Le plan sectoriel «Dépôt en couches géologiques profondes» définit la procédure qui va conduire, en trois étapes, à la sélection des sites d’implantation pour les dépôts en couches géologiques profondes en Suisse. Pour l’identification et la comparaison des domaines d’implantation potentiels sous l’angle de la sûreté, le plan sectoriel définit treize critères. L’un d’eux concerne les phénomènes d’érosion à venir et leur importance pour la sûreté et la stabilité à long terme d’un dépôt en couches géologiques profondes.
Les domaines d’implantation géologiques du plan sectoriel «Dépôt en couches géologiques profondes» de la Nagra.
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Plusieurs paramètres à examiner
Pour effectuer une comparaison sur la base de ce critère, la Nagra prend en compte plusieurs paramètres qui diffèrent d’un domaine à l’autre. Il s’agit, entre autres, de la profondeur de l’argile à Opalinus en tant que roche d’accueil, de la résistance des couches rocheuses situées au-dessus de la roche d’accueil, ainsi que de la topographie. Les domaines d’implantation potentiels sont également analysés du point de vue des glaciations passées et futures.
À l’aide de scénarios, la Nagra a évalué, pour tous les domaines d’implantation, quelle profondeur devrait avoir l’argile à Opalinus pour être protégée des effets futurs de l’érosion. Ces scénarios se basent sur une analyse de l’évolution passée de la topographie, en particulier sur la vitesse de creusement des grandes rivières, ainsi que sur les effets de l’érosion glaciaire en profondeur.
Les mesures effectuées au cours des cent dernières années montrent que les Alpes se soulèvent d’environ 1 mm par an par rapport au Plateau. (Graphique: swisstopo) |
Des scénarios sur l’érosion future
Au cours des prochaines années, la géologie des trois domaines d’implantation potentiels, de Zurich nord-est, Nord des Lägern et Jura-est fera l’objet d’un examen approfondi, dont l’un des objectifs sera d’analyser et d’affiner les scénarios relatifs à l’érosion. Les résultats seront intégrés dans la comparaison des domaines effectuée à l’étape 3 du plan sectoriel.
Pour délimiter les domaines d’implantation dans lesquels la roche d’accueil est située à une profondeur idéale, il faut émettre des hypothèses sur l’érosion future. À cet effet, la Nagra étudie divers scénarios qui, s’ils ne constituent pas des prévisions exactes, permettent toutefois de mener une réflexion scientifique solide. Reposant sur diverses hypothèses (évolution climatique, taux d’’érosion), ces scénarios servent a déterminer la profondeur à laquelle l’argile à Opalinus, en tant que roche d’accueil, doit se trouver pour que le dépôt géologique soit protégé de manière adéquate sur les périodes de temps nécessaires.
Au cours de l’étape 2 du plan sectoriel, les aspects suivants ont été pris en considération lors de la délimitation des périmètres de dépôt: la dégradation homogène du terrain par les cours d’eau et les mouvements de terrain, les glaciations futures avec transport de débris et accentuation des surcreusements glaciaires existants, ainsi que l’apparition de nouvelles vallées et de nouveaux surcreusements au cours de glaciations futures
Emplacement de la limite supérieure de la roche d’accueil argile à Opalinus sous le niveau de base local. (D’après Pietsch & Jordan 2014) |
Creusement des principaux cours d’eau
Les scénarios partent du principe que le terrain continuera de se soulever et que les principaux cours d’eau continueront de creuser le substrat rocheux. Le niveau de base local est déterminé par les cours d’eau principaux. L’érosion due aux petites rivières et aux mouvements de terrain n’abrasera pas la roche en dessous de ce niveau. Le creusement futur des cours d’eau principaux est estimé en fonction de l’évolution passée.
Surcreusements glaciaires
Certaines vallées du Plateau suisse présentent des surcreusements profonds remplis de roches meubles (sables et graviers), qui ont été érodées par des glaciers jusque sous le niveau de base des cours d’eau actuels. Dans les régions alpines, les vallées et les surcreusements glaciaires sont souvent très marqués et constituent, de ce fait, la voie d’écoulement préférentielle pour un nouveau glacier.
Dans le bassin molassique au Nord de la Suisse, on trouve, en plus de surcreusements plusieurs fois remplis par des débris, divers surcreusements nouvellement crées, ainsi que de nouveaux affluents de surcreusements existants. Ce phénomène peut aussi survenir dans les domaines d’implantation.
La glaciation a été autrefois nettement moins marquée dans le domaine d’implantation Jura-est que dans les deux autres domaines. À l’avenir également, le phénomène sera plus rare et la couverture glaciaire moins épaisse.
