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11 November 2018 | La Revue POLYTECHNIQUE

Une façade active pour un bilan énergétique positif

Le 24 septembre 2018, la dernière unité «SolAce» a été inaugurée dans le bâtiment de recherche et d’innovation NEST sur le campus Empa et Eawag à Dübendorf. Cette unité se concentre sur la lumière du soleil, en tant que fournisseur d’énergie et facteur de confort et de santé. Le concept a été mis au point par des chercheurs de l’EPFL, en collaboration avec de nombreux partenaires industriels.
L’objectif du projet «SolAce» est d’atteindre un bilan énergétique positif tout au long de l’année, sans faire appel à une surface en toiture pour produire de l’énergie. Le bilan énergétique positif de l’unité doit être réalisé directement sur la façade, par la production d’électricité et d’eau chaude solaire. En outre, des modules photovoltaïques et des capteurs solaires thermiques avec des vitrages colorés basés sur les nanotechnologies sont utilisés. Un vitrage microstructuré innovant, intégré à des fenêtres, permet également une gestion dynamique saisonnière des gains de chaleur et de lumière solaire.
 
La face sud de l’unité «SolAce» avec l’installation photovoltaïque vitrée bleu-vert. (Photo: Roman Keller)
 
 
Doper la production d’énergie de l’enveloppe des bâtiments
Habiter et travailler dans un cadre agréable, c’est ce dont rêvent bien des personnes qui doivent passer leur journée à l’intérieur. Des chercheurs du Laboratoire d’énergie solaire et de physique du bâtiment de l’EPFL explorent les moyens de doper la production d’énergie de l’enveloppe des bâtiments et d’assurer le confort des usagers, sans pour autant trop bousculer l’environnement. L’unité «SolAce», dernier ajout en date au bâtiment de démonstration NEST, montre comment ils s’y sont pris.
 
Le côté sud de NEST avec l’unité encastrée «SolAce», sur le côté droit au deuxième étage. (Photo: Roman Keller)
 
 
Un espace combiné habitat-travail
La façade vert-bleu de l’unité «SolAce» scintille au Soleil comme l’aile d’un papillon. Ce module temporaire de NEST, la plate-forme de recherche en vraie grandeur de l’Empa et de l’Eawag, à Dübendorf (ZH), est officiellement en service depuis son inauguration, le 24 septembre 2018. Il s’agit d’un espace combiné habitat-travail d’une centaine de mètres carrés, intégré au côté sud du NEST, entre la deuxième et la troisième plate-forme de béton de cet édifice étagé.
«Sur un cycle annuel, «SolAce» doit produire davantage d’énergie qu’il n’en consomme, tout en assurant le parfait confort de ses utilisateurs», explique le professeur Jean-Louis Scartezzini en présentant le cahier des charges de la façade. C’est à lui, directeur du Laboratoire d’énergie solaire et de physique du bâtiment de l’EPFL, que l’on doit l’idée de cette nouvelle unité. Les chercheurs y ont combiné des éléments de façade actifs et passifs issus de technologies développées par le laboratoire vaudois. Certaines de ces technologies sont au seuil de leur commercialisation par des jeunes pousses ou en coopération avec des partenaires commerciaux, d’autres doivent encore être affinées. «Le démonstrateur NEST nous offre une possibilité unique de tester ce mix technologique en vraie grandeur», précise Jean-Louis Scartezzini.
 
Le côté est de NEST avec l’unité encastrée «SolAce», sur le côté gauche au deuxième étage. (Photo: Roman Keller)
 
 
La façade fournit électricité et eau chaude
Le bilan énergétique positif de l’unité doit être assuré par la production d’électricité et d’eau chaude par la façade. Les modules photovoltaïques et les collecteurs solaires thermiques sont protégés par un nouveau type de vitrage coloré, issu des nanotechnologies.
Il y a près de vingt ans qu’une équipe de l’EPFL étudie la coloration des modules photovoltaïques afin d’en faciliter l’intégration architecturale à l’enveloppe des bâtiments. Il a toujours été clair pour l’équipe animée par Andreas Schüler, que la coloration ne devait causer qu’une perte minime d’énergie et qu’il n’était donc pas question d’utiliser des pigments reposant sur l’absorption de la lumière.
L’effet voulu a pu être obtenu par des couches ultraminces de 5 à 200 nm déposées à l’intérieur du vitrage. Par le phénomène d’interférence observé sur les bulles de savon et les ailes de papillons, elles induisent des effets colorés. «Ce nano-revêtement est remarquablement transparent, il n’absorbe quasiment aucune lumière, si bien que son impact énergétique est négligeable», explique Andreas Schüler. Cette technologie brevetée  est actuellement amenée à maturité commerciale par l’entreprise SwissINSO. On peut l’admirer sur le démonstrateur NEST, en variante vert-bleu.

