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31 Oktober 2016 | La Revue POLYTECHNIQUE 08/2016 | Énergie

Vers une photosynthèse artificielle

Dans le projet de recherche «LightChEC» de l’Université de Zurich, des scientifiques de l’Empa travaillent à un procédé innovant de photosynthèse artificielle: la photocatalyse, qui décompose l’eau en hydrogène et oxygène selon un procédé purement chimique. Il faudra toutefois attendre encore quelque temps pour que ce procédé connaisse une application pratique.
Un approvisionnement énergétique durable est sur toutes les lèvres. Les entreprises investissent en ce sens et les scientifiques du monde entier recherchent des alternatives à l’énergie issue du pétrole et du gaz naturel. À l’Université de Zurich, le projet de recherche «LightChEC» a été lancé début 2013. Son orientation est la suivante: «De l’énergie solaire à l’énergie chimique.»

Les chercheurs engagés dans ce projet souhaitent affiner la photosynthèse artificielle pour qu’elle puisse approvisionner l’économie et la société en énergie. Avec Andreas Borgschulte, Karl-Heinz Ernst et Andreas Züttel, trois scientifiques de l’Empa sont Ces deux derniers font partie du comité directeur.
 

Les chercheurs font la différence entre trois approches de la photosynthèse artificielle: la photocatalyse est la plus proche de la photosynthèse naturelle. Cependant, en raison de sa plus grande efficacité, c’est surtout la photoélectrolyse qui est actuellement utilisée dans les cellules dites PEC.


La nature montre l’exemple
Depuis la nuit des temps, les arbres, les plantes, les herbes et même les algues réalisent la photosynthèse. À cet effet, elles produisent dans leurs cellules ce colorant naturellement vert qu’est la chlorophylle. À l’aide de la lumière du soleil, les parties des plantes contenant de la chlorophylle transforment le dioxyde de carbone et l’eau en oxygène et glucose, soit en dextrose. Celui-ci sert de source d’énergie aux plantes, tandis que l’oxygène est rejeté.
La photosynthèse artificielle vise à reproduire son modèle naturel. Au fond, il s’agit moins de la production de sucre que de la simple décomposition de l’eau en hydrogène et oxygène à l’aide de la lumière du soleil. L’hydrogène ainsi acquis sert, soit de support énergétique – pour l’entraînement de véhicules à pile à combustible, par exemple – ou alors il est utilisé pour la synthèse d’hydrocarbures comme le méthane (le composant principal du gaz naturel), l’éthane, le propane ou l’octane.
 
L’électrolyse photovoltaïque
Actuellement, les chercheurs poursuivent diverses idées pour copier la photosynthèse naturelle, comme l’explique Andreas Borgschulte. Selon l’approche la plus simple, l’eau est séparée en hydrogène et en oxygène par électrolyse, via le courant solaire. Récolter la lumière du soleil avec des panneaux solaires et pratiquer l’électrolyse de l’eau sont des processus réalisés en principe séparément. Sur le plan microscopique, il est cependant possible de les combiner. On parle alors de photoélectrolyse dans des cellules dites photoélectrochimiques, qui sont également appelées cellules PEC (d’après la désignation anglaise).
Les chercheurs de l’Empa ont déjà présenté ce procédé en 2014. On peut l’imaginer sous la forme d’un récipient rempli d’eau, comportant une photoanode et une contre-électrode. La photoanode absorbe la lumière du soleil et fournit le courant pour la décomposition de l’eau. Ainsi, la procédure peut être réalisée sans cellule solaire. Les cellules PEC atteignent actuellement une efficacité de 5 % environ. Autrement dit, un vingtième de l’énergie solaire «capturée» est transformée en énergie chimique – en hydrogène.
 
La photocatalyse
Récemment, les scientifiques de « LightChEC » ont réussi à imiter l’ensemble du processus dans un système moléculaire au sein d’une solution aqueuse. Ainsi, les électrodes utilisées dans les cellules PEC ne sont plus nécessaires. On appelle ce procédé photocatalyse. Grâce à lui, les chercheurs se rapprochent bien plus du modèle naturel qu’avec les cellules PEC.
Cependant, l’efficacité du procédé développé dans le cadre du projet LightChEC ne peut pas encore être comparée à l’efficacité des cellules PEC. Il faut encore optimiser diverses étapes, en améliorant les colorants similaires à la chlorophylle ou les catalyseurs pour la décomposition de l’eau, par exemple.
Mais outre leur efficacité relativement élevée, les cellules PEC offrent également un autre avantage: on peut les utiliser aujourd’hui déjà. Au même titre, l’électrolyse par du courant photovoltaïque est actuellement employée dans le démonstrateur de mobilité «move» de l’Empa. Cet institut souhaite ainsi démontrer comment l’excédent de courant issu des installations photovoltaïques et hydrauliques peut être utilisé efficacement pour une mobilité durable, comme pour charger directement les voitures électriques ou pour fabriquer et accumuler l’hydrogène ou le méthane, par exemple.
 
À la recherche de meilleurs catalyseurs
Les chercheurs de l’Empa ont déjà bien affiné ce procédé. Cependant, ils veulent l’optimiser davantage encore. C’est pourquoi ils recherchent notamment des catalyseurs toujours meilleurs. L’efficacité de la réaction du CO2et de l’hydrogène avec le méthane en dépend. Grâce à un système d’analyse ultra moderne, les chercheurs veulent mieux comprendre le fonctionnement de ces catalyseurs – à savoir le mécanisme de réaction moléculaire – et ainsi lancer tôt ou tard sur le marché la production d’énergie par photosynthèse artificielle.
 
Une technique pour éliminer les sources de perte
Le craquage de l’eau à l’aide de cellules photoélectrochimiques demande des matériaux photoactifs stables et puissants. La recherche se penche notamment sur des matériaux pour la photoanode, qui récolte la lumière du soleil. Mais tous les matériaux utilisés jusqu’à présent impliquent des pertes d’efficacité dues à divers mécanismes, réduisant ainsi l’efficacité de la photoélectrolyse.
Il y a peu de temps, un groupe de recherche du département «Matériaux pour la conversion de l’énergie» de l’Empa a présenté une technique permettant d’éliminer les sources de perte. L’équipe de chercheurs de Simone Pokrant a recouvert la photoanode de plusieurs couches de différents matériaux, ce qui a permis à chacune d’entre elles d’éliminer un mécanisme de perte. La combinaison de toutes les couches a augmenté considérablement l’efficacité de la cellule photoélectrochimique.
 
Sources
S. Landsmann, S. Surace, M. Trottmann, S. Dilger, A. Weidenkaff, S. Pokrant (2016). Controlled Design of Functional Nano-Coatings: Reduction of Loss Mechanisms in Photoelectrochemical Water Splitting, Applied Materials & Interfaces. DOI: 10.1021/acsami.6b01129
 
Une chercheuse de l’Empa nommée professeur
Début mai 2016, Simone Pokrant, chef de projet, a été nommée professeur à la Haute École de Technique et d’Économie de la Sarre. C’est à ce poste qu’elle a commencé, dès le mois de juin, à étudier les stockeurs électrochimiques d’énergie; elle poursuivra, entre autres, son travail sur les cellules photoélectrochimiques.
À l’Empa, Simone Pokrant a concentré ses recherches depuis 2012 sur le développement de matériaux destinés au craquage photoélectrochimique de l’eau, pour les batteries et les matières colorantes luminescentes.
 

Empa
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