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17 Februar 2015 | La Revue POLYTECHNIQUE

Submersibles dans le Léman – des résultats scientifiques en série

Menée en 2011 avec le concours de deux sous-marins russes, la campagne de recherche Elemo a fourni une quantité de précieux renseignements sur le lac Léman. Une édition spéciale du journal «Aquatic Sciences» en présente les principaux résultats.

En été 2011, les deux sous-marins russes MIR 1 et MIR 2 ont plongé dans les profondeurs du lac Léman. Ces submersibles avaient été engagés dans le cadre de la campagne scientifique Elemo, qui avait pour but de mieux connaître la dynamique et l’état de santé du plus grand lac alpin. Un lac sur lequel le million de personnes résidant sur ses berges fait peser une pression constante. Depuis la fin des trois mois de recherches sur le terrain, les chercheurs ont analysé les données et échantillons collectés, produisant une profusion de résultats. Suite à cette campagne, une sélection de huit articles scientifiques ont fait l’objet d’une édition spéciale du journal Aquatic Sciences en juin 2014. Ce programme de recherche sans précédent avait été rendu possible grâce au soutien de Ferring Pharmaceuticals, le Consulat honoraire de la Fédération de Russie et l’EPFL, réunis au sein de la Fondation FEEL.
Les articles couvrent essentiellement deux thématiques: les connaissances de la géologie lacustre et l’impact de la pollution sur la qualité de l’eau. Parmi les sujets abordés, on peut citer les plongées menées vers la bouche du Rhône, dans la région de Villeneuve, pour étudier les spectaculaires canyons sous-marins formés par le fleuve. Ou encore les prospections dans la baie de Vidy, où la station d’épuration de Lausanne rejette les eaux traitées, qui ont permis d’en savoir plus sur la présence, la persistance et la diffusion de micropolluants dans le lac.
 
Canyons et contamination
Les submersibles ont fourni un moyen unique aux équipes de recherche pour explorer les canyons sous-marins. Ils ont permis d’obtenir de nouveaux renseignements sur la formation de ces structures et d’observer leur évolution en fonction des dépôts et de l’érosion des sédiments drainés par le Rhône. D’autres chercheurs ont analysé les populations bactériennes présentes dans le limon provenant du delta du fleuve. Ils avaient pour objectif de se servir des micro-organismes comme indicateurs, afin d’évaluer l’impact des polluants de l’agriculture sur la santé des écosystèmes lacustres.
 
A la recherche des micropolluants
Sur les rives lausannoises, les plongées des submersibles ont montré que les micropolluants – infimes composés chimiques issus de produits médicaux et cosmétiques – pouvaient être pistés dans une aire d’au moins un kilomètre carré autour de l’écoulement de l’usine de traitement des eaux. Les chercheurs ont également constaté la présence de ces polluants dans les profondeurs du lac, qui se répandent parfois en direction du point de collecte d’eau potable de la commune de St-Sulpice. Dans une étude réalisée en parallèle, un autre groupe de recherche a pu établir un lien entre certains types de bactéries et l’accumulation de métaux – dont des métaux lourds - dans les sédiments.
 
Une opportunité unique
L’édition spéciale d’Aquatic Sciences est loin de conclure la campagne. Elemo a déjà fait l’objet de quatorze publications scientifiques et d’autres suivront. «C’était une opportunité unique de pouvoir utiliser de tels sous-marins pour étudier un environnement si proche de nous», relève Alfred Wüest, directeur de la chaire Margaretha Kamprad en limnologie et science environnementale à l’EPFL. Dans l’éditorial du journal, il ajoute: «Grâce aux submersibles, les chercheurs ont pu prendre des échantillons à l’horizontale et à la verticale, et le faire à vue. Scientifiquement parlant, ces appareils ont offert des possibilités sans précédent pour l’étude de ce milieu subaquatique complexe.»
 
Prof. Ulrich Lemmin
Coordinateur du projet elemo
ulrich.lemmin@epfl.ch
Tél.: 021 693 23 79
 
Résumés des huit projets de recherches
Ci-après se trouvent les résumés des articles sélectionnés pour l’édition spéciale d’«Aquatic Sciences». Ils présentent différentes recherches menées dans le cadre de la campagne Elemo, qui a mobilisé deux submersibles russes, plus d’une douzaine d’équipes de chercheurs issues de huit institutions suisses et des partenaires en Angleterre, en France, en Espagne et aux Etats-Unis.
 
