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25 mai 2012 | Sécurité Environnement | 1-Non classifié(e)

Éditorial (4/2012)

Les motivations des marchands de doute
Dans un ouvrage sur les racines du climato-scepticisme*, Naomi Oreskes, de l’université de Californie et Erik Convay, du California Institute of Technology, tous deux historiens des sciences, analysent les origines et les motivations des personnalités et des organismes qui cherchent à décrédibiliser les études des climatologues, en les piégeant dans des controverses exemptes de toute substance scientifique.
Tous les modèles climatiques sont d’accord sur l’origine essentiellement anthropique du réchauffement, sur l’intensification d’événements météorologiques extrêmes, tels que sécheresse et inondations catastrophiques, ainsi que sur la diminution des masses glaciaires. S’il existe des disparités entre les modèles, elles ne concernent que les échéances prévues ou l’amplitude du changement.
Curieusement, constatent les auteurs, la plupart de ceux qui remettent en cause la science climatique ont auparavant contesté la réalité des pluies acides, du trou dans la couche d’ozone ou la nocivité du tabac. C’est-là le premier indice prouvant que leur démarche n’a rien de scientifique, car on ne trouvera nulle part parmi les chercheurs, des spécialistes de sujets aussi variés, exigeant des compétences de pointe totalement différentes. Alors, quelles sont donc les motivations de ces scientifiques parfois connus, qui ont engagé leur réputation pour défendre des causes aussi contestables ?
On pense, bien sûr, que l’argent en est le moteur. Ce qui est vrai dans bien des cas. En effet, des chercheurs ayant défendu l’industrie du tabac ont été rémunérés par celle-ci, à travers des organisations écrans d’apparence scientifique et aux dénominations se voulant rassurantes, créés pour recruter des personnalités, notamment scientifiques, mais dépourvues de compétences propres aux sujets traités.
Mais en ce qui concerne le réchauffement climatique, les motivations seraient également politiques et idéologiques. Outre les énormes intérêts économiques des producteurs de pétrole et des constructeurs d’automobiles, notamment, on perçoit aussi la crainte que les règlementations environnementales n’ouvrent la voie à un Etat de plus en plus fouineur. Les climato-sceptiques veulent rassurer en prétendant que les lois du marché vont régler tous les problèmes. Une telle stratégie de manipulation des médias et des milieux politiques nous vient des États-Unis. Elle puiserait son origine – selon les auteurs de l’ouvrage précité – dans la lutte contre le communisme, ainsi que dans la culture américaine qui repose essentiellement sur l’individualisme et le moins d’Etat.
 
Par Michel Giannoni
 
* Les Marchands de doute, Editions Le Pommier