Du sorgho pour pallier le manque de fourrages en période de sécheresse
Henri Klunge. Ingénieur en chimie HES. Fondateur d’Alcane Conseils
Des champs de sorgho, une céréale originaire d’Afrique cultivée pour ses graines, pourraient peut-être faire un jour leur apparition dans les campagnes suisses. Des chercheurs du centre fédéral Agroscope annoncent avoir testé, la résistance de cette graminée en période de sécheresse, avec des résultats prometteurs.
Rattaché à l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG), Agroscope, le centre de compétences de la Confédération pour la recherche agricole, a annoncé au mois d’août dernier avoir testé, avec des résultats prometteurs, la résistance de plusieurs variétés de sorgho en période de sécheresse. Cette céréale originaire d’Afrique, cultivée pour ses graines, pourrait ainsi faire un jour son apparition dans les campagnes pour pallier le manque de fourrages issus des cultures traditionnelles menacées par le réchauffement climatique.
Un grand potentiel fourrager
Dans leur communiqué, les experts du centre constatent que, pendant les périodes de grande chaleur de l’été dernier, de nombreuses surfaces fourragères expérimentales d’Agroscope à Posieux, dans le canton de Fribourg, ont jauni. Or, ce ne fut pas le cas des surfaces de sorgho qui sont restées d’un vert intense.
Lors de périodes de sécheresse, comme celle de l’année en cours, la croissance des prairies et du maïs est considérablement réduite, surtout pendant les mois de juillet et d’août. Cette sécheresse peut entraîner une pénurie de fourrages avec des répercussions sur les réserves de l’année. Le sorgho offre un grand potentiel pour compenser cette pénurie en tant que fourrage conservé. En raison de sa tolérance à la sécheresse et de son rendement élevé, il peut représenter une importante source de nourriture pour les ruminants.
Certaines variétés de sorgho produisent beaucoup de biomasse, mais ont en général une valeur nutritive relativement faible. Lors de sa culture à Posieux, le sorgho a donc été associé à différentes plantes fourragères, telles que le trèfle incarnat (Trifolium incarnatum), le trèfle d’Alexandrie (Trifolium alexandrinum) et le ray-grass de Westerwold (Lolium multiflorum Lam. Var. westerwolidicum Mansh), dans le but d’augmenter la teneur en énergie et en protéines du fourrage, ainsi que sa résistance aux variations météorologiques extrêmes. Cinq variétés de sorgho sont actuellement testées afin de cerner leurs caractéristiques agronomiques, ainsi que leur valeur nutritive.
Des essais en cours
Au stade juvénile, le sorgho contient de l’acide cyanhydrique (HCN) qui, en trop grande concentration, peut être dangereux pour le bétail. Des études sont en cours pour comparer ses concentrations entre les diverses variétés analysées. Les chercheurs prévoient de réaliser prochainement des essais avec des plantes au stade de végétation avancé, d’une hauteur supérieure à 80 cm, afin d’éviter les problèmes liés au HCN. D’autres essais permettront de déter miner la digestibilité de la matière organique du sorgho multicoupe – qui offre la possibilité de réaliser plusieurs coupes en été grâce à un cycle de croissance rapide –, afin d’en estimer la valeur alimentaire pour les ruminants. Des analyses chimiques permettront en outre d’étudier la qualité des différentes variétés en tant que fourrage conservé.
Les chercheurs d’Agroscope ont non seulement testé de manière intensive des variétés de sorgho multicoupe, mais aussi des variétés monocoupe. Ils ont analysé les caractéristiques agronomiques telles que le rendement, la teneur en matière sèche et la résistance à la verse, un accident de végétation qui interrompt la croissance des cultures, ainsi que la qualité des composants. Sur la base des essais réalisés jusqu’ici, le sorgho est considéré comme une plante prometteuse ayant du potentiel, en Suisse, pour compenser les éventuelles pénuries de fourrage traditionnel.
À propos du sorgho
Le sorgho commun (Sorgum bicolor) est une espèce de plante monocotylédone de la famille des graminées, originaire d’Afrique. Il est cultivé soit pour ses graines, soit comme fourrage. Cette plante est la sixième source de calories alimentaires pour la population mondiale, après le riz, le blé, le sucre de betterave ou de canne, le maïs et la pomme de terre. Le sorgho a un système racinaire fibreux, caractéristique des graminées, pouvant atteindre une profondeur de 1,5 à 2,4 m. Ce système, très étendu, a la capacité de devenir dormant dans les périodes de stress hydrique, ce qui contribue à la résistance à la sécheresse de la plante, qui est capable de s’adapter aux sols arides. De nos jours, le sorgho est cultivé sur tous les continents. En Europe, on le trouve essentiellement sur le pourtour méditerranéen.