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03 März 2015 | La Revue POLYTECHNIQUE

Synthèse de nanotubes de carbone avec structure définie par des germes moléculaires

Non seulement la recherche fondamentale, mais la recherche appliquée également se penchent activement depuis 20 ans sur les nanotubes de carbone (carbon nanotubes, CNT). Avec leurs extraordinaires propriétés mécaniques, thermiques et électroniques, ces minuscules tubes avec leur maille de forme alvéolaire en carbone graphitique sont devenus l’incarnation des nanomatériaux. Ils pourraient contribuer à miniaturiser encore la fabrication des composants électroniques et électro-optiques de la prochaine génération et à atteindre ainsi des temps de commutation encore plus rapides.
 
Images prises au microscope à balayage à effet tunnel de la molécule du précurseur, la calotte «pliée» et du nanotube résultant, ainsi que la modélisation de la structure correspondante. (Source: Empa/Juan Ramon Sanchez Valencia)
 

Triés par sorte, si possible
Avec leur diamètre de l’ordre du nanomètre, les CNT à paroi unique (single wall CNT, SWCNT) comptent comme des structures quantiques. Des différences structurelles minimes, dans le diamètre ou dans l’orientation de la maille atomique, par exemple, peuvent entraîner des changements dramatiques des propriétés electroniques: un SWCNT peut être métallique, tandis qu’un autre, à la structure légèrement différente, sera semi-conducteur. D’où le grand intérêt de trouver des méthodes fiables pour sélectionner la structure des SWCNT par sortes lors de leur fabrication. Des concepts de synthèse allant dans ce sens avaient déjà été formulés il y a bien 15 ans. Ce n’est toutefois que maintenant que des physiciens de surface de l’Empa et des chimistes de l’Institut Max Planck sont parvenus à mettre une de ces idées en œuvre en laboratoire. Dans la dernière édition du magazine Nature, ils décrivent comment ils ont réussi pour la première fois à faire «pousser» des SWCNT structurellement identiques sur une surface en platine et ainsi à définir précisément leurs propriétés électroniques. L’astuce essentielle: les CNT se sont assemblés «eux-mêmes» à partir de précurseurs organiques moléculaires taillées sur mesure, placées sur une surface en platine.
L’équipe Empa autour de Roman Fasel, responsable de la section «nanotech@surfaces» et professeur de chimie et de biochimie à l’Université de Berne, se penche depuis bien quelque temps sur la question de savoir «comment remodeler ou fusionner des molécules sur une surface pour en faire des nanostructures complexes». La synthèse dite «bottom-up» leur avait permis de créer des nanostructures spécifiques de manière ciblée sur une surface en or, par exemple des chaînes définies de «buckyballs» (en bref des CNT rétrécis à une forme de balle) ou de nanorubands plates. «Le grand défi était alors de trouver une molécule de départ appropriée qui germerait effectivement sur une surface lisse», déclare Roman Fasel, dont l’équipe s’est forgé, au cours des années, un vaste savoir-faire sur le domaine de l’auto-organisation moléculaire. Les collègues de l’Institut Max Planck à Stuttgart ont finalement réussi à synthétiser la molécule de départ nécessaire, un hydrocarbure de tout de même 150 atomes.


Origami moléculaire
Comment se déroule concrètement le processus? Comme pour l’origami, la molécule de départ plate doit, dans un premier temps, être remodelée en objet tridimensionnel, le germe. Cela s’effectue sur une surface de platine (Pt(111)) chaude et par réaction catalytique, lors de laquelle de nouvelles liaisons carbone-carbone se forment à des points bien précis, par le détachement d’atomes d’hydrogène. Le «germe» se «plie» à partir de la molécule plate: une petite structure en forme de coupole avec un bord ouvert qui repose sur la surface en platine. Ce capuchon constitue le «couvercle» du SWCNT grandissant.
Au cours d’un second processus chimique, d’autres atomes de carbone, émanant de la décomposition d’éthylène (C2H4) sur la surface de platine, s’accumulent. Ils se déposent sur le bord ouvert entre le capuchon et la surface de platine et soulèvent toujours plus le couvercle; le nanotube gagne lentement en hauteur. Sa structure atomique est alors déterminée uniquement par le germe. Les chercheurs ont pu démontrer cette circonstance par une analyse des modes vibrationnelles des SWCNT et par des mesures effectuées à l’aide du microscope à balayage à effet tunnel (STM). D’autres examens avec le nouveau microscope à balayage à ions d’hélium (SHIM) de l’Empa montrent que les SWCNT créés atteignent plus de 300 nanomètres de longueur.

 
Le précurseur de carbure d’hydrogène planaire se replie en forme de minuscule calotte sur une surface de platine, pour favoriser la croissance sélective d’un (6,6) nanotube de carbone pur. (Source: Empa/Juan Ramon Sanchez Valencia)
 

Ça fonctionne
Les chercheurs ont ainsi prouvé que la croissance (et donc la structure) de longs SWCNT peut être définie de manière précise à l’aide de «germes» moléculaires taillés sur mesure. Les SWCNT synthétisés au cours de cette étude sont des structures symétriques en miroir. Suivant la manière dont la maille atomique alvéolaire évolue à partir de la molécule de départ (de façon droite ou oblique par rapport à l’axe CNT), des tubes non symétriques en miroir, disposés en hélice, c’est-à-dire tournant à droite ou à gauche, peuvent également être créés. C’est précisément cette structure qui déterminera ensuite les propriétés électroniques, thermo-électriques et optiques du matériau. Par le choix de la molécule de départ, les chercheurs peuvent donc en principe créer des matériaux à propriétés différentes.
Roman Fasel et ses collègues souhaitaient ensuite découvrir comment les SWCNT colonisent une surface. Car même si plus de 100 millions de nanotubes grandissent par centimètre carré sur la surface de platine, seule une partie relativement petite des germes donne naissance à des nanotubes «adultes». Se pose maintenant la question de savoir quels processus sont à l’origine de cela et comment le rendement peut être augmenté.

Le projet était soutenu par le Fonds National Suisse (FNS).

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