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30 Dezember 2019 | La Revue POLYTECHNIQUE

L’industrie doit adopter des processus plus souples et plus efficaces

Benoît Revaz est directeur de l’Office fédéral de l’énergie (OFEN) depuis deux ans. Il sera le conférencier d’honneur du salon Motor Summit, qui ouvrira ses portes à Berne le 4 décembre 2019. Cet événement réunira des experts, des fabricants et des utilisateurs de l’industrie, ainsi que des représentants de la politique et des hautes écoles techniques. Il offrira, avec Topmotors, une plate-forme pour des échanges directs sur le thème des systèmes d’entraînement électriques efficaces dans l’industrie suisse.
Des experts de renom représentant différents acteurs du marché présenteront leurs points de vue sur les systèmes d’entraînement efficaces lors du salon Motor Summit qui se déroulera à Berne le 4 décembre 2019. À cette occasion, Benoît Revaz, directeur de l’Office fédéral de l’énergie (OFEN), parlera de la législation actuelle en la matière.

Benoît Revaz dirige l’OFEN depuis octobre 2016. Valaisan d’origine, il a étudié le droit à l’Université de Fribourg et a travaillé comme consultant en stratégie énergétique pour E-CUBE Strategy Consultants (2014-2016). Il a acquis de l’expérience dans le secteur privé à la direction générale d’Alpiq, d’EOS Holding et d’EEF. Stefan Hartmann, journaliste indépendant, l’a interviewé.
 
Stefan Hartmann (à droite), journaliste indépendant, interviewe Benoît Revaz, directeur de l’Office fédéral de l’énergie.
 


Monsieur Revaz, quelle est la position de la Suisse en matière de consommation d’énergie ?
En Suisse, la consommation d’électricité stagne depuis 15 à 20 ans, à environ 60 TWh. Cela montre qu’il a été possible de dissocier la consommation d’énergie du PIB. La croissance n’est plus automatiquement associée à une augmentation de la consommation d’électricité. Nous sommes devenus une société de service. En outre, l’efficacité a généralement augmenté.
 
Alors, la Suisse est-elle sur la voie d’une transition énergétique ?
Oui et non. Nous avons, par exemple, beaucoup plus d’appareils électriques domestiques, mais la consommation n’augmente pas grâce aux directives concernant l’efficacité. Par contre, il y a encore beaucoup à faire avec les chauffages électriques ou l’éclairage en hiver; ils consomment à eux seuls plusieurs térawattheures. Cela correspond presque exactement au déficit d’électricité hivernal de la Suisse. Il y a donc encore un grand potentiel.
 
Selon les critiques, la transition vers les énergies renouvelables est beaucoup trop lente. De cette manière, l’objectif de 2050 sans CO2ne pourra jamais être atteint.
On ne peut pas le dire ainsi. Avec l’énergie photovoltaïque, par exemple, nous sommes plus avancés par rapport aux hypothèses faites il y a dix ans. Nous sommes en train de repenser les perspectives énergétiques de la Suisse; il s’agit d’un chantier important de l’OFEN. Dans nos modèles, nous étudions ce qui se passera si nous n’atteignons pas les objectifs climatiques que nous avons acceptés en signant l’Accord de Paris. Nous misons sur le marché – mais que se passera-t-il si celui-ci est faussé ? C’est la grande inconnue.
 
Quelles sont vos plus grandes inquiétudes ?
Il est difficile pour certaines technologies de maintenir le cap. Par exemple, il y a beaucoup de résistance vis-à-vis de l’énergie éolienne ou géothermique. Les instances juridiques doivent d’abord clarifier cette question. Ce processus prend beaucoup de temps.
 
Quel rôle l’industrie joue-t-elle dans la réalisation des objectifs fixés pour l’électricité dans la Stratégie énergétique 2050 ?
Sans la participation de l’industrie, nous n’y parviendrons pas. Elle a un rôle important à jouer dans la mise en œuvre et a très tôt institué des mesures d’efficacité. Selon la loi, l’industrie doit réduire sa consommation d’électricité de 13 % d’ici 2035.
 
