L’assèchement du Nil menace la sécurité alimentaire de millions d’Africains
(G.P. avec AFP)
En raison du réchauffement climatique et de sa surexploitation par l’homme, le Nil, deuxième plus long fleuve du monde, est en voie d’assèchement. Dans un récent rapport, le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE- UNEP) estime que ce phénomène menace fortement les terres agricoles de la dizaine de pays que traverse le fleuve, mettant en péril la sécurité alimentaire de millions d’Africains.
Selon les estimations du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), publié en marge du sommet de la 27e conférence de l’ONU sur le climat (COP 27) qui s’est tenue à Charm el-Cheikh, en Égypte, au mois de novembre dernier, le Nil, deuxième plus long fleuve du monde, est en voie d’assèchement, mettant en péril la sécurité alimentaire de millions d’Africains dont les ressources agricoles dépendent pour l’essentiel de ce cours d’eau. Or, le bassin du Nil, qui couvre 10 % de la superficie du continent africain, constitue une ressource vitale pour quelque 500 millions de personnes.
Un débit en baisse
Selon les experts du PNUE, en 50 ans, le débit du Nil est passé de 3000 m3/s à 2830 m3/s. Il pourrait encore diminuer de 70 %, au cours des prochaines décennies, en raison de la baisse prévisible des précipitation et de la recrudescence des sécheresses en Afrique de l’Est. Ces scientifiques estiment que le lac Victoria, le plus grand lac d’Afrique avec ses 68 100 km², qui est la principale source du Nil, pourrait disparaître au cours des cinq prochains siècles, en raison de la baisse des précipitations et d’une évaporation accrue. Interrogé par l’Agence France Presse (AFP), le géologue Habib Ayeb, professeur émérite à l’université Paris VIII Vincennes - Saint-Denis, souligne que « ceux qui ont le moins d’eau aujourd’hui en auront encore moins demain parce que la compétition sur l’eau sera encore plus terrible ». Selon lui, les risques pesant sur les populations riveraines du Nil sont dus bien plus, pour l’immédiat, des politiques de l’eau menées dans le bassin du fleuve, qu’au réchauffement climatique. « Il y a une grande compétition sur l’eau menée pour les besoins de l’agrobusiness qui produit pour l’exportation », explique-t-il, citant notamment le cas de l’Éthiopie.
Le delta menacé par la mer
En Égypte, l’affaiblissement du débit du Nil a provoqué une montée des eaux de la Méditerranée dans le delta du fleuve, qui est le grenier agricole du pays. Au cours du siècle dernier, le niveau de la mer est monté de quelque 15 cm. Or ce phénomène s’accélère et il suffirait que la mer monte de seulement un mètre pour engloutir plus du tiers des terres arables du delta, privant de leur sol quelque neuf millions d’habitants. À terme, la Méditerranée pourrait avaler 100 000 ha de terres agricoles du delta situées, en moyenne, à moins de 10 m au-dessus du niveau de la mer. Par ailleurs, toujours en raison de l’affaiblissement du débit du fleuve, la nappe phréatique située sous le delta est progressivement envahie par les eaux salées de la Méditerranée. Selon les agriculteurs de la région, la qualité de leurs produits en souffre déjà. Or, la production agricole du nord de l’Égypte correspond à 30 % à 40 % de la production agricole nationale. Selon le PNUE, les barrages déjà construits ou en projet, en Ethiopie par exemple, n’ont fait qu’accélérer une catastrophe annoncée.
Alexandrie sous les eaux
Les populations rurales ne sont pas les seules à être menacées par la montée des eaux. Selon les prévisions du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), en 2050 la mer engloutira non seulement un tiers des terres fertiles du delta du Nil, mais aussi de vastes zones urbaines. Chaque année, la ville d’Alexandrie s’enfonce de trois millimètres, fragilisée par les barrages du Nil en amont, qui empêchent le limon de venir consolider le sol, ainsi que par les forages de gaz au large du littoral. À Alexandrie, des centaines de personnes ont déjà dû quitter des immeubles fragilisés par les inondations. Dans le meilleur des cas, au milieu du siècle, si la Méditerranée ne monte que de 50 cm, 30 % de la ville fondée par Alexandre le Grand seront inondés, au moins 1,5 million d’habitants devront être déplacés et quelques 200 000 emplois seront perdus. Les pertes et dégâts annoncés sont d’ores et déjà estimés à 30 000 milliards de dollars.