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18 juin 2021 | Sécurité Environnement 03/2021 | Éditorial

Les méchants défauts du bitcoin et de ses homologues

Par Georges Pop

Ces dernières semaines, la polémique autour des vertus ou des qualités supposées des cryptomonnaies, à commencer par celles du bitcoin, a encore gagné en intensité. Après les avoir encensé, et y avoir investi une partie de la trésorerie de Tesla, le milliardaire Elon Musk a annoncé qu’il refusait désormais les paiements en bitcoins, pour ses voitures électriques, en raison de leur importante empreinte écologique. Les autorités chinoises ont, de leur côté, interdit à leurs institutions financières de proposer des services liés aux cryptomonnaies, qualifiées de « fausses monnaies ».

Il est de notoriété publique que le bitcoin, comme ses pairs, a de vilains défauts. Selon une étude du Cambridge Bitcoin Electricity Consumption Index (CBECI), la consommation d’électricité de la devise virtuelle a franchi, au début de cette année, le cap des 149 TWh (térawattheures), produits essentiellement par la combustion de matières fossiles, dans des centrales chinoises et mongoles. On ne peut que déplorer une telle consommation, supérieure à celle d’un pays comme la Suisse, à l’heure de la sobriété énergétique.

Deuxième défaut majeur : les cryptomonnaies, bitcoins en tête, encouragent la cybercriminalité, ainsi que les transactions illicites, notamment le blanchiment d’argent. La société américaine Chainanalysis, spécialisée dans la gestion des cryptomonnaies, estime à plus de 5 milliards de dollars la valeur des cryptoactifs frauduleux, engrangés en 2020. La somme des rançons, versées en bitcoins aux programmateurs de logiciels malveillants, qui prennent en otage des données personnelles, est, quant à elle, estimée à plusieurs centaines de millions de dollars

Enfin, les cryptomonnaies subissent régulièrement des variations pour le moins brutales de leur cours. Au mois du mois de mai, le régulateur américain des marchés, la SEC (U.S. Securities and Exchange Commission) a encore appelé les investisseurs à admettre que le bitcoin est un investissement « très spéculatif ». Elle leur demande de « définir le niveau de risque qu’ils sont prêts à accepter », avant de se lancer dans le marché des cryptomonnaies.

En dépit de leurs faiblesses, préjudiciables à l’environnement et profitables aux manipulations illicites, il n’est plus guère envisageable d’arrêter, ou même de ralentir, la marche des cryptomonnaies, à commencer par celle du bitcoin. Outre les petits spéculateur, de grands investisseurs institutionnels, des banques respectables, ainsi que des fonds bien établis, ont pris le train de la monnaie cryptographique. Il s’est même trouvé un établissement suisse pour offrir, au moyen de spots publicitaires, ses services en bitcoins à tout un chacun.

Tôt ou tard, les gouvernements et les institutions financières mondiales vont devoir, bon gré mal gré, s’intéresser au secteur des cryptomonnaies, afin de tenter de les domestiquer pour les rendre moins incompatibles aux contraintes environnementales et sécuritaires, ainsi qu’aux règles financières. La Chine, qui n’a pas innocemment interdit le bitcoin, ainsi que l’Inde, ont d’ores et déjà annoncé la création prochaine d’une cryptodevise nationale. Il est probable que d’autres Etats suivront

 Mais il est douteux que ce type de mesures unilatérales suffise, à lui seul, à assagir l’envolée libertaire et chaotique du bitcoin et de ses congénères.