16 december 2019 |
Revue internationale de criminologie et de police technique et scientifique 04/2019
Obstacles à la confession en contexte d’interrogatoire policier : profils latents des motivations à la non-confession dans le cas d’individus reconnus coupables d’un crime
par Andréanne Bergeron et Nadine Deslauriers-Varin
La confession en contexte d’interrogatoire policier est un élément important de l’enquête afin d’accumuler des preuves (Inbau, Reid, Buckley, et Jayne, 2001), résoudre le crime sous enquête (Phillips et Brown, 1998), et pour prouver la culpabilité d’un individu (Leo, 1996). Jusqu’à présent, les recherches effectuées dans ce domaine ont majoritairement mis l’accent sur l’identification des facteurs et motivations qui influencent la décision de confesser les faits reprochés. La non-confession a donc, jusqu’ici, pratiquement toujours été considérée par les chercheurs de façon implicite: ce qui ne favorise pas une confession doit donc nécessairement favoriser la non-confession. Aucun chercheur ne s’est jusqu’ici véritablement attardé à valider cette présupposition, ni à décrire le processus décisionnel de non-confession. Cette étude vise donc à combler un vide de connaissances au sujet des motivations sous-jacentes à la non-confession en se basant sur un échantillon de 111 hommes non-confesseurs lors de leur dernier interrogatoire policier, mais ayant été reconnus coupables des faits reprochés et détenus dans un pénitencier canadien. Des analyses de classes latentes basées sur des facteurs motivationnels reconnus dans la littérature sur la confession ont aidé à identifier cinq profils distincts de non-confession : le Déni passif et le Déni ambivalent, deux profils pour lesquels les motivations et les raisons expliquant la non-confession n’ont pas su être bien identifiées à l’aide des facteurs à l’étude; le déni émotif, qui est motivé par plusieurs facteurs, particulièrement par ceux liés aux émotions et aux pressions internes (ex.: la peur de perdre un être cher); le déni calculé, déni qui semble basé sur une analyse coûts-bénéfices; et finalement, le déni pour protéger sa dignité, regroupant des non-confesseurs ayant principalement peur de ternir leur réputation. Les résultats de l’étude, discutés à la lumière des recherches sur l’interrogatoire policier et les techniques d’interrogatoire, ont d’importantes retombées au niveau des pratiques d’interrogatoire de même que d’importantes implications dans l’avancement des connaissances théoriques sur la non-confession et sur l’interrogatoire policer, domaine encore très peu étudié, particulièrement au Canada.