Un nouveau type de capteurs pour mesurer le sentiment de bien-être
Outre quatre postes de travail, «SolAce» dispose d’une cuisine et de l’espace nécessaire à l’hébergement de deux personnes. L’un des objectifs du projet étant d’offrir le meilleur confort possible à ses usagers, les chercheurs ont installé un nouveau système de vision chargé d’évaluer le sentiment individuel de confort des utilisateurs.
Les capteurs – au stade de prototype – mesurent les conditions d’éclairage et l’éventuel éblouissement des personnes, travaillant par exemple assises à une table, à partir de leur propre point de vue. Un suivi en temps réel permet de régler l’éclairage naturel et les sources de lumière artificielle. Lorsque l’éblouissement dépasse un seuil donné, les stores à lamelles dirigent les rayons lumineux incidents vers le plafond.
Le dispositif est circadien, il veille au confort des habitants et autres utilisateurs de «SolAce» tout au long de leur journée de travail, tout comme dans leurs périodes de repos. Un éclairage circadien prend en compte la marche du Soleil et respecte ainsi le rythme naturel veille-sommeil.

 
Vue intérieure de l’unité «SolAce». (Photo: Roman Keller)
 
 
Un vitrage à dynamique saisonnière par intégration de micro-miroirs
Le vitrage innovant de l’unité doit contribuer au confort de ses usagers, qu’ils y travaillent ou y séjournent, mais il doit surtout limiter la consommation d’énergie nécessaire au chauffage et à la climatisation. Des micro-miroirs intégrés à un film en polymère, à l’intérieur du vitrage et invisibles à l’œil nu, dirigent les rayons solaires hivernaux bienvenus vers le plafond, afin d’assurer un éclairage uniforme et le chauffage naturel de l’espace. En été, les micro-miroirs dévient les rayons du Soleil pour éviter qu’ils s’ajoutent à la chaleur ambiante.
Ce vitrage est également issu du groupe d’Andreas Schüler à l’EPFL. Le premier prototype a été usiné avec un laser de précision de l’Empa à Thoune. En collaboration avec BASF Suisse, l’équipe met actuellement au point un procédé de fabrication en vue d’une production industrielle. Dès que les premiers vitrages seront disponibles, ils seront intégrés à la façade de l’unité «SolAce». Leur qualité optique sera alors déterminée sur place par des chercheurs du Laboratoire de performance intégrée au design de l’EPFL. Dans l’attente, des vitrages de référence permettront de premières évaluations et comparaisons de performance.


Des techniques bien adaptées à l’usage quotidien
L’un des principes du démonstrateur NEST est que ses unités doivent être à la fois utilisées et habitées. Dans une première phase, les locaux seront principalement occupés par les chercheurs de l’EPFL chargés de surveiller les systèmes et les techniques mis en œuvre; ils devront s’accommoder de la situation. «Après quoi, nous utiliserons l’unité comme espace de vie et de travail pour les invités de l’Empa», précise Rico Marchesi, responsable de l’innovation au démonstrateur NEST.
Pour Jean-Louis Scartezzini, le projet est d’ores et déjà un succès. «L’étroite collaboration entre les chercheurs et partenaires industriels, ainsi qu’entre les différents partenaires industriels eux-mêmes, a généré une succession d’idées surprenantes; les échanges ont été très fructueux», affirme-t-il. L’architecte de l’unité, Fabrice Macherel du bureau Lutz Architectes de Fribourg, a également trouvé la collaboration entre les chercheurs et praticiens enrichissante. Il ajoute: «Les négociations entre théorie et pratique n’ont pas toujours été faciles; mais nous en avons appris un paquet, et ce savoir va se révéler utile dans nos prochains projets»
 
NEST – Construire l’avenir ensemble
Dans les secteurs de la construction et de l’énergie, il est difficile de commercialiser rapidement de nouvelles technologies et de nouveaux produits. Aujourd’hui, il existe souvent un grand fossé entre ce qui fonctionne en laboratoire et le marché qui exige des produits fiables et matures. NEST (Next Evolution in Sustainable Building Technologies) accélère le processus d’innovation en fournissant une plate-forme pour valider, améliorer et démontrer les nouveautés dans des conditions réelles.
Le bâtiment de recherche et d’innovation modulaire de l’Empa et de l’Eawag se compose d’une colonne vertébrale centrale et de trois plates-formes ouvertes sur lesquelles sont installés des modules de recherche et d’innovation selon le principe «prêt à brancher». Ces unités ont l’habitude de travailler et de vivre ensemble et ce sont en même temps des laboratoires d’essais animés. Des équipes nationales et internationales de chercheurs issues d’universités et de collèges techniques, de bureaux d’architectes et d’entreprises innovantes de l’industrie de la construction travaillent ensemble dans le cadre du NEST.  nest.empa.ch
 
 
Empa
8600 Dübendorf
Tél. 058 765 11 11
www.empa.ch