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25 novembre 2016 | Sécurité Environnement | Éditorial

Éditorial (4/2016)

L’évolution du pergélisol
Le nord de la Sibérie, de même que le Groenland, l’Alaska et le Canada septentrional, subissent depuis quelques années les effets d’un réchauffement climatique inquiétant, affectant ce que l’on appelle le pergélisol (permafrost, en anglais), la couche de sol profonde restant gelée en permanence. Seule la partie supérieure du sol, souvent constituée de tourbe, gèle et dégèle au gré des saisons, ce qui assure la persistance d’une maigre végétation de toundra. Le pergélisol se présente donc sous la forme d’une couche rigide, quasiment imperméable, d’une consistance similaire à celle de la roche. Ce phénomène ne concerne pas que les régions arctiques. Il est également présent, mais de façon localisée, en haute altitude dans les régions alpines, par exemple, où sa disparition progressive entraîne des risques accrus d’éboulements.
Comme l’ont constaté deux spécialistes de la question, Judith Marquand, de l’université britannique d’Oxford et Sergueï Kirpotine, de l’université de Tomsk, toute la région subarctique de Sibérie orientale a commencé à fondre depuis trois à quatre ans, cette zone se réchauffant plus rapidement que le reste de la planète, avec une hausse moyenne des températures de 3 °C durant ces quarante dernières années.  Selon certaines estimations, quelque 70 milliards de tonnes de méthane sont encore prisonnières du pergélisol. Des quantités de ce gaz de plus en plus importantes surgissent littéralement en bouillonnant à la surface du sol lors des périodes de dégel, au point de même empêcher le sol de geler en hiver en certains endroits. Or, à parts égales, le méthane contribue 21 fois plus à l’effet de serre que le gaz carbonique.
Autre danger: les éléments biologiques enfouis dans le pergélisol (des cadavres d’animaux, par exemple) contiennent également des virus et des bactéries, qui redeviennent actifs lorsqu’ils sont dégelés. Une épidémie d’anthrax s’est de la sorte déclarée dans la péninsule de Yamal (région Yamalo-Nenetski, entre la mer de Kara et l’estuaire de l’Ob): 2000 rennes ont péri, plus de 1500 personnes ont dû être vaccinées et 700 individus à risque traités aux antibiotiques. Viktor Maléïev, directeur adjoint de l’institut de recherches russes d’épidémiologie, précise que des restes de variole datant du XIXe siècle ont refait surface et que des chercheurs ont découvert des virus géants d’une espèce jusqu’alors inconnue dans des cadavres d’animaux qui séjournaient depuis des milliers d’années dans le sol gelé.
 
Par Edouard Huguelet