Abonnements
zur Bereicherung
03 Januar 2018 | La Revue POLYTECHNIQUE

Les compétences de la Suisse dans le démantèlement d’installations nucléaires

En Suisse, deux installations nucléaires sont en cours de démantèlement: les réacteurs Saphir et Diorit de l’Institut Paul-Scherrer. À l’occasion de la deuxième rencontre du Forum nucléaire de 2017, Robert Maag, directeur des deux installations, a présenté un exposé sur les défis posés par une telle entreprise et les enseignements que l’on peut en tirer. Sa conclusion: la Suisse est bien armée pour le démantèlement de réacteurs de puissance.
Les premières installations nucléaires de Suisse ont été construites dans les années 1950 sur le site de l’actuel l’Institut Paul-Scherrer (PSI). Le réacteur de recherche Saphir a divergé pour la première fois en 1957. Il avait été amené en Suisse depuis les États-Unis en 1955 pour être exposé à la conférence «Atoms For Peace» de Genève. La Suisse en a ensuite «hérité», pour reprendre l’expression utilisée par Robert Maag dans l’exposé intitulé «Expériences pratiques dans le démantèlement de réacteurs de recherche suisses» qu’il a présenté le 19 avril 2017 à Zurich.

 
Le bâtiment réacteur Saphir le 17 avril 2017: vidé de ses installations, il est désormais prêt pour l’élimination des peintures contenant des PCB. (Photo: PSI)
 
 

Les pionniers d’hier et d’aujourd’hui
Robert Maag n’a pas dû aller bien loin dans son exposé pour que le public prenne la mesure de l’œuvre de pionnier qu’a été la construction de ces deux réacteurs de recherche, qui ont constitué le germe de l’Institut fédéral de recherche en matière de réacteurs (EIR) et du PSl. Ce caractère fondateur a notamment été illustré par le fait que Saphir n’a obtenu d’autorisation officielle qu’après trois ans d’exploitation, tout simplement parce qu’il fallait d’abord créer la législation nécessaire. Ce «réacteur piscine» a ensuite été utilisé jusqu’en 1994 pour la production d’isotopes, comme source de neutrons et à des fins de formation.
Quant au réacteur Diorit, de plus grande taille, il a été développé par la Suisse en vue de construire des réacteurs utilisables à des fins industrielles. Lors de sa mise en service en 1960, il fonctionnait à l’uranium naturel. Après une transformation intervenue en 1972, il a pu être alimenté par de l’uranium légèrement enrichi, jusqu’à sa mise hors service en 1977. Il faudra attendre 1994 pour que l’autorisation de désaffectation et de démantèlement de ce réacteur soit délivrée. Des premiers travaux de démontage non soumis à la législation sur l’énergie nucléaire ont toutefois pu être effectués dans l’intervalle. Le PSl devra solliciter une nouvelle décision de désaffectation pour ce réacteur en 2018. Celle concernant Saphir a été délivrée en 2000. L’objectif est de ramener la radioactivité résiduelle de toute l’installation au-dessous des limites d’exemption radiologique d’ici fin 2017.
 
Les défis et imprévus
Le démantèlement des deux installations a lui aussi constitué un travail de pionnier. À l’époque de la percée du nucléaire, on ne se préoccupait guère du démantèlement, ce qui n’a pas manqué de poser des défis techniques aux intervenants. Les piliers du toit du bâtiment Saphir ont, par exemple, été montés directement dans la structure de la piscine du réacteur.
Les pratiques de construction qui avaient cours dans les années cinquante et soixante ont également entraîné un certain nombre d’imprévus. Ainsi, les travaux de démantèlement de Diorit ont dû être interrompus de 2005 à 2009 en raison de la découverte d’amiante. Leur reprise a nécessité l’adaptation de mesures de protection et, en particulier, la création d’une «zone noire» qui a été supprimée en 2014.
 
Le rôle des autorités
Les autorités jouent un rôle important lors du démantèlement d’installations nucléaires. Comme I’a expliqué Robert Maag, la procédure d’autorisation est sensiblement plus simple et donc moins chère en Suisse qu’en Allemagne. L’établissement de la documentation nécessaire demande toutefois beaucoup de travail. En matière de logistique, les tâches sont complexes, en particulier pour tout ce qui touche aux ressources humaines. Il faut s’assurer des compétences techniques et de la connaissance du site nécessaires et les conserver au fil du temps. Il importe, en outre, d’entretenir la motivation des collaborateurs et d’assurer le suivi ainsi que la conduite du personnel externe. Selon Robert Maag, il vaut la peine de recruter et de former à un stade précoce, du personnel de radioprotection.
 
La valeur ajoutée reste en Suisse
S’agissant de la radioprotection, Robert Maag a surpris son auditoire en relatant une anecdote concernant un appel d’offres. L’une des offres soumises comportait un supplément élevé, fixé de manière apparemment arbitraire, pour la sûreté. Interrogée sur le pourquoi de ce supplément, l’entreprise concernée a expliqué que, ne sachant pas ce qui l’attendait dans une installation nucléaire, elle préférait être prudente.
Pour lutter contre de telles peurs, Robert Maag a, depuis lors, toujours précisé, lors de l’attribution des mandats, que la radioprotection était l’affaire du mandant et que les dispositions nécessaires à la protection du personnel avaient été prises. Il a par ailleurs relevé «qu’en attribuant des mandats à des entreprises locales, on réalise des économies de coûts, et la valeur ajoutée reste en Suisse».
À l’opposé, on compte, parmi les facteurs de coûts potentiels, les modifications des conditions-cadres relatives au démantèlement, comme la révision prochaine de l’ordonnance sur la radioprotection, par exemple, qui introduira début 2018, de nouvelles limites d’exemption spécifiques pour les radionucléides.
Robert Maag a toutefois conclu son exposé sur une note positive: «La désaffectation et le démantèlement des réacteurs de puissance suisses sont réalisables en conformité avec l’état actuel de la science et de la technique. De plus, grâce à l’habitude que nous avons de prendre nos responsabilités et de rendre des comptes, les défis à relever devraient rester gérables.»
 
Source: Bulletin du Forum nucléaire suisse 2/2017, exposé prononcé lors de la Rencontre du Forum du 19 avril 2017.