Localiser les micropolluants dans la baie de Vidy
Les chercheurs ont identifié une zone d’environ 1 km2, où se répandent les micropolluants rejetés dans la baie de Vidy avec les eaux de la station d’épuration. Des analyses pour détecter 39 sortes de micropolluants ont montré que la présence de ces composés présentait un risque écotoxicologique élevé, s’étendant jusqu’aux profondeurs du lac et en direction d’une source d’eau potable.
Corinne C. Hoerger et. al.; Spatial extent and ecotoxicological risk assessment of a micropollutant- contaminated wastewater plume in Lake Geneva (2013), Aquatic Sciences, DOI 10.1007/s00027- 013-0315-6
 
Localiser la source d’une contamination au mercure dans la baie de Vidy
Les chercheurs ont voulu savoir s’il y avait un lien entre les eaux traitées rejetées dans le lac et une trop forte concentration de mercure. Ils souhaitaient également mieux comprendre les modèles de sédimentation du lieu. Pour ce faire, ils ont étudié quatorze échantillons de limon prélevés à proximité de la sortie de l’usine de traitement de la baie de Vidy. Ce travail leur a permis d’identifier que les eaux traitées influencent la répartition des polluants à la surface des sédiments. Ils n’ont toutefois pas pu observer de corrélation avec les concentrations de mercure.
Elena Gascon Diez et. al.; Influence of a wastewater treatment plant on mercury contamination and sediment characteristics in Vidy Bay (Lake Geneva, Switzerland) (2013), Aquatic Sciences, DOI 10.1007/s00027-013-0325-4
 
Le sort des métaux lourds au fond du lac
Les métaux lourds sont souvent rejetés dans le lac avec les eaux traitées. Leur acheminement jusque dans les fonds lacustres, leur accumulation dans les sédiments et, de là, leur potentielle dispersion dans les eaux, dépendent essentiellement des conditions bio-physico-chimiques du lieu. En étudiant des échantillons d’eau et de sédiments prélevés dans le lit du lac, les chercheurs ont pu observer que les concentrations de ces éléments métalliques et leur spéciation à l’interface eau/sédiment dépendaient davantage des populations de bactéries – de leur nombre, leur type et leur activité – que de leur distance à l’écoulement de la station d’épuration. Les résultats de l’étude démontrent également que les sédiments agissent comme le réceptacle principal de ces métaux.
Matthieu Masson et. al.; Trace metal speciation at the sediment–water interface of Vidy Bay: influence of contrasting sediment characteristics (2013), Aquatic Sciences, DOI 10.1007/s00027- 013-0323-6
 
Des bactéries sporulées actives dans le transport des métaux lourds
Des scientifiques ont voulu démontrer l’influence des eaux traitées sur les populations de bactéries et comprendre le lien de ces dernières avec la sédimentation des métaux lourds. Les résultats de leurs études ont mis en évidence que des bactéries sporulées, appelées firmicutes, jouent un rôle potentiel dans l’acheminement et le dépôt de ces métaux dans le limon.
Loïc Sauvain et. al.; Bacterial communities in trace metal contaminated lake sediments are dominated by endospore-forming bacteria (2013), Aquatic Sciences, DOI 10.1007/s00027-013-0313-8
 
Le temps que mettent les micropolluants pour quitter la baie
Différents micropolluants pénètrent dans la baie de Vidy par les courants, les eaux de ruissellement et le rejet des eaux traitées. Le temps que passent ces composés dans la baie dépend fortement des vents, qui engendrent parfois la formation de tourbillons. Des modèles hydrodynamiques détaillés, confirmés par les données enregistrées sur le terrain, ont montré qu’en l’absence de tourbillon, les micropolluants évacuent les lieux en 50 heures en moyenne. Mais si un tourbillon est présent, ce temps double.
A. M. Razmi et. al.; Direct effects of dominant winds on residence and travel times in the wide and open lacustrine embayment: Vidy Bay (Lake Geneva, Switzerland) (2013), Aquatic Sciences, DOI 10.1007/s00027-013-0321-8
 
Bibliographie
  • Des submersibles pour explorer le lac Léman
  • Des submersibles russes au port du Bouveret
  • Le Léman analysé depuis les airs – un second volet pour elemo

http://actu.epfl.ch/news/le-leman-analyse-depuis-les-airs-un-second-volet-p/