En Suisse, quelque deux millions de moteurs sont responsables d’environ deux tiers de la consommation d’électricité industrielle. De quels instruments l’OFEN dispose-t-il pour améliorer encore le rendement des moteurs ?
D’une part, il y a l’aspect réglementaire. Nous appliquons les exigences minimales de l’UE (actuellement IE3 ou IE2 avec convertisseur de fréquence). Nous ne faisons pas cavalier seul dans l’Espace économique européen, nous suivons en effet le même niveau d’exigence que les Européens afin que l’industrie ne souffre pas d’un désavantage concurrentiel. D’autre part, nous misons sur des mesures volontaires.
 
En quoi consistent-elles ?
Il s’agit de processus et de systèmes permettant des économies de 30 à 50 % ! Pour les PME, nous avons le programme d’audit énergétique PEIK. Avec les grandes entreprises, nous travaillons selon des conventions d’objectifs pour l’exploitation du potentiel. Ensuite, nous proposons également le programme ProKilowatt, dans le cadre duquel nous soutenons certaines mesures si la période de remboursement est supérieure à quatre ans. Les partenaires d’une branche, comme les exploitants de stations d’épuration des eaux usées, par exemple, peuvent unir leurs forces pour commander ensemble des moteurs et faire ainsi des économies. Bien sûr, les cycles d’investissement, c’est-à-dire les taux de renouvellement, ainsi que l’évolution des marchés jouent également un rôle.
 
Qu’en est-il de la volonté des entreprises à renouveler leur parc de moteurs ?
L’inertie joue un rôle. Certaines entreprises préfèrent conserver d’anciens moteurs plutôt que d’en acheter de nouveaux, plus efficaces, parce qu’elles craignent d’interrompre les processus de production; en outre, le courant industriel est bon marché.
 
Le simple remplacement des moteurs suffit-il ?
En plus du remplacement des vieux moteurs, les ingénieurs peuvent rendre les processus de production plus efficaces afin d’accroître la productivité. Toutefois, la direction de l’entreprise doit également être convaincue que de telles mesures en valent la peine et prennent en compte l’ensemble du système.
 
Comment surmonter la résistance au changement ?
Souvent, il y a tout bonnement un manque de savoir-faire. L’OFEN soutient notamment les formations continues mises en place par le programme Topmotors. Les coûts d’investissement jouent aussi un rôle; ils doivent se refléter dans le potentiel d’économie.
 
Avez-vous l’impression que le message est passé dans l’industrie ?
Je ne peux pas répondre catégoriquement. Les préoccupations au sujet des coûts sont un thème majeur dans l’industrie. Mais une fois de plus, dans le cadre de gros projets, nous pouvons aider avec nos différents programmes de financement. De cette manière, nous contribuons à surmonter les obstacles.
 
Quel est le rôle de la Suisse au niveau international dans le domaine des systèmes d’entraînement efficaces sur le plan énergétique ?
Nous sommes présents en tant qu’observateurs dans les différents organes de l’UE à Bruxelles où nos voix sont entendues. Nous participons à des conférences spécialisées – telles que celles de l’Agence internationale de l’énergie ou du Motor Summit – et pouvons y apporter l’expérience de la Suisse. Nous sommes fiers que l’Allemagne et le Royaume-Uni aient adopté notre instrument de financement ProKilowatt. Par ailleurs, la Turquie observe de près ce que nous faisons, car l’énergie y est relativement chère et les moteurs électriques efficaces suscitent un grand intérêt.
 
Quels sont les moyens éprouvés de promotion ?
Nous misons sur la subsidiarité, c’est-à-dire la responsabilité propre de l’industrie, qu’il s’agisse de mesures réglementaires ou de certaines incitations. Mais le marché doit aussi jouer son rôle.
 
Selon le dernier «Topmotors Market Report», les deux tiers des moteurs vendus en Suisse en 2017, d’une puissance allant de 0,75 à 375 kW, étaient déjà des moteurs IE3 et IE4 à haut rendement. Cela correspond-t-il aux objectifs de l’OFEN ?
C’est une très bonne nouvelle. Nous ne sommes pas surpris que les entreprises industrielles procèdent à des examens de processus. Elles n’agissent pas pour des raisons idéalistes, mais ont calculé que cela valait la peine d’utiliser des moteurs à haut rendement.
 
