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05 janvier 2017 | Sécurité Environnement 04/2016 | Sécurité

Le DVA, «ceinture de sécurité» du randonneur hivernal

Michel Giannoni

L’hiver approche et les randonneurs adeptes du ski, de la raquette, du snowboard ou, tout simplement, de la marche, se réjouissent de voir apparaître les premiers flocons. Mais comme chaque année, la fête risque d’être gâchée par les avalanches qui emportent dramatiquement les randonneurs imprudents. Un équipement approprié permet toutefois de réduire considérablement les risques.
Le détecteur de victimes d’avalanches (DVA) – également appelé ARVA (appareil de recherche de victimes d’avalanches) – est un instrument qui devrait accompagner tout randonneur s’aventurant en hiver sur des pentes enneigées, sur des crêtes ou des fonds de vallées. Cet appareil permet à des personnes qui ont appris à l’utiliser, de détecter rapidement des victimes ensevelies et de leur porter secours.

Mais pour cela, le DVA ne suffit pas. Une sonde et une pelle, accessoires indispensables, permettent de localiser la victime avec davantage de précision, de connaître la profondeur d’enfouissement, puis de creuser la neige pour la délivrer. Enfin, pour pouvoir utiliser ces équipements avec efficacité, une formation prodiguée par un professionnel (guide de montagne, moniteur de ski…) est primordiale, ainsi qu’une «piqûre de rappel» au début de chaque saison d’hiver. La plupart des clubs de ski et organisations de randonnées hivernales proposent une telle formation, souvent gratuitement.
 
Être prisonnier sous 20 cm de neige et savoir que ses amis sont incapables de vous trouver et de vous dégager parce qu’ils ne sont pas équipés, doit être particulièrement atroce.
 

Des statistiques éloquentes
Pourquoi un tel équipement – qu’on appelle parfois APS (ARVA, pelle, sonde) – est-il essentiel ? Pour trois raisons majeures.
D’abord, les statistiques indiquent chaque année, que 90 % – et c’est une constante – des victimes d’avalanches qui ont été dégagées pendant le premier quart d’heure suivant l’ensevelissement, étaient toujours en vie. En revanche, une fois ce délai passé, le taux de survie chute à quelque 10 %, principalement en raison du décès par asphyxie.
Ensuite, les statistiques montrent également que près de 80 % des personnes ensevelies le sont sous une couche de neige de 20 cm à 80 cm. Être prisonnier sous 20 cm de neige et savoir que ses amis à proximité immédiate sont incapables de vous trouver et de vous dégager parce qu’ils ne sont pas équipés pour le faire, doit être particulièrement atroce…
Enfin, les sauveteurs mettant moins de temps à dégager des victimes équipées de DVA, ils s’exposent eux-mêmes moins longtemps à des risques de sur-avalanche.
 
Une recherche efficace de victimes d’avalanches exige une formation constante.
 

Le DVA est-il la panacée?
Tout comme la ceinture de sécurité, le DVA n’est pas une assurance vie. La ceinture de sécurité n’empêche pas les accidents, le DVA ne prévient pas les avalanches. Mais tout comme la ceinture de sécurité, il sauve chaque année de nombreuses vies. Dans quels cas est-il efficace ?
Il faut, bien sûr, que la victime soit accompagnée et que ses compagnons n’aient pas tous été ensevelis. Il faut aussi que tous soient équipés, qu’ils sachent se servir de leur matériel, qu’ils ne perdent pas leur sang froid et qu’ils appliquent les procédures apprises et régulièrement exercées (voir ci-dessous). Il faut que la victime ne soit pas trop profondément enfouie et qu’elle n’ait pas été grièvement blessée ou tuée par des pierres ou des troncs emportés par l’avalanche. Il faut, enfin, que les piles des DVA soient suffisamment chargées (plus de 50 %), car même avec le meilleur des appareils, si les batteries sont faibles, le signal émis, mais surtout la capacité de réception seront très réduits et détériorés.
Si la ceinture de sécurité ne sert à rien en cas de chute dans un ravin ou de collision frontale à grande vitesse, le DVA ne fait pas non plus de miracle. Mais des milliers d’automobilistes et des centaines de randonneurs leur doivent la vie sauve.
 
Le chercheur approche du but. Il tient son DVA à plat au-dessus de la neige et conserve ses gants pour ne pas perturber une éventuelle recherche ultérieure à l’aide de chiens.
 

