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19 décembre 2019 | Sécurité Environnement 03/2019 | Environnement

La «poubelle des mers» à la conquête des lacs suisses

Georges Pop

La presse a pris l’habitude de désigner cet aspire-ordures flottant sous le titre peu glorieux de «poubelle des mers». L’allure modeste de ce petit cylindre ne doit cependant pas tromper. La Seabin s’est révélée d’une efficacité irrécusable pour débarrasser les eaux portuaires des déchets plastiques flottants et des fuites d’hydrocarbures provenant des embarcations. Cet été, un de ces appareils a été installé dans le port de Lugano. Il s’agit du sixième de ce type à être introduit dans un lac suisse. De nombreux autres pourraient suivre.
On doit l’idée de cette «poubelle marine» capable de purger les eaux des ports et des marinas de leurs déchets plastiques, à Andrew Turton,  un navigateur australien résidant à Majorque. Consterné par la quantité de déchets observés  lors de ses navigations, il s’associa en 2013 à son compatriote Peter Ceglinski, surfeur et styliste de son état, pour mettre au point un aspire-ordures flottant. Il fit appel au public pour financer  ses recherches et récolta 550’000 euros. Une fois le concept général achevé, deux ans plus tard, il confia son projet à la société française Poralu Marine, un équipementier portuaire haut de gamme basé dans l’Ain, dont l’expérience et l’implantation mondiale se révélèrent essentielles pour la finalisation, la fabrication et la commercialisation de son invention.
 
Malgré ses allures de jouet, la Seabin s’est révélée d’une grande efficacité (© Seabin)
 
 

Une taille modeste mais une collecte notable
Fixé à un ponton flottant ou fixe, la Seabin fonctionne grâce à une pompe électrique d’un débit continu de 25’000 l/h, à même d’aspirer les déchets flottants et les hydrocarbures dans des récipients collecteurs. Le sac a déchets d’une capacité de 20 kg, assemblé en fibres naturelles, peut retenir des débris plastiques d’au moins 2 mm. Grâce à un coussin absorbant, il retient aussi les hydrocarbures et rejette l’eau débarrassée de ses souillures. Une fois pleine, la Seabin doit être vidée par le personnel portuaire. Bien entretenu, le système est capable de piéger quotidiennement 1,5 kg de déchets flottants, soit une demi-tonne par année, voire davantage. Quant à la pompe de l’engin, elle peut être alimentée par une simple batterie solaire.
Le système est évidemment inadapté à la haute mer: les sacs doivent être vidés tous les deux ou trois jours et la pompe doit être alimentée en permanence, ce qui n’est pas possible au large. En revanche, la Seabin est parfaitement appropriée aux ports et notamment aux ports de plaisance. Claire Touvier est «cheffe produit Seabin» chez Poralu Marine. Elle avoue, avec une pointe d’agacement,  qu’elle n’aime guère le terme de «poubelle», trop trivial, et lui préfère de loin celui de «collecteur» de déchets. Elle souligne avec insistance son efficacité car, dit-elle, «le rendement du dispositif n’a rien de symbolique ou d’anecdotique. Certains y voient une sorte de petit jouet, compte-tenu de son allure et de sa taille modeste. Mais ils se trompent, car avec plusieurs de ces collecteurs dans un port, ce sont des tonnes de déchets qui sont récoltés chaque année.»
 
Le collecteur d’une capacité de 20 kg, peut récupérer des débris plastiques d’au moins 2 mm. (© Seabin)
 
 

Un collecteur présent dans des centaines de ports
Selon Claire Touvier, entre 400 et 500 collecteurs Seabin sont déjà opérationnels sur les cinq continents, alors que des centaines d’autres ont été achetés et sont en voie d’installation. Souvent d’ailleurs, ce sont des sponsors sensibles à la protection des mers qui financent l’achat du dispositif. C’est le cas du groupe LifeGate en Italie, où de nombreux ports et marinas, notamment en Ligurie, sont désormais équipés de ces «poubelles flottantes», alors qu’en Grèce, c’est une compagnie aérienne batave qui, avec d’autres, a mis la main à la poche pour installer la première Seabin en mer Égée, dans un grand port de plaisance de la banlieue résidentielle d’Athènes.
 
La première Seabin en mer Égée a été installée à la marina de Flisvos près d’Athènes. (© KLM)
 
 

La Suisse, un marché à conquérir
Et la Suisse ? «En Suisse, tout ou presque reste à faire !», s’exclame Claire Touvier, qui a pris connaissance du récent rapport de l’association genevoise Oceaneye, révélant que le lac Léman est autant  pollué par les plastiques que la mer Méditerranée ou les océans, avec une grande quantité de déchets inférieurs à 20 cm. «Il y a sur vos lacs un immense potentiel pour nos Seabin», ajoute-t-elle. Outre le collecteur implanté à Lugano, seuls cinq autres fonctionnent en Suisse: trois sur le Léman, à Vidy (VD), port Vidoli (GE) et Port-Noir (GE), auxquels il faut en ajouter deux sur le lac de Constance, dans le port de Rheinspitz (SG). Autant dire que le marché à séduire est encore pratiquement vierge.
Claire Touvier et son agent local, situé à Genève, annoncent d’ailleurs une offensive imminente pour faire encore mieux connaître ici les qualités du petit collecteur cylindrique et partir à la conquête des plans d’eau navigables du pays. Certains ont manifestement besoin d’un nettoyage pressant et régulier.
 
Seabin project
Claire Touvier
c.touvier@rotax.fr
 
The Nautic Company - Seabin Suisse
Christian Solterer
Tél. 076 458 46 48