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21 avril 2023 | Sécurité Environnement | Sécurité au travail

Iron Man sonne toujours deux fois…

Oliver Flüeler

Les exosquelettes sont une source inépuisable de fantasmes: ils conféreraient à ceux qui les portent des forces extraordinaires, permettraient de mettre à terre n’importe quel adversaire, voire même de s’envoler. Ce qui fait accélérer le rythme cardiaque du public des salles obscures lors de la projection de films d’action ou de science-fiction tels qu’«Iron Man» ou «Alien» entre désormais dans la réalité de la Poste: les premières expériences réalisées avec des appareils aidant à soulever de lourdes charges sont encourageantes. Cependant, cela reste encore le facteur, et pas Iron Man, qui sonne à la porte…

Lorsque le groupe américain General Electric a dévoilé en 1965 le prototype d’exosquelette «Hardiman GE», destiné à accroître les capacités physiques humaines, les attentes étaient énormes: une personne équipée de ce monstre de technologie composé d’acier, de conduites hydrauliques, d’articulations, de vis et de pompes était censée pouvoir soulever une charge de 680 kg comme s’il s’agissait d’une plume ou d’une feuille de bambou. La déception a été d’autant plus grande lorsque le premier exosquelette au monde s’est égaré dans des mouvements incontrôlés. L’opérateur, qui portait pour la présentation une chemise blanche et une cravate selon les usages de l’époque, ne parvint pas à se tourner sur place. Le projet se solda par un échec, et le bras préhenseur qui lui succéda ne fut pas non plus un succès: s’il réussit certes à soulever 340 kg, il en pesait lui-même bien 750 kg… soit plus du double.

Du cinéma au quotidien professionnel

Depuis, les chercheurs, ingénieurs, techniciens et même réalisateurs n’ont pas abandonné leurs rêves d’une structure de soutien externe amovible conférant des forces et des pouvoirs surhumains. Bien loin des exosquelettes armés toujours plus imposants représentés avec violence dans des films tels qu’«Alien», «Elysium» ou «Iron Man», les structures externes que sl’on retrouve dans la réalité du monde  industriel sont de plus en plus

Lutte acharnée contre des aliens: l’exosquelette confère des forces surnaturelles à l’actrice Sigourney Weaver, qui l’emporte face au monstre.

Lutte acharnée contre des aliens: l’exosquelette confère des forces surnaturelles à l’actrice Sigourney Weaver, qui l’emporte face au monstre.

N’ayez crainte si vous tombez nez à nez avec Iron Man la prochaine fois que vous pensez ouvrir la porte à votre facteur: la Poste examine actuellement les possibilités, sur le plan technique, d’utiliser les exosquelettes au quotidien, et dans quelle mesure ceux-ci soulageraient le personnel.

N’ayez crainte si vous tombez nez à nez avec Iron Man la prochaine fois que vous pensez ouvrir la porte à votre facteur: la Poste examine actuellement les possibilités, sur le plan technique, d’utiliser les exosquelettes au quotidien, et dans quelle mesure ceux-ci soulageraient le personnel.

petites et modestes: elles tendent à se rapprocher d’un petit sac à dos. Elles ont pour but d’aider et de soulager, grâce à des bandes, à des articulations ou à des rails, par exemple lorsqu’une personne doit régulièrement soulever du sol des charges lourdes pour les élever à la hauteur du ventre ou des épaules. Ces exosquelettes, à la fois légers et réduisant efficacement les efforts, ont été adoptés par des fabricants automobiles tels que VW Slovaquie, Audi ou Ford USA, mais aussi par l’aéroport de Stuttgart pour l’enregistrement des bagages. Ou bien ils ont été testés à certains postes utilisés au quotidien.

Loin des robots donnant des sueurs froides dans les films de science-fiction et d’action, les exosquelettes sont désormais utilisés dans le quotidien professionnel: ils apportent soutien et protection au personnel qui répète des mouvements astreignants.

Loin des robots donnant des sueurs froides dans les films de science-fiction et d’action, les exosquelettes sont désormais utilisés dans le quotidien professionnel: ils apportent soutien et protection au personnel qui répète des mouvements astreignants.