Un scénario d’accident
Voici le récit d’un scénario d’accident qu’a élaboré François Viret, guide de haute montagne, et auquel j’ai participé.
Un groupe de randonneurs – nous étions une dizaine – arrive sur le lieu d’une avalanche où il trouve une personne paniquée qui hurle: «Au secours, mes camarades viennent d’être ensevelis, ils sont tous morts, j’ai un ARVA mais je ne sais pas m’en servir !».
Le chef du groupe – ou, s’il n’y en a pas, la personne la plus expérimentée ou la plus motivée – prend les opérations en main. Il désigne une personne pour assurer la sécurité, c’est-à-dire donner l’alerte si une deuxième avalanche venait à se déclencher. Il tente ensuite de rassurer le rescapé et l’interroge: «Combien de personnes comportait le groupe, avaient-ils des DVA, où les avez-vous vus disparaître sous la neige ?». Il s’avère que cinq personnes sont ensevelies (en l’occurrence, il s’agissait de sacs que le guide avait enterrés dans une pente raide, de plus de 40 degrés) et le rescapé indique vaguement où elles ont disparu.
Le chef de groupe ordonne alors à tous d’éteindre leur DVA et leur téléphone portable afin de ne pas perturber les recherches. Il nomme ensuite deux «chercheurs», qui commutent leur instrument en position «réception» et se mettent immédiatement à parcourir l’avalanche à la recherche d’un signal. Il désigne également deux personnes munies d’une sonde et deux autres équipées d’une pelle, avec pour consigne de suivre les chercheurs à distance. Comme il reste deux personnes disponibles, il ordonne à l’une d’elles de s’éloigner d’au moins 50 m du site de l’avalanche et d’appeler les secours à l’aide de son téléphone portable (n° 112 en Europe, 144 en Suisse), et à l’autre de s’occuper du rescapé.
Les deux chercheurs, accompagnés chacun d’un «sondeur» et d’un «pelleteur», ont réussi à trouver quatre victimes (c’est-à-dire quatre sacs renfermant un DVA) et à les dégager en une douzaine de minutes. On peut donc en conclure que les supposées victimes avaient de bonne chances de s’en sortir vivantes. Mais il en manquait une, que les chercheurs n’ont pas trouvée !
En réinterrogeant le rescapé (en l’occurrence le guide organisateur du scénario), le chef de groupe apprend qu’un des randonneurs n’était pas équipé de DVA. Nous nous sommes alors tous mis sur un rang et avons commencé à sonder la neige: devant, à gauche, à droite, un pas en avant, devant, à gauche, à droite, un pas en avant…
Il nous a fallu environ 40 minutes, à partir du déclenchement de l’alerte, pour retrouver le sac qui ne renfermait pas de DVA ! Ce qui signifie que cette victime aurait eu bien peu de chances de s’en sortir… Nous avons même cru un instant qu’il faudrait attendre la fonte des neiges pour retrouver le sac !
Mais tout ceci n’était qu’un exercice. Il faut savoir que face à une situation de stress consécutive à un accident, ce sont des réflexes conditionnés et une capacité d’action instantanée qui permettent d’être efficace. Seul un entraînement régulier aux techniques de sauvetage et à la manipulation des équipements permet d’acquérir ces réflexes ainsi que cette capacité d’action.
 
Un ancien DVA analogique (aujourd’hui obsolète et inefficace), un DVA numérique et, le nec plus ultra, un DVA numérique+analogique (de g. à dr.).

 

Les différents modèles de DVA
Les DVA n’ont cessé d’évoluer depuis leur mise sur le marché dans les années 1970. Autrefois dotés d’une seule antenne et entièrement analogiques, ils se sont progressivement améliorés en passant au mode numérique et en acquérant une deuxième, puis une troisième antenne. Le principe repose sur l’émission d’un champ magnétique basse fréquence (457 kHz ±80 Hz), dont la distribution des lignes de champ dans l’espace permet la détection du point d’où il est émis. Il existe trois modèles de DVA: analogiques, numériques et analogiques+numériques.
 
Les DVA analogiques
Les DVA analogiques retranscrivent un signal via un haut-parleur, si bien que l’on entend un son discontinu, dont la fréquence augmente lorsqu’on approche du but. Ils ne donnent aucune indication de distance.
Suite au développement des DVA numériques, les DVA analogiques sont devenus obsolètes. En effet, les fabricants ont arrêté de les fabriquer, il y a plus de dix ans, et la maintenance ne peut plus être assurée. Les problèmes viennent essentiellement du décalage possible de la fréquence dû au vieillissement. En clair, on risque d’avoir des difficultés à trouver la victime équipée d'un DVA analogique. Ceux-ci font partie du passé et les randonneurs ne devraient plus en être équipés.
 
