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10 décembre 2021 | Sécurité Environnement 06/2021 | Éditorial

Le ciel sur la tête

Par Georges Pop

Convaincus que la voûte céleste est soutenue par des colonnes, les Gaulois craignaient qu’elles ne finissent par céder et que le ciel, un jour, leur tombe sur la tête. De nos jours, cette croyance prête à sourire. Elle est régulièrement tournée en dérision dans la célèbre série Astérix, créée en 1959 par le scénariste René Goscinny et le dessinateur Albert Uderzo, dont les albums sont lus dans le monde entier. Toute ridicule qu’elle puisse nous paraître, cette superstition cache pourtant bien un fond de vérité, le « ciel » n’étant pas exempt de dangers potentiellement funestes pour la vie sur Terre.

Dans la nuit du 23 au 24 novembre dernier, sur la base californienne de Vandenberg, la NASA a procédé au lancement d’une fusée Falcon 9 de SpaceX qui emporte un engin spatial expérimental de 550 kg, baptisé DART (Double Asteroid Redirection Test). À l’automne prochain, l’engin percutera l’astéroïde Dimorphos, grand comme un terrain de football, qui sera situé à quelque onze millions de kilomètres de notre planète. L’impact, à 23 800 km/h, devrait réduire la vitesse de l’astéroïde de près de 1 % et modifier son orbite.

Dimorphos ne menace en aucune façon la Terre. L’expérience permettra cependant à la Nasa d’enregistrer des données afin d’évaluer la méthode de l’impact cinétique pour éviter, le jour venu, que le ciel « nous tombe sur la tête ». Un impact préventif bien dosé sur un astéroïde menaçant pourrait suffire à le faite dévier de sa trajectoire. La menace n’a rien de théorique : en 2013, un astéroïde de 15 mètres de diamètre, circulant à une vitesse de 18 km/s, s’est presque complètement désintégré dans le ciel au-dessus de la ville de Tcheliabinsk en Sibérie. Mille-cinq-cents personnes avaient été blessées, surtout par des éclats de vitres, consécutifs à la détonation. Personne ne l’avait vu venir !

Certes, les experts de la NASA ont déjà répertorié plus de 27 500 astéroïdes proches de la Terre. Apparemment, aucun d’entre eux ne constitue une menace à court, voire moyen terme. Mais les sentinelles du ciel avouent ne connaître que 40 % des astéroïdes mesurant 140 m et plus, capables de dévaster une vaste région. Il convient donc de se préparer à une mauvaise surprise. Après le lancement de DART (fléchette en anglais), l’agence spatiale américaine a salué la première opération de défense et de sécurité à l’échelle de la planète. Il était sans doute temps !

Cependant, il convient de se souvenir que, dans l’immédiat, la plus grande menace pour la vie sur Terre ne vient pas du ciel, mais bien des activités humaines. Même si la destruction biotique en cours n’a pas encore atteint le niveau des cinq extinctions de masse que la Terre a déjà connues, les scientifiques sont unanimes pour constater que les actions de l’Homme sont à l’origine de l’extinction de nombreuses espèces animales et végétales en détruisant les habitats, en produisant sans égards pour la nature et en éliminant les espèces jugées nuisibles ou concurrentes.

En 1963, le zoo du Bronx, à New York, avait organisé une exposition intitulée « L’animal le plus dangereux du monde ». Sous ce titre, les visiteurs pouvaient découvrir leur propre reflet, dans un miroir.