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16 octobre 2022 | Sécurité Environnement 05/2022 | Sécurité

Le monde n’est pas prêt pour la prochaine super-éruption volcanique

Georges Pop

Des chercheurs britanniques estiment qu’au cours du siècle prochain, la probabilité d’assister à l’éruption d’un supervolcan est bien plus probable que celle de subir un impact d’astéroïde ou de comète. Or, si l’humanité se prépare à prévenir tout danger venu de l’espace, celui issu des entrailles de la Terre est presque totalement ignoré.

Dans un article publié cet été dans la revue Nature, Michael Cassidy, volcanologue aux universités d’Oxford et de Birmingham, et la chercheuse Lara Mani, du Centre pour l’étude des risques globaux (Centre for the Study of Existential Risk – CSER) de l’Université de Cambridge, estiment qu’au cours du siècle prochain, l’éruption d’un supervolcan est des centaines de fois plus probable que l’impact d’un astéroïde ou celui d’une comète. Or, si l’humanité se prépare à prévenir tout danger venu de l’espace, celui issu des entrailles de la Terre est complètement négligé.

Peu d’intérêt scientifique pour les supervolcans

Les deux scientifiques constatent que, chaque année, des centaines de millions de dollars sont dépensés pour traquer les astéroïdes géocroiseurs afin de prévenir un impact cataclysmique. En revanche, les gouvernements et le monde scientifique ne s’intéressent que peu à la prochaine et peut-être imminente superéruption, suffisante pour provoquer des dommages considérables à l’échelle d’un continent, pouvant même avoir des effets cataclysmiques pour le climat et la vie sur Terre. « Il faut impérativement que cela change », soulignent-ils.

« Les volcans sont peut-être moins exotiques que les boules de feu venues de l’espace, mais c’est une raison de plus pour les respecter. Contrairement aux astéroïdes, les volcans sont bien présents, sur Terre. Ils sont dispersés sur toute la surface de la planète, le plus souvent au milieu de paysages pittoresques qui démentent leur potentiel destructeur », constatent les deux chercheurs qui ajoutent : « Certes, l’humanité a été le témoin de nombreuses éruptions dévastatrices, mais ce ne sont que de pâles copies par rapport à celles dont sont capables les supervolcans ».

Les volcanologues ont développé une échelle internationale logarithmique appelée « VEI » (volcanic explositvity index) pour mesurer l’intensité d’une éruption. Cette échelle va de 0 à 8. Comme elle est logarithmique, une éruption de type 2 est 10 fois plus puissante que celle de type 1. Dans la même logique, une éruption de type 3 est 100 fois plus forte qu’une éruption de type 1. On parle de « super-éruption » lorsqu’un événement volcanique atteint la magnitude 8, la note la plus élevée sur l’indice VEI.

L’éruption du Tambora en Indonésie

L’éruption la plus récente de magnitude 7 s’est produite en 1815 au Tambora, en Indonésie, provoquant la mort de quelque 100 000 personnes. Les cendres et la fumée crachées par le volcan ont fait baisser la température de la planète d’environ 1 °C en moyenne, ce qui a suffi pour entraver les récoltes, provoquer des famines, des épidémies, ainsi que des tensions sociales. « Depuis 1815, la surveillance des volcans s’est améliorée, tout comme notre capacité à mobiliser les secours en cas de catastrophe, mais très insuffisamment pour affronter les risques auxquels nous sommes confrontés », estiment les deux chercheurs, qui évoquent notamment l’augmentation de la population mondiale, ainsi que les grandes concentrations urbaines.

Le danger que représentent les supervolcans est bien réel. Une étude réalisée en 2021 par des chercheurs de plusieurs universités européennes, dont celle de Berne, a montré, grâce à l’examen de carottes de glace polaire, que les intervalles entre les super-éruptions cataclysmiques sont des centaines, voire des milliers d’années plus courts qu’on le supposait jusqu’alors. Un supervolcan peut entrer en éruption tous les 15 000 ans environ. La dernière ayant vraisemblablement eu lieu il y a 22 000 ans, Michael Cassidy et Lara Mani estiment qu’il y a une « chance » sur six qu’une éruption volcanique de grande ampleur intervienne au cours des cent prochaines années.

Une anticipation difficile

Dans leurs conclusions, les scientifiques britanniques constatent que l’histoire de nombreux volcans est encore peu connue, ce qui ne permet pas d’anticiper les éruptions futures, afin de rassembler des ressources là où les risques sont les plus élevés. « Nous avons besoin de davantage de données issues des carottes de glace polaire, mais aussi des échantillons des sols marins et lacustres, en particulier dans les régions à haut risque qui sont pauvres en données. C’est le cas de l’Asie du Sud- Est, par exemple. Les archives historiques et géologiques doivent aussi être mieux exploitées » soulignent-ils, appelant de leurs voeux une mobilisation scientifique interdisciplinaire à l’échelle de la planète. Selon eux, une meilleure surveillance internationale des volcans devient urgente, que ce soit par le recours à des instruments terrestres ou par une observation aérienne et satellitaire plus méthodique et beaucoup mieux coordonnée. En outre l’éducation des populations potentiellement menacées est actuellement très insuffisante. Les gouvernements doivent impérativement les préparer à une possible catastrophe, établir des plans d’évacuation, bâtir des abris et des hôpitaux capables de recevoir un grand nombre de sinistrés et de blessés.

À propos des supervolcans

Il n’existe pas de définition des supervolcans qui fasse l’unanimité parmi les scientifiques. Selon l’Institut d’études géologiques des États-Unis (USGS), un supervolcan est un complexe volcanique ayant connu une éruption de magnitude 8, menaçant d’extinction des espèces entières et pouvant provoquant des changements climatiques à l’échelle de la planète. Pour se situer sur l’échelle VEI, l’éruption du mont Saint Helens en 1980 aux Etats-Unis fut de niveau 5 et celle du volcan de Santorin, que l’on soupçonne d’avoir partiellement anéanti la civilisation minoenne vers 1650 av. J.-C., fut sans doute de magnitude 7.

Les volcanologues estiment qu’il existe une vingtaine de volcans pouvant produire des éruptions de magnitude 7 ou 8. En voici une liste non exhaustive, par ordre alphabétique : Ambrym (Vanuatu) ; Crater Lake (États-Unis) ; El Tatio (Chili) ; Krakatoa (Indonésie) ; La Garita Caldera (États-Unis) ; Long Valley Caldera (États-Unis) ; Pinatubo (Philippines) ; Santa María (Guatemala) ; Santorin (Grèce) ; Tambora (Indonésie) ; Taupo (Nouvelle- Zélande) ; Toba (Indonésie) ; Vésuve et champs Phlégréens (Italie) ; Yellowstone (États-Unis).