Les forages fournissent des informations sur les caractéristiques de la roche d’accueil et sur les couches aquifères. (© Comet Photoshopping. Dieter Enz) |
Apparition de nouveaux sillons
La formation de sillons d’écoulement en rapport avec les glaciations joue un rôle important dans l’érosion du terrain. Si un tel sillon se forme, le creusement est relativement rapide. L’emplacement de nouveaux sillons ne peut pas être prédit exactement. Toutefois, ces sillons n’entailleront pas le substrat rocheux plus profondément que le niveau de base local.
Les recherches géologiques
Pour vérifier et affiner les scénarios sur l’érosion à venir, la Nagra effectue des recherches géologiques dans les domaines d’implantation retenus pour la suite de la procédure. Elle examine le sous-sol par des méthodes telles que la sismique 3D et les forages exploratoires. Ces derniers sont prévus à partir de 2017.
De 2015 a 2017, des campagnes de sismique 3D ont été réalisées dans les domaines d’implantation de Zurich nord-est, Nord des Lägern et Jura-est. Cette méthode fournit une image en trois dimensions des couches rocheuses du sous-sol. Les données obtenues seront évaluées et intégrées dans la prochaine étape du plan sectoriel.
Sismique 3D: contrôle des opérations dans un véhicule de mesure. (Photo: Beat Müller) |
Les forages permettent de reconstituer les processus d’érosion
Les forages fournissent des informations sur les caractéristiques de la roche d’accueil et sur les couches aquifères. Ces informations servent aussi à l’étalonnage des mesures sismiques. Les forages profonds permettront d’obtenir des indications plus précises sur la profondeur de la couche d’argile à Opalinus. Ce sont des données pertinentes pour évaluer la protection contre l’érosion future.
Par ailleurs, en rapport avec l’évolution de l’érosion dans le Nord de la Suisse, la Nagra a effectué, en 2018, également des forages quaternaires. Les données de ces forages – dans les roches meubles des surcreusements – permettront de reconstituer les processus d’érosion passés et de faire des prévisions pour l’avenir. Sur cette base, les scénarios d’érosion élaborés seront examinés et affinés au cours de l’étape 3 du plan sectoriel.
La cartographie géologique et la vérification des affleurements
Parmi les autres méthodes de recherche utilisées figurent la cartographie géologique et la vérification des affleurements, c’est-à-dire des lieux – par exemple des gravières – où les roches sont visibles à la surface du sol. L’examen de ces affleurements permet aussi de faire des pronostics sur l’évolution future du relief, en particulier de définir l’influence de l’érosion.
Les résultats seront utilisés pour comparer les domaines d’implantation sous l’angle de la sûreté lors de l’étape 3 du plan sectoriel. Le but de ces recherches est de constituer une base de données fiable pour étayer les demandes d’autorisation générales.
Le plan sectoriel «Dépôt en couches géologiques profondes»
Le plan sectoriel des dépôts en couches géologiques profondes doit créer les conditions nécessaires au dépôt, sur territoire helvétique, des déchets radioactifs produits en Suisse. Il fixe les principaux critères auxquels doit satisfaire un site d’entreposage de déchets, règle la procédure à suivre pour sélectionner un lieu d’implantation et désigne les régions, puis les sites pour des dépôts en couches géologiques profondes. La partie «conception générale» du plan sectoriel, qui définit les critères auxquels doit satisfaire un site et la procédure à suivre, a été approuvée par le Conseil fédéral le 2 avril 2008.
Le plan sectoriel «Dépôt en couches géologiques profondes» comporte trois étapes.
La1re étape était surtout consacrée à l’identification de domaines d’implantation appropriés, sur la base de critères géologiques ainsi que de critères relevant de la sécurité. Dans les domaines d’implantation géologiquement appropriés, le groupe de travail Aménagement du territoire a défini, en collaboration avec les cantons concernés, des périmètres de planification à l’intérieur desquels pourront être proposés des emplacements pour les installations de surface.
La 2e étape vise à réduire le nombre de domaines d’implantation géologiquement appropriés, à au moins deux par catégorie de déchets et à déterminer des emplacements pour les installations de surface. La Nagra a appliqué des critères relevant de la sécurité pour comparer entre eux les six domaines d’implantation retenus à l’étape 1, avant d’en proposer deux à analyser à l’étape 3.
Lors de la 3e étape, les sites en question feront l’objet d’examens approfondis. Pour l’heure, des études dans le domaine des sciences de la terre, y compris des forages, seront nécessaires pour atteindre un niveau identique de connaissances en matière de sécurité pour les différents sites d’implantation. |
La situation dans les domaines d’implantation
Les domaines d’implantation qui sont pris en considération pour l’étape 3 du plan sectoriel se présentent comme suit, au regard de l’érosion future.
