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14 mars 2013 | Sécurité Environnement 06/2012 | Sécurité

La sécurité alimentaire dans le monde

Esther Volken

La faim et la malnutrition comptent parmi les principaux défis posés à la santé et au développement durable dans le monde. Le nombre de personnes souffrant de la faim est supérieur à la population cumulée des Etats-Unis, du Canada et de l’Union européenne. Tous les habitants de la planète pourraient être alimentés décemment si la communauté internationale s’y engageait résolument.
Le défi

La production alimentaire a considérablement augmenté dans le monde au cours des cinquante dernières années, si bien que la proportion de personnes souffrant de la faim a diminué entre 1970 et 2008. Mais leur nombre absolu est reparti à la hausse, pour passer de huit cents millions à un milliard de personnes, à cause du renchérissement de la nourriture entre 2007 et 2008. Un autre milliard d’êtres humains souffrent de malnutrition. La croissance de la population, le caractère limité des ressources naturelles et l’évolution des habitudes alimentaires dans les pays émergents vont accentuer la demande de nourriture dans le monde. Et des facteurs environnementaux compliqueront encore la recherche de solutions.
 
CC - Urs Wiesmann, CDE, Universität Bern
 
La sécurité alimentaire n’est pas qu’une question d’offre: la planète n’a jamais produit autant de nourriture. Elle pourrait subvenir aux besoins de l’ensemble de la population. Le décalage entre la production et la consommation est imputable à la répartition inégale des cultures, à la disparité du pouvoir d’achat et au gaspillage de la nourriture. On estime qu’entre le tiers et la moitié de celle-ci est actuellement perdu ou jeté. De plus, la vocation alimentaire de la Terre est concurrencée par d’autres utilisations, comme la production de biocarburants. Les besoins des pauvres ne sont pas satisfaits si l’agriculture suit une logique de marché. Les personnes souffrant de la faim ne peuvent guère améliorer leur situation, car elles gagnent trop peu ou la nourriture est trop chère. Ce sont toujours les pauvres qui pâtissent le plus des fluctuations de prix. Dans maintes régions prétéritées, les carences du gouvernement ou des conflits armés aggravent encore la situation.
 
CC - on-Andri Lys, KFPE
 

Evolutions actuelles et attendues
Alimentation et santé
La santé des plus pauvres serait meilleure s’ils bénéficiaient d’une nourriture saine en suffisance. La malnutrition et la sous-alimentation chronique sont gravement préjudiciables à la santé humaine et surtout au développement des enfants. On estime qu’environ un milliard de personnes souffrent de «faim cachée», car elles manquent de micronutriments importants.
Par ailleurs, les habitudes alimentaires des pays émergents se rapprochent de celles des pays de l’Ouest à mesure qu’ils deviennent plus riches: on y mange toujours plus de graisse, de sucre, de sel et d’aliments transformés comme la viande, le poisson et les produits laitiers. La consommation de viande a augmenté d’un facteur 2,5 en Chine depuis 1990, par exemple. L’occidentalisation de l’alimentation génère de l’obésité et pollue souvent l’environnement.
 
Croissance de la population
La population mondiale aura probablement passé de 7 à 9,3 milliards d’individus en 2050. Sa croissance reste un défi majeur. D’après la FAO, la production d’aliments et de fourrage devrait augmenter de 70 % d’ici là. Il faut s’attendre à ce que l’accroissement de la population mondiale ralentisse ensuite, essentiellement du fait de la planification familiale.
 
Ressources naturelles
Les ressources naturelles n’ont jamais autant régressé que ces cinquante dernières années. Les trois quarts environ de la biodiversité agricole ont disparu, un tiers des champs de céréales sont dégradés et la pénurie d’eau devrait s’aggraver dramatiquement. Cette évolution diminuera la production agricole, limitera le champ de manœuvre des petits paysans et compliquera leur adaptation au changement climatique. Le manque de ressources génétiques restreindra les possibilités offertes aux agriculteurs et aux chercheurs pour adapter les cultures au changement climatique en cours.
 
Modifications du climat et de l’environnement
Les modifications de l’environnement à l’échelle mondiale pénalisent la sécurité de l’alimentation dans les régions menacées par la faim, en premier lieu dans les pays en développement. Le changement climatique est actuellement au centre des discussions. Mais la production agricole y contribue, notamment à cause des émissions de gaz à effet de serre imputables aux ruminants et à la riziculture. Le réchauffement climatique et son cortège de conséquences, telles que l’accroissement de la fréquence et de l’intensité des événements extrêmes, le changement du régime des précipitations et l’augmentation du stress thermique, influenceront la sécurité de l’alimentation. La recrudescence de parasites et de maladies, la dégradation du sol et la perte de biodiversité suivent aussi une tendance négative.
 
Achat et fermage («accaparement») de la terre
Les modifications des habitudes de consommation accroissent la demande de ressources, notamment de terre, d’eau et d’énergie, ce qui a une incidence sur des régions agricoles éloignées. Avec une superficie achetée ou affermée de 134 millions d’hectares, l’Afrique est la première cible de l’«accaparement de la terre», de l’achat ou du fermage de terrain par des investisseurs étrangers, qui veulent souvent les meilleurs sols. Deux tiers environ des terres qu’ils ont acquises en Afrique servent à produire des biocarburants.
 
Production de biocarburant
La demande croissante d’énergie stimule la production de biocarburant à partir de matières premières agricoles. Elle a plus que triplé de 2000 à 2008 et couvre actuellement près de 2 % de la consommation de carburant dans le monde. En 2007/2008, on a utilisé cent dix millions de tonnes de céréales à gros grain, soit 10 % des récoltes mondiales, pour fabriquer de l’éthanol. Les conséquences sont particulièrement graves pour la population pauvre lorsque la production de carburant vert fait monter le prix de la nourriture.
 
Mesures pour assurer l’alimentation dans le monde
  • Le système alimentaire de demain devra s’adapter aux changements, d’une manière durable au plan économique, écologique et social. Pour cela, il faut gérer efficacement les ressources et diminuer la production de déchets dans toute la chaîne alimentaire.
  • Les politiques et les technologies mises en œuvre, concernant la gestion des terres, de l’eau et des ressources non renouvelables, doivent favoriser une production durable. Il faut aider l’agriculture à s’adapter au changement climatique et à réduire son empreinte écologique.
  • La politique des prix doit tenir compte des effets positifs et négatifs de l’agriculture sur l’environnement.
  • L’alimentation doit être plus saine dans les pays industrialisés, comme dans les pays émergents. Dans les pays émergents, il faut d’abord améliorer le pouvoir d’achat pour y parvenir. La formation doit être encouragée dans tous les pays.
  • Les groupes de population les plus vulnérables doivent être protégés prioritairement contre les conséquences des fluctuations et notamment des augmentations du prix des aliments.
  • L’agriculture pratiquée dans les pays en développement sera essentielle pour la sécurité alimentaire dans le monde. Cela s’applique en particulier aux petits paysans, qui assurent la subsistance de 40 % de la population mondiale et produisent 70 % des aliments dans le monde, mais aussi à l’agriculture industrielle qui approvisionne le marché mondial.
  • L’agriculture et la chaîne alimentaire doivent permettre d’obtenir un revenu décent dans les régions agricoles. Il incombe d’abord aux gouvernements nationaux, mais aussi aux partenaires commerciaux dans le monde, de veiller à ce que les producteurs locaux soient payés convenablement.
  • Les gouvernements et le secteur privé, en particulier, doivent investir davantage dans l’agriculture, le développement rural et les systèmes de production alimentaire, tout en respectant les principes du développement durable.