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13 März 2017 | La Revue POLYTECHNIQUE

Le rêve d’un réacteur indigène

Isabelle Frühwirt*

Depuis plus de 45 ans, la Suisse produit de l’électricité à partir de l’énergie nucléaire. Dans la revue ENERGEIA, l’Office fédéral de l’énergie décrit son historique, depuis le réacteur de recherche de Lucens jusqu’à la première demande de désaffectation, en passant par les cinq centrales nucléaires actuelles.
Paul Scherrer (1890–1969) a été l’un des premiers physiciens nucléaires en Suisse à étudier l’utilisation de l’énergie atomique. Lorsqu’en 1945, le Conseil fédéral a mis sur pied la Commission d’étude pour l’énergie atomique (SKA), Paul Scherrer, alors directeur de l’Institut de physique de l’EPF de Zurich, accéda à la présidence. L’objectif de la commission d’étude était de soutenir la recherche en matière d’énergie nucléaire. En 1946, un arrêté fédéral accorda une aide financière aux activités de recherche qui devaient servir, entre autres, au développement d’un réacteur de recherche.

 
La centrale nucléaire de Beznau I pendant sa construction. (Source: Axpo)
 
 
La centrale nucléaire expérimentale de Lucens

La construction dans la roche de la centrale de Lucens a débuté en 1961. Le réacteur à eau lourde était un développement indigène basé sur les activités de recherche de la société Réacteur SA (l’actuel Institut Paul Scherrer). Pendant la phase de construction, quelques problèmes de fissures dans la roche et d’infiltrations d’eau sont apparus. Dans le même temps, sans attendre la mise au point de la technique de réacteur suisse, les sociétés d’électricité se tournèrent vers la concurrence étrangère. In fine, la centrale nucléaire expérimentale de Lucens fut mise en service en mai 1968.
Suite à une révision commencée en fin d’année, la centrale a été victime de la surchauffe d’assemblages combustibles lors de la reprise de l’exploitation du 21 janvier 1969. Un assemblage a fondu, faisant éclater le tuyau à pression, ce qui provoqua le déversement d’eau lourde et de matériau radioactif fondu. Malgré l’arrêt d’urgence, le réacteur fut irrémédiablement détruit. La décontamination de la caverne dura jusqu’en 1971.
 
Mise en service de Beznau I et II
En 1964, les Forces Motrices du Nord-Est de la Suisse (aujourd’hui Axpo) décidèrent d’acquérir le réacteur à eau sous pression du constructeur américain Westinghouse. En 1969, la centrale nucléaire de Beznau I fut mise en service, suivie deux ans plus tard par celle de Beznau II. Trois nouvelles centrales suivirent: celle de Mühleberg fut raccordée au réseau en 1972, celle de Gösgen en 1979 et celle de Leibstadt en1984.
Ces installations produisent au total 39 % environ de l’électricité consommée en suisse. Beznau I est actuellement la plus ancienne centrale nucléaire au monde. A l’instar de toutes les autres centrales suisses, elle est soumise à la surveillance de l’Inspection fédérale de la sécurité nucléaire (IFSN), l’organe responsable de la sécurité nucléaire et de la sûreté des installations nucléaires suisses.
 
L’évacuation des déchets
Le plan sectoriel «Dépôts en couches géologiques profondes» règle l’évacuation des déchets radioactifs des centrales nucléaires. En 2008, on y a défini le déroulement de la recherche de sites d’implantation pour les dépôts en profondeur, ainsi que les critères à remplir. Ceci garantit une procédure de sélection transparente, compréhensible et contraignante, soumise à la surveillance de l’Office fédéral de l’énergie (OFEN).
La recherche de sites adéquats se déroule en trois étapes. La Nagra (Société coopérative nationale pour le stockage des déchets radioactifs) a tout d’abord identifié des régions d’implantation potentielles, pour se focaliser ensuite sur la participation de ces régions. Les sites retenus seront examinés de manière plus approfondie au cours de la dernière étape et la décision du Conseil fédéral tombera probablement fin 2029.
 