Les glaciations passées ont nettement plus affecté les domaines d’implantation Zurich nord-est et Nord des Lägern, que Jura-est. Les deux premiers présentent des surcreusements d’origine glaciaire. En raison du relief assez plat, de nouveaux creusements peuvent apparaître facilement.
Les périmètres de dépôt proposés comme référence dans l’étape 2 sont au-moins à 450 m (Zurich nord-est) et 550 m (Nord des Lägern) en dessous du niveau de base local. Dans ces deux domaines, il est possible de déterminer des périmètres de dépôt plus profonds. Par ailleurs, d’épaisses couches calcaires sont présentes au-dessus de l’argile à Opalinus. Leur résistance à l’érosion est nettement plus élevée que celle des marnes et du grès de la molasse.
Le domaine d’implantation Jura-est se présente différemment au regard de l’érosion future. La couche d’argile à Opalinus y est située à une moins grande profondeur que dans les deux autres domaines. Dans les périmètres de dépôt proposés, l’argile à Opalinus est au moins à 200 m en dessous du niveau de base local. Toutefois, le plateau du Bözberg a subi moins de glaciations par le passé et l’épaisseur de glace y était nettement inférieure, raison pour laquelle le potentiel d’apparition est estimé plus faible pour la période de confinement envisagée.
Le creusement d’une nouvelle vallée d’origine glaciaire a toutefois été envisagé dans les scénarios d’érosion. On a supposé que la vallée inférieure de l’Aar serait obstruée à la suite d’une glaciation et que l’Aar coulerait dans une nouvelle vallée au milieu du domaine d’implantation. Même dans ce scénario pessimiste, le dépôt ne serait pas mis à nu au cours du prochain million d’années.
De ce fait, les trois domaines d’implantation seront protégés suffisamment longtemps contre l’érosion et remplissent les exigences de sûreté élevées imposées par la Confédération. L’Inspection fédérale de la sûreté nucléaire l’a confirmé dans son expertise en avril 2017.
L’argile à Opalinus
L’argile à Opalinus s’est déposée il y a 173 millions d’années sur le plateau continental de la période jurassique. En raison de ses propriétés physiques et chimiques, elle est examinée de manière détaillée comme roche d’accueil pour le stockage des déchets radioactifs en couches géologiques profondes. À ce titre, les chercheurs s’intéressent tout particulièrement à la perméabilité hydraulique, au pouvoir d’auto-cicatrisation des fractures et des failles, ainsi qu’à la diffusion des radionucléides dans les argiles.
La pénétration d’humidité dans les fractures de déconfinement a pour effet de faire gonfler l’argile et de provoquer le colmatage des fractures apparues lors du creusement des galeries ou lors d’un tremblement de terre. Cette capacité d’auto-cicatrisation permet de ramener la perméabilité hydraulique à des seuils caractéristiques d’une roche non perturbée. |
La poursuite des travaux
Sur la base de ces investigations géologiques, la Nagra annoncera, vers 2022, les domaines d’implantation pour lesquels elle formulera des demandes générales pour un dépôt de déchets de haute activité et un dépôt de déchets de faible et moyenne activité, ou pour un dépôt combiné. Elle soumettra les demandes d’autorisation générales vraisemblablement en 2024.
Afin de poursuivre la planification concrète de l’infrastructure de surface nécessaire pour le dépôt géologique profond, une collaboration est prévue avec les cantons, les régions et les communes concernées. Suivront un examen des dossiers par les autorités et une large consultation publique. La décision du Conseil fédéral est attendue verse 2027. Le Parlement devra ensuite approuver cette décision, qui sera, à son tour, soumise au referendum facultatif. Si un référendum est lancé, le peuple suisse décidera, vers 2031, des sites d’implantation pour dépôts géologiques profonds.
La Nagra publie à différentes occasions, des cahiers thématiques sur la gestion des déchets radioactifs.
Quelle doit être la durée de confinement des déchets?
La plus grande partie des déchets radioactifs se désintègre rapidement. Au bout de 300 ans environ, la radioactivité dans le dépôt aura considérablement baissé. La part des substances radioactives à longues demi-vies rayonne plus faiblement, mais sur une longue période. Dans 200’000 ans, la radiotoxicité des déchets de haute activité (DHA) sera identique à celle de la quantité correspondante de minerai d’uranium naturel utilisé pour produire les assemblages combustibles. La radiotoxicité des déchets de faible et moyenne activité (DFMA) s’abaisse, au bout de 30’000 ans, au niveau de celle du granite.
Source: cahier «érosion» de la Nagra, octobre 2018
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