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19 Juni 2016 | La Revue POLYTECHNIQUE 06/2016 | Biologie

Une surprenante fonctionnalité du système immunitaire

Alors qu’ils étudiaient des infections par des vers, des scientifiques de l’EPFL ont découvert que ceux habitant l’intestin stimulent le système immunitaire d’une manière surprenante. Les chercheurs ont aussi montré que la formation de nouveaux follicules est importante pour combattre les infections, puisqu’elle encourage la formation de davantage d’anticorps.
Afin de combattre les agents pathogènes envahisseurs, le système immunitaire utilise des «avant-postes» dans tout l’organisme, appelés ganglions lymphatiques. Ce sont de petits organes d’un centimètre de longueur, qui filtrent les fluides, évacuent les déchets et capturent les agents pathogènes, comme les bactéries et les virus. Les ganglions lymphatiques sont remplis de cellules immunitaires. Ils sont connus pour croître en taille, ou «enfler», lorsqu’ils détectent des agents pathogènes envahisseurs. Or, des scientifiques de l’EPFL ont découvert inopinément que les ganglions lymphatiques produisent également davantage de cellules immunitaires lorsque l’hôte est infecté par un envahisseur plus complexe: un ver intestinal.

 
Une découverte de l’EPFL
Publiée dans Cell Reports, cette découverte recèle des implications significatives pour notre compréhension de la manière dont le système immunitaire répond aux infections. La découverte a été faite au laboratoire de Nicola Harris à l’EPFL. Sa post-doctorante et premier auteur, Lalit Kumar Dubey, a remarqué que les ganglions lymphatiques de souris infectées par le ver intestinal Heligmosomoides polygyrus bakeri avaient massivement grandi. Ce ver est un excellent outil pour étudier la manière dont un ver interagit avec son hôte, et c’est pourquoi il est couramment utilisé dans les laboratoires travaillant dans ce domaine.
Les ganglions lymphatiques possèdent de microscopiques compartiments nommés «follicules», où ils entreposent un type spécifique de cellules immunitaires, les lymphocytes B. Stockés dans les follicules, les lymphocytes B diffusent des anticorps dans la circulation sanguine pour attaquer les agents pathogènes envahisseurs. Les chercheurs ont découvert que les ganglions lymphatiques de la souris produisaient en réalité davantage de follicules, ce qui suggère qu’elles produisaient plus de lymphocytes B en réponse à l’infection par le ver.
 
Ces illustrations présentent les follicules des ganglions lymphatiques de la souris (en haut) et le le ver intestinal Heligmosomoides polygyrus bakeri (en bas). (Credit: Nicola Harris, EPFL)
 
Reconstruire la séquence moléculaire

Bien sûr, cela n’est pas un événement simple. Comme dans de nombreux processus biologiques, cela implique toute une séquence de signaux moléculaires dont le résultat est la formation de nouvelles cellules et de tissus. Les scientifiques de l’EPFL ont réussi à reconstruire la séquence moléculaire, qui est assez complexe. Lorsque la souris est infectée par le ver intestinal, une molécule de cytokine est produite. Celle-ci stimule les lymphocytes B dans les ganglions lymphatiques, pour produire une molécule appelée lymphotoxine. À ce moment, la lymphotoxine interagit avec les cellules qui sont à la base du ganglion lymphatique – celles qu’on appelle les cellules stromales. Les cellules stromales produisent alors une autre cytokine, qui stimule la production de nouveaux follicules dans le ganglion lymphatique. Jusqu’à maintenant, on pensait que la formation de nouveaux follicules à lymphocytes B n’intervenait que juste après la naissance. Cette étude apporte la première preuve détaillée que ce phénomène peut intervenir chez un mammifère adulte.
 
Des infections extrêmement complexes
Les chercheurs ont aussi montré que la formation de nouveaux follicules est importante pour combattre les infections, puisqu’elle encourage la formation de davantage d’anticorps. À la différence des infections virales et bactériennes, les infections par des vers sont extrêmement complexes. «Les vers sont de grandes créatures qui produisent une quantité de leurs propres molécules lors de l’infection», déclare Nicola Harris. «Certaines de ces molécules stimulent le système immunitaire de l’hôte, tandis que d’autres le suppriment. Il s’agit d’étudier chacune de ces molécules, mais c’est un travail lent. Il convient de noter que la nouvelle production de follicules de lymphocytes B n’a été confirmée que dans le cas d’infection par des vers. Nous n’avons pas observé le même effet avec des infections bactériennes chez la souris», ajoute-t-elle. «Néanmoins, nous recherchons une connaissance plus approfondie de ce processus, pour voir s’il est impliqué dans la production d’anticorps adéquats en réponse aux vaccins», poursuit-elle.
Ce travail a été dirigé par le laboratoire de l’Institut de santé globale de Nicola Harris à l’EPFL. Il a reçu des contributions de l’Institut d’immunobiologie de l’Hôpital cantonal de St-Gall et du Centre d’immunité et infection de l’Université de Lausanne. Il a été financé par la Fondation Leenaards (Prix pour la Translational Medical Research).
 
Références
Dubey LK, Lebon L, Mosconi I, Yang C-Y, Scandella E, Ludewig B, Luther SA, Harris NL. Lymphotoxin-Dependent B Cell-FRC crosstalk promotes de novo follicle formation and antibody production following intestinal helminth infection. Cell Reports 5 mai 2016. DOI: 10.1016/j.celrep.2016.04.023
 
Prof. Nicola Harris
Tél.: 021 69 30 683
nicola.harris@epfl.ch