De premiers essais «prometteurs» à la Poste

La Poste s’est elle aussi penchée sur la question des exosquelettes, ayant conscience qu’en certains points du circuit de traitement, les colis et les lettres sollicitent fortement le dos, la nuque et les épaules des collaboratrices et collaborateurs. Parallèlement aux offres de physiothérapie, de musculation, de formation sur les mouvements répétés et d’échauffement déjà proposées, elle s’intéresse de près aux innovations techniques capables de faciliter le travail quotidien de son personnel. L’année dernière, elle a ainsi équipé certaines collaboratrices et certains collaborateurs d’exosquelettes dans les grands centres courrier et centres colis du pays à Daillens, Härkingen, Frauenfeld, Éclépens et Zurich-Mülligen.
«L’objectif est de tester les exosquelettes comme nouvel outil de travail potentiel. Dans un premier temps, il s’agissait de vérifier s’il était possible dans l’absolu d’intégrer les exosquelettes dans le quotidien postal sur le plan technique. Les premiers résultats sont prometteurs», se réjouit Olivier Crettenand, responsable Safety & Security auprès de Services logistiques et chargé de la gestion de la santé dans les centres de traitement de la Poste. Accompagnés par des physiothérapeutes du travail, une centaine de collaboratrices et collaborateurs volontaires ont porté un exosquelette pendant plusieurs heures ou jusqu’à deux semaines durant leur service. Ils ont notamment testé cet appareil pour charger et décharger les camions, pour trier les encombrants, pour déplacer les envois postaux après le tri, pour soulever des commandes de vin ou encore pour préparer les véhicules avant la distribution et partir effectuer la tournée.
D’après les premières expériences réalisées par la Poste, les exosquelettes apportent-ils du soutien pour les activités qui demandent des efforts physiques? «Oui, tout à fait», répond Olivier Crettenand. «Nous avons constaté que les collaboratrices et collaborateurs munis d’un exosquelette ressentaient moins de difficultés à réaliser leurs tâches et moins de fatigue.» C’est particulièrement vrai sur les postes de travail où ils effectuent des mouvements répétitifs pour soulever des charges du sol à la hauteur des hanches, et inversement. La Poste a maintenant besoin de davantage d’expériences en ce qui concerne le transfert de poids au-delà du niveau des hanches et dans le cadre de la distribution. En effet, l’assistance aux mouvements prêtée pour ces tâches n’a pas convaincu le personnel, qui souligne le manque de commodité lorsqu’il s’agit de monter et de descendre du véhicule de distribution à de multiples reprises.

 

Dans l’industrie automobile, les exosquelettes font de plus en plus souvent partie du paysage lorsqu’il s’agit de soulever des pièces ou d’en fixer sur un véhicule en hauteur.

Dans l’industrie automobile, les exosquelettes font de plus en plus souvent partie du paysage lorsqu’il s’agit de soulever des pièces ou d’en fixer sur un véhicule en hauteur.

Objectif: tests de longue durée

Pour l’heure, aucune certitude ne peut être établie quant au fait que la Poste recourra un jour aux exosquelettes et quant à la manière dont ceux-ci seraient utilisés. Des analyses sont en cours et la Poste étudie la possibilité de mener d’autres tests, notamment sur une période prolongée. Pour Olivier Crettenand, il s’agit aussi «d’impliquer sciemment le personnel qui se plaint de douleurs et de voir si les exosquelettes améliorent alors la situation.» En outre, il est prévu d’approfondir l’étroite collaboration initiée avec les physiothérapeutes du travail, ainsi que d’impliquer les partenaires sociaux. «Il a clairement été démontré qu’un exosquelette ne ressemble pas à ce qu’on peut voir dans les films d’action, mais à un simple sac à dos que l’on enfile et qui vient accroître naturellement les forces», conclut Olivier Crettenand. La Poste décidera d’ici la fin de l’année si elle souhaite tester les exosquelettes sur le long terme. Le cas échéant, elle précisera le cadre, la durée ainsi que les modalités de cette utilisation. Ce n’est donc pas encore demain qu’Iron Man déposera les colis sur le pas de la porte à la place du facteur.