Les DVA numériques
Les progrès technologiques de ces dernières années ont abouti à des appareils numériques plus simples à utiliser, disposant de fonctions évoluées. Dans un DVA numérique, le signal reçu est traité par un processeur, qui affiche sur un écran des indications de direction (flèches ou diodes, indication du nombre de victimes), ainsi que des indications chiffrées de progression (affichage de la distance à l’émetteur).
La largeur de bande de recherche des DVA numériques actuels peut atteindre 60 m. Ils sont dotés de trois antennes, qui permettent de détecter dans les trois dimensions. La plus grande (située dans la longueur du boitier), possède la plus longue portée de réception; elle sert également pour l’émission. La deuxième (dans la largeur du boitier), couplée à la première, permet au processeur de calculer et d’afficher la direction à suivre. La troisième antenne, la plus petite (dans l’épaisseur du boitier), permet
de positionner le récepteur à l’aplomb de l’émetteur. Les deux premières antennes sont actives pour les phases de recherche primaire et secondaire, tandis que la troisième sert lors de la recherche finale.
Les indications chiffrées facilitent la progression vers la victime. Plus on s’approche de l’émetteur, plus le chiffre indiqué diminue. Lorsqu’on est au-dessus de l’émetteur, l’indication donne la profondeur d’enfouissement.Lorsque l’appareil en mode réception perçoit plusieurs signaux, la fonction «multi-victimes» l’indique. Et lorsqu’un émetteur a été localisé, la fonction «marquage» permet de masquer ce signal et de basculer sur le suivant.
D’autres fonctions sont disponibles, comme l’autocontrôle au démarrage, le test de groupe, la recherche de déviation de fréquence, le passage automatique en émission, la fonction veille, le scannage, etc.
 
Les DVA analogiques+numériques
Certains DVA numériques, parmi les plus évolués, peuvent être également utilisés en mode analogique, ce qui permet d’affiner la recherche finale par l’émission d’un bip sonore, lorsqu’on se trouve près de l’émetteur.
 
La pelle et la sonde, compléments indispensables au DVA.
 

Autres équipements de sécurité
Un DVA numérique moderne associé à une sonde et une pelle, portés par chaque randonneur, reste l’équipement le plus efficace pour localiser des victimes d’avalanches et leur porter secours. Seuls les chiens sont plus performants, mais il leur faut souvent trop de temps pour se rendre sur place.
Partant du principe que le sac de tout randonneur responsable contient – été comme hiver – une trousse de premiers secours, une couverture de survie, un sifflet, une boussole, un altimètre, une cordelette et une sangle, nous n’en parlons pas dans cet article. Par ailleurs, voici encore trois dispositifs qui peuvent compléter les équipements de sécurité du randonneur hivernal.
 
Le système Recco
Il s’agit d’un réflecteur composé d’une puce, souvent déjà inséré dans les vêtements de montagne ou dans les chaussures. Il offre aux secouristes une possibilité de secours supplémentaire lorsque le groupe n’est pas capable d’assurer lui-même les recherches.
Le système Recco utilise une technologie radar sophistiquée, dont sont équipés les services de secours des stations de ski et les équipes de secours en montagne. Le détecteur peut s’utiliser à partir d’un hélicoptère, permettant ainsi une recherche rapide sur une grande superficie.
Meilleures marché que les DVA, les pastilles Recco ne sont que des réflecteurs et non pas des émetteurs. Elles ne peuvent donc pas se substituer à un DVA.
 
L’avalung
L’avalung est une sorte de tuba facilitant la respiration d’une personne ensevelie. Il est constitué d’un système de valves permettant de respirer de l’air frais pris dans le manteau neigeux ou dans le sac à dos. Selon certains tests, il permettrait de survivre pendant 30 à 45 minutes sous l’avalanche.
 
L’airbag
L’airbag est un dispositif de sécurité qui s’installe sur le sac à dos. Une cartouche d’air comprimé permet de le gonfler instantanément en tirant sur une poignée. Il assure alors une meilleure flottabilité dans l’avalanche, en maintenant le plus possible le randonneur à la surface. Ce système améliore les chances de ne pas être enseveli. Outre son coût élevé, son principal inconvénient est qu’il s’agit d’un système actif, qu’il faut donc avoir le réflexe de déclencher.
 
Éviter toute perturbation
Il est essentiel d’éloigner le DVA de toute influence électronique, magnétique ou métallique, due notamment à une radio, un téléphone portable, un lecteur MP3, un GPS, un mousqueton, un piolet ou même un trousseau de clés. La distance minimale requise est de 15 cm en mode émission et de 30 cm à 1,5 m en mode réception, selon les fabricants. Ni le téléphone portable, ni le trousseau de clés n’ont donc leur place dans une poche. Il faut les mettre dans le sac. Et il est de la plus grande importance que le chercheur ne garde pas son sac au dos avec sa pelle, sa gourde et son portable.
 

Source
Cet article est le fruit de nombreuses journées de formation données par François Viret, guide de haute montagne (http://francois.guide.free.fr) et par les moniteurs du ski-club de St-Cergues (Haute-Savoie), ainsi que d’une recherche bibliographique qui n’a pas la prétention d’être exhaustive et dont voici quelques liens:
www.montagnes-magazine.com/securite-avalanche-type-dva
www.expemag.com/arva/comparatif-arva.html
www.anena.org/5947-performance-des-dva.htm
http://cafdepau.ffcam.fr/test-comparatif-DVA-2015.html
www.skipass.com/news/25049-arva-compatibilite-numerique-analo.html
www.skitour.fr/forum/read_232900.html