l’échelle pilote coûte actuellement plus de 10 euros, estime un chercheur de l’Inra. Malgré tout, les algues constituent l’une des solutions futures les plus étudiées pour remplacer, peut être, le pétrole.
 
Un coup de frein aux biocarburants
Le 11 septembre 2013, l’Europe a finalement donné un coup de frein aux biocarburants. C’est ainsi que le Parlement européen s’est prononcé pour un plafonnement, pour ceux dits de première génération. Ils seront limités à 6 % de l’énergie finale consommée dans les transports d’ici 2020. Cette mesure a comme objectif de lutter contre le réchauffement climatique et de réduire l’impact négatif sur les productions alimentaires et sur la déforestation. Actuellement, le bilan environnemental de ces biocarburants est établi comme étant mauvais. Par exemple, le biodiesel est très loin de satisfaire aux critères de l’Union européenne, en termes d’émissions de gaz à effet de serre. De plus l’Institut International de Recherche sur les Politiques Alimentaires (IFPRI) a prouvé que pour le biodiesel tiré de l’huile de palme, de colza ou de soja, les émissions sont supérieures à celles du diesel d’origine fossile. Par contre, les députés européens favorisent l’accélération des nouvelles générations de produits, basés sur d’autres ressources, comme les déchets ou les algues, par exemple. Ces biocarburants dits avancés devront représenter 2,5 % de la consommation en 2020. En ce qui concerne la Suisse, le conseil national a adopté, le 15 octobre 2013, une loi introduisant des critères plus sévères pour les allégements fiscaux dont bénéficient les biocarburants. Ceci toujours dans l’optique de lutter contre les effets sociaux et environnementaux négatifs.
Malgré le frein au développement des biocarburants de première génération et leur remplacement par ceux de deuxième et troisième génération, ils apparaissent, à l’heure actuelle, comme une alternative sérieuse aux carburants traditionnels. Ils permettront aux pays qui les produisent de réduire leur dépendance énergétique vis-à-vis des carburants d’origine fossile.
Actuellement l’Europe mise sur les deux voies, l’éthanol cellulosique et les biocarburants obtenus par voie thermochimique. Ces deux procédés de production à grande échelle sont encore limités, compte tenu des problèmes économiques et technologiques, qu’il faut encore résoudre. Par contre, de par le monde, plusieurs unités pilotes fonctionnent déjà. Tout l’enjeu sera de produire ces biocarburants à un prix compétitif avec les meilleurs bilans environnementaux possibles.
Parmi les prévisions, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) estime que les biocarburants pourraient fournir jusqu’à 27 % du carburant utilisé dans les transports dans le monde en 2050.