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18 janvier 2022 | Sécurité Environnement 01/2021 | Environnement

Le bateau qui avale les déchets plastiques

Georges Pop

Fondateur et président de l’association The Sea Cleaners, créée en 2015, le navigateur franco-suisse Yvan Bourgnon a présenté, à la fin du mois de janvier dernier, lors d’une conférence de presse, la dernière version de son futur catamaran géant qu’il destine à la récolte des déchets plastiques, dans les mers et les océans. Long de 56,5 m, le Manta devrait être opérationnel en 2024. Les déchets collectés serviront, pour la plupart, de carburant au bateau. Les autres seront triés, puis ramenés à terre pour y être recyclés ou détruits.

le Manta, destiné à la collecte des déchets en mer

Long de 56,5 m, le Manta, destiné à la collecte des déchets en mer, devrait être opérationnel en 2024. Le déchets collectés serviront, pour la plupart, de carburant au bateau. Les autres seront triés, puis ramenés à terre pour y être recyclés ou détruits. © The Sea Cleaners

Vainqueur, en 1997, de la Transat en double Jacques-Vabre, avec son frère Laurent, aujourd’hui disparu, le navigateur Yvan Bourgnon, s’est lancé dans la construction d’un catamaran géant, le Manta, conçu pour collecter les déchets plastiques qui souillent les mers et les océans. Son association, The Sea Cleaners, basée à La Trinité-sur-Mer, dans le Morbihan, a déjà réuni quelque 7 millions d’euros, sur les 25 indispensables pour achever le projet, grâce au soutien d’une vingtaine de grands mécènes, ainsi que de plusieurs milliers de petits contributeurs. Le Manta devrait être mis à l’eau dès l’année prochaine. Il pourrait prendre le large en 2024, pour sa mission de nettoyage.

Des déchets en guise de carburant

Long de 56,5 m, large de 26 (46 m avec les tangons) et haut de 62 m, pour un poids de 1800 t, le Manta sera équipé d’un four à pyrolyse capable de porter à haute température 95 % des déchets collectés, pour les transformer en gaz de synthèse. Ce gaz permettra, ensuite, de chauffer un fluide qui alimentera un turbo-alternateur, afin de produire l’électricité pour assurer, notamment, la propulsion du bateau. Ce dispositif sera complété par plusieurs batteries de panneaux solaires, des éoliennes, des hydro-générateurs associés aux hélices, afin de maintenir les batteries en charge, ainsi que des groupes électrogènes. Les concepteurs du Manta ont voulu réduire au minimum le recours aux énergies fossiles.

Deux petits bateaux d’appoint, appelés Mobuila

Deux petits bateaux d’appoint, appelés Mobuila, seront affectés à la collecte des déchets plastiques et des hydrocarbures dans les eaux côtières peu profondes, ainsi que dans les estuaires. © The Sea Cleaners

Le catamaran sera en mesure de collecter les petits déchets, à partir de 10 mm, grâce à trois chaluts adaptés à cette mission. Il sera également équipé de deux grues destinées à récupérer les gros déchets comme les filets dérivants, par exemple. Deux petits bateaux d’appoint, appelés Mobuila, embarqués à bord du navire, seront affectés à la collecte des déchets plastiques et des hydrocarbures dans les eaux côtières peu profondes, ainsi que dans les estuaires. Les déchets collectés seront stockés à bord, grâce à des tapis roulants, disposés sous la plate-forme du catamaran.

Près des fleuves et des villes côtières

« Telle la raie manta qui se nourrit en filtrant l’eau de mer, le Manta avalera les déchets plastiques flottants pour les transformer en énergie, ou les rapporter à terre, afin de les valoriser », explique le porte-parole de l’association The Sea Cleaners qui précise : « Le Manta sera capable de ramasser jusqu’à trois tonnes de déchets par heure ». Selon lui , dix-sept tonnes de déchets plastiques sont rejetés en mer chaque minute, soit dix à douze millions de tonnes, par année. « Le Manta agira surtout aux débouchés des grands fleuves, dans les estuaires, près des littoraux, ainsi qu’aux abords des grandes villes côtières. Ces zones concentrent beaucoup de déchets qui, souvent, n’ont pas encore eu le temps de se fragmenter et sont ainsi plus facile à collecter », souligne Yvan Bourgnon.

Le Manta pourra accueillir trente-quatre personnes à son bord, dont douze passagers, des places étant réservées à des scientifiques. Selon ses concepteurs, le bateau doit aussi servir de plateforme de travail pour des équipes de recherche dans le but, selon l’association, de faire progresser les connaissances scientifiques en matière de géolocalisation, quantification et caractérisation de la pollution plastique. Des équipements océanographiques, ainsi que quatre espaces seront à la disposition des scientifiques : deux laboratoires, une salle d’analyse et une autre de travail.