La Suisse se réjouit-elle du renforcement prochain des exigences minimales de l’UE concernant les moteurs électriques, les pompes de circulation, les pompes à eau et les ventilateurs ?
Il est important que les exigences minimales continuent d’évoluer. Toutefois, les mesures réglementaires doivent également anticiper les évolutions techniques. La Suisse a déjà ouvert la voie aux moteurs IE3 en 2014, en autorisant les moteurs IE2 avec convertisseur de fréquence (CF) comme alternative. Malgré IE2 et CF, de plus en plus de moteurs IE3 et IE4 sont achetés. Ce sont là de bons signaux.
 
Comment voulez-vous motiver les industries à améliorer encore leurs systèmes d’entraînement ?
Chaque année, 170’000 moteurs sont vendus en Suisse, dont beaucoup sont des moteurs à haut rendement. Dans l’ensemble, on fait des économies au fil du temps, non seulement parce que la consommation d’énergie est réduite, mais aussi parce que les processus de production deviennent plus flexibles et plus efficaces. Ce serait mon premier message.
 
Qu’entendez-vous par processus de production plus flexibles ?
Éviter la consommation aux heures où les prix de l’électricité sont élevés, adapter les processus aux prix de l’énergie et à l’état physique du réseau. Notre alimentation électrique est toujours conçue pour les pics de consommation et cela coûte beaucoup d’argent. Si, par exemple, les prix de l’électricité de pointe sont élevés en décembre, un entrepreneur intelligent peut commencer la production à quatre heures du matin.
 
Vous serez conférencier d’honneur du Motor Summit 2019. Quels messages aimeriez-vous faire passer ?
En tant que Fribourgeois, je lance déjà un appel à mes compatriotes de Suisse romande pour qu’ils participent à cette manifestation à Berne ! À mon avis, les «meilleures pratiques», c’est-à-dire l’échange de bonnes et de mauvaises expériences, sont importantes au Motor Summit. Il est essentiel de tirer des leçons des mauvais investissements.
 
Quels seront les autres messages au Motor Summit 2019 ?
Que les entreprises qui peuvent se le permettre développent leurs compétences ou qu’elles acquièrent des compétences ainsi que de l’expertise à travers les différents programmes, les conventions d’objectifs, etc., afin d’exploiter leur potentiel.
 
Quel est le principal problème ?
À tous les niveaux – qu’il s’agisse des ménages, des entreprises, des municipalités ou du secteur public – il n’y a pas de vue d’ensemble des économies potentielles. Il faut qu’on fasse une analyse du potentiel énergétique via PEIK ou les conventions d’objectifs.
 
Allez-vous aussi rappeler aux participants du Motor Summit qu’ils doivent contribuer au tournant énergétique et donc à la stratégie énergétique ?
L’industrie consomme 30 % de la consommation totale d’électricité. Elle doit contribuer à en économiser 13 % d’ici 2035, ce qui représente un horizon de planification étroit pour la transformation des processus de production. En d’autres termes, les entreprises industrielles doivent maintenant analyser leurs activités et exploiter leur potentiel.
 
Qu’en est-il des processus neutres en CO2 dans la production, les bâtiments et la mobilité ?
La révision de la loi sur le CO2tient compte de cette préoccupation. Elle sera discutée au Conseil des États cet automne. Et ce sera un défi supplémentaire pour l’industrie.
 
Programmes de soutien et financements de projets
 
ProKilowatt
Grâce à un soutien financier à l’efficacité énergétique (contributions financières, conseils, etc., le programme ProKilowattpermet de réduire la consommation d’électricité dans les entreprises industrielles et de services, ainsi que dans les ménages. Ayant pour objectif de réduire les obstacles financiers à l’investissement, il peut être complété par des mesures d’information, des conseils et des formations.
www.prokw.ch
 
Motor Summit
La conférence suisse pour les systèmes d’entraînements efficaces Motor Summit
aura lieu cette année au Kongresszentrum Kreuz à Berne le 4 décembre 2019.
www.motorsummit.ch
 
Topmotors
Topmotors est une plate-forme d’information pour les systèmes d’entraînement efficaces en Suisse. Elle est soutenue par SuisseEnergie.
www.topmotors.ch