11 Kann 2018 |
La Revue POLYTECHNIQUE
L’informatique cognitive simule la pensée humaine
Michel Giannoni
L’informatique cognitive consiste à simuler des processus de pensée humaine dans un modèle informatisé. Elle a pour but de créer des systèmes intelligents et apprenants qui vont seconder l’humain dans des tâches complexes de réflexion, de recherche et d’analyse, afin de lui suggérer des options crédibles et opérationnelles.
L’informatique cognitive – ou cognitique – fait intervenir des systèmes d’auto-apprentissage qui utilisent l’exploration de données, la reconnaissance de schémas et le traitement du langage naturel, pour tenter de reproduire le mode de fonctionnement du cerveau humain. L’objectif consiste à créer des systèmes automatisés capables de résoudre des problèmes sans nécessiter l’intervention humaine.
Les systèmes d’informatique cognitive utilisent des algorithmes d’apprentissage statique (machine learning) s’appuyant sur le développement de programmes capables d’acquérir de nouvelles connaissances, afin de s’améliorer et d’évoluer par eux-mêmes dès qu’ils sont mis en face de nouvelles données. Ces systèmes affinent sans cesse leurs méthodes de recherche de schémas, ainsi que leurs modes de traitement des données, afin d’être en mesure d’anticiper de nouveaux problèmes et d’élaborer des solutions.
Dans le Coating Competence Center de l’Empa où naissent de nouveaux matériaux pour la fabrication additive, on anticipe les procédés de fabrication de demain.
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Une révolution dans nos systèmes de pensée
L’informatique cognitive introduit une révolution dans nos systèmes de pensée, ainsi que dans la relation que nous entretenons avec l’informatique. Si l’on considère que la première ère de l’informatique était, au début du XXe siècle, celle des systèmes de tabulation, la deuxième, dans les années 1950, celle des systèmes programmables, l’informatique cognitive représente la troisième ère de l’informatique.
Jusqu’à aujourd’hui, en effet, l’ordinateur donnait des réponses absolues; demain, la réponse qu’il donnera ne sera plus «vrai ou faux» mais le plus souvent «probablement». Le système cognitif propose une liste de réponses qu’il affine en fonction de ses interactions avec l’utilisateur. Il ne donne généralement pas «la» réponse – car elle n’existe pas dans l’absolu – mais la solution la plus acceptable, celle qui a le plus de chances de fonctionner dans un contexte donné. On voit ici le parallèle existant avec l’ordinateur quantique et l’intelligence artificielle.
Un système cognitif doit donc être capable de comprendre le langage humain, de générer des hypothèses et d’évaluer son propre niveau de confiance dans chacune d’elles, puis de s’adapter et d’apprendre en fonction des réactions de l’utilisateur.
Une application dans la mise au point de nouveaux alliages
Dans le cadre d’un cycle de conférences qui s’est déroulé l’an dernier à l’Empa, le directeur du centre de recherche IBM à Rüschlikon, Alessandro Curioni, a présenté les développements actuels en matière d’informatique cognitive – autrement dit des systèmes informatiques qui, comme notre cerveau, sont capables de saisir des données non structurées, de les analyser, d’en tirer des enseignements et de les mettre à disposition sous une forme résumée, voire retraitée. Ceci permet, par exemple, de développer de nouveaux alliages, que l’on peut optimiser en utilisant différents types de matériaux.
Contrairement à l’informatique classique programmée pour anticiper chaque réponse possible ou action nécessaire pour définir des tâches à exécuter, l’informatique cognitive issue de l’intelligence artificielle et des algorithmes permet de détecter, de prédire, de déduire et, en quelque sorte, de penser.
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Un volet de la numérisation
Bien que l’informatique cognitive implique aussi le risque que les ordinateurs puissent se passer de l’être humain pour résoudre des problèmes particulièrement complexes, elle n’est toutefois qu’un volet de la numérisation. Ainsi, l’Empa investit de plus en plus dans les simulations et les modélisations sur ordinateur de problèmes scientifiques. Dans le «Coating Competence Center» (CCC) et bientôt dans le «Center for Advanced Manufacturing» (CAM), où naissent de nouveaux matériaux pour la fabrication additive, on anticipe les procédés de fabrication de l’avenir – et cela en majeure partie de façon numérique, que ce soit dans le développement et la conception des produits, le contrôle de qualité ou dans l’optimisation des canaux de distribution.
Un «écosystème ouvert» pour l’innovation
Les chercheurs travaillent aussi au couplage énergétique des démonstrateurs NEST et move avec un troisième démonstrateur, ehub, afin de les doter d’une commande intelligente. Toutes ces plates-formes de recherche de l’Empa – NEST, move, ehub, CCC et CAM – sont ouvertes aux projets de l’Internet des objets et de l’industrie 4.0. En collaboration avec ses partenaires de l’industrie, de l’économie et de la recherche, l’Empa souhaite créer un «écosystème ouvert» pour l’innovation, car l’accélération marquante de la mutation technologique provoquée par la numérisation nous concerne tous.
De plus en plus intégrée aux tissus opérationnels des entreprises, l’informatique cognitive est à nos portes.
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L’exemple Watson
Watson est un programme informatique d’intelligence artificielle conçu par IBM. Son objectif est de répondre à des questions formulées en langage naturel. Intégré dans un programme de développement plus vaste, le «DeepQA research project», il s’est illustré en devenant en 2011, champion du jeu télévisé américain Jeopardy.
Du fait de sa capacité à comprendre le langage naturel, Watson serait particulièrement utile dans le domaine du diagnostic médical. Un centre de recherche de la faculté de médecine de l’université de Tokyo l’a utilisé en 2016 pour une aide au diagnostic d’un cas rare de leucémie. En dix minutes, le supercalculateur a trouvé la véritable cause de la maladie. Les médecins ont estimé qu’il leur aurait fallu deux semaines pour obtenir le même résultat, ce qui aurait rendu le traitement beaucoup plus hasardeux.
Source: Empa, IBM