La sortie progressive du nucléaire
Le 11 mars 2011, un séisme de magnitude 9 sur l’échelle de Richter a provoqué un tsunami avec des vagues hautes de 10 m sur la côte est du Japon. Ce raz de marée a endommagé les blocs des réacteurs de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi, provoquant une catastrophe nucléaire.
Trois jours plus tard, suite à une séance avec les représentants de l’OFEN et de l’IFSN, la conseillère fédérale Doris Leuthard décida de suspendre les procédures d’octroi d’autorisation générale en cours pour le remplacement des centrales nucléaires. Le Conseil fédéral et le Parlement optèrent alors pour la sortie progressive du nucléaire. Cette décision, ainsi que d’autres modifications profondes dans l’environnement énergétique international, ont nécessité une restructuration du système énergétique suisse, contraint dès lors de relever certains défis: la volatilité des prix des énergies fossiles, la convergence des marchés européens de l’énergie, le changement climatique, la numérisation de l’approvisionnement énergétique ou encore les nombreuses innovations énergétiques prometteuses. Pour satisfaire ces développements, le Conseil fédéral a élaboré la Stratégie énergétique 2050. En octobre 2016, les exploitants Alpiq, Axpo et les Forces motrices bernoises (BKW Energie AG) ont décidé de retirer leurs demandes d’autorisation.
 
La désaffectation de Mühleberg
Le 18 décembre 2015, les Forces motrices bernoises (FMB) ont présenté à l’OFEN leur projet de désaffectation de la centrale nucléaire de Mühleberg, lançant ainsi la procédure de fermeture de cette centrale. Du 4 avril au 3 mai, les documents ont été mis à l’enquête publique. Les cantons et les offices concernés ont également pu prendre position. Ces prises de position sont actuellement analysées par l’OFEN.
Parallèlement, l’IFSN assurera, jusqu’à l’automne 2017 probablement, le contrôle de sécurité technique. Selon le calendrier actuel, le Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication (DETEC) rendra la décision de désaffectation à mi-2018, afin que les FMB puissent fermer définitivement la centrale le 20 décembre 2019.
 
Votation sur l’énergie nucléaire
Le 27 novembre dernier, les Suisses ont refusé, en votation populaire, l’initiative fédérale «Pour la sortie programmée de l’énergie nucléaire (Initiative Sortir du nucléaire)». Celle-ci exigeait l’interdiction d’exploitation de nouvelles centrales nucléaires et la limitation de la durée d’exploitation des centrales nucléaires existantes à 45 ans. Par le passé, le peuple suisse avait déjà voté sur plusieurs initiatives populaires demandant l’abandon du nucléaire, la dernière en 2003, rejetée par 66,3 % des citoyens.
 
L’historique
 
1945
Le Conseil fédéral met en place la Commission d’étude pour l’énergie atomique, sous la présidence de Paul Scherrer et avec l’objectif de développer un réacteur de recherche.
 
1968
La centrale nucléaire expérimentale de Lucens est mise en service. Une année plus tard, la surchauffe d’assemblages combustibles entraîne l’arrêt d‘urgence.
 
1969
Beznau I, première centrale nucléaire suisse, entre en service. Aujourd’hui, cinq centrales nucléaires sont couplées au réseau et toutes soumises à la surveillance de l’IFSN.
 
1971
Mise en service de Beznau II .
 
1972
Mise en service de Mühleberg.
 
1979
Mise en service de Gösgen.
 
1984
Mise en service de Leibstadt.
 
2008
Le Conseil fédéral adopte le plan sectoriel «Dépôts en couches géologiques profondes», qui règle l’évacuation des déchets radioactifs des centrales nucléaires.
 
2011
Suite à la catastrophe nucléaire de Fukushima, le Conseil fédéral et le Parlement optent pour la sortie progressive du nucléaire.
 
2015
Les FMB présentent leur projet de désaffectation pour la centrale nucléaire de Mühleberg, avec l’objectif d’une fermeture définitive en 2019.
 

 
Source:
Office fédéral de l’énergie
3063 Ittigen
Tél. 058 462 56 11
www.bfe.admin.ch
 

* Office fédéral de l’énergie, 3063 Ittigen