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13 octobre 2016 | Sécurité Environnement 03/2016 | Environnement

Les ressources d’énergie: un enjeu stratégique pour les entreprises

Anne-Christine Chappot*

En Suisse, un tiers de la consommation d’énergie est à attribuer au secteur de l’industrie et des services. Les entreprises actives dans ces domaines jouent donc un rôle décisif lorsqu’il s’agit de savoir si la Suisse atteindra ou non les objectifs visés pour la réduction de la consommation d’énergie et des émissions de CO2. Ce constat devrait conduire à des changements radicaux dans l’économie de notre pays.
Atteindre les objectifs visés concernant la réduction de la consommation d’énergie et des émissions de CO2ne sera possible que si le thème de l’énergie est placé au niveau de la prise de décision stratégique au sein des entreprises. Cela suppose que l’on prenne en compte ces aspects, tant dans la pratique que dans le processus décisionnel de l’entreprise. Cela exige que les décideurs aient une vision globale.

À l’heure actuelle, on constate que de telles considérations sont loin d’être une généralité, même si le nombre de ceux qui passent à l’acte - et se préparent ainsi à faire face aux évolutions - augmente.
 
Revoir notre notre perception de l’énergie
Pour qu’une réflexion puisse véritablement advenir, notre perception de l’énergie – quelle qu’elle soit – doit être entièrement revue. La difficulté de ce processus réside dans la nature même de l’énergie: elle est invisible, inodore et on la mesure dans des unités parfois difficilement compréhensibles, car elles ne font pas partie de notre quotidien. À cela s’ajoute le fait que nous sommes habitués à presser sur un bouton pour allumer la lumière ou mettre en marche la machine à laver ! Notre modèle de pensée n’intègre pas l’idée que l’énergie pourrait un jour être moins abondante, plus chère ou même que sa disponibilité pourrait devenir incertaine.
Par ailleurs, il ne faut pas sous-estimer le fait que les besoins de la société et ceux des entreprises sont parfois diamétralement opposés. La société compte sur une utilisation rationnelle des ressources pour qu’elles restent disponibles à long terme, tandis que les entreprises sont orientées vers la croissance et le profit, donc à court terme. Pour une entreprise, le premier pas vers l’efficacité énergétique doit donc passer par le constat qu’une utilisation efficace de l’énergie constitue une plus-value.
Concrètement, le travail de l’entreprise consiste, en premier lieu, à identifier les opportunités et les risques liés à l’énergie dans le cadre de ses activités. Cette analyse prospective exige l’élaboration de scénarios de développement et repose sur quelques-uns des thèmes centraux relatifs à l’énergie, un domaine en plein développement.
 
Le prix de l’énergie
Le premier de ces thèmes porte sur le prix de l’énergie. À long terme, celui-ci suit une tendance à la hausse, tout comme les prix de production et de distribution. Et, bien que personne ne puisse prévoir où il se situera dans deux, cinq ou même dix ans, cette tendance conduira naturellement à des coûts plus élevés de l’électricité, de la production de chaleur et du transport des marchandises et des personnes, ainsi qu’à une hausse des coûts de l’approvisionnement en matières premières, des livraisons et des prestations de tiers.
 
La sécurité de l’approvisionnement
La sécurité de l’approvisionnement est un autre thème important, car la Suisse dépend fortement d’autres pays et, plus particulièrement, de régions économiquement et géopolitiquement instables. Il ne s’agit pas d’une menace qui pourrait se concrétiser dans un avenir lointain; les événements graves qui se sont produits au cours des deux dernières décennies nous permettent de le constater. Et même si les experts ne s’accordent pas sur la durée de la disponibilité des sources d’énergie fossiles, le fait est que les réserves diminuent et atteindront un niveau critique au cours de ce siècle.
L’Agence internationale de l’énergie (AIE) a confirmé que le pic pétrolier avait été atteint en 2006 et que la production pétrolière ne pourra plus être augmentée. La situation peut encore rester stable durant quelques décennies, mais parallèlement, la demande mondiale ne cesse de croître. Ainsi, si l’énergie revêt une grande importance pour la marche des affaires, il s’agit de se demander maintenant si des problèmes d’approvisionnement sont susceptibles d’apparaître. Et cela d’autant plus que, dans notre monde globalisé, les chaînes de valeur s’étendent de plus en plus à travers les continents et la qualité comme la quantité des réseaux d’approvisionnement est très inégale dans les différentes régions du globe.
 
Des obligations légales et des mesures incitatives
À cela viennent s’ajouter des obligations légales plus sévères et des mesures incitatives, comme la taxe sur le CO2, qui a presque doublé entre 2013 et 2014.
Les économies d’énergie peuvent donc être doublement profitables grâce à des coûts moindres à l’achat et à la taxe qui sera remboursée aux «bons élèves». Selon le secteur d’activité, des restrictions légales adoptées récemment ou programmées dans un avenir proche requièrent des changements dans la conception des biens ayant une incidence sur la consommation d’énergie (les appareils électriques, les machines et les véhicules, par exemple).
 
Les attentes du marché
Naturellement, les attentes du marché doivent aussi être prises en considération dans cette réflexion. S’agit-il, par exemple, d’un marché sensible aux arguments écologiques ou pourrait-il le devenir ? Est-il possible de se profiler grâce à des atouts dans ce domaine, comme c’est souvent le cas pour les activités commerciales de détail («Business to Consumer») ou les marchés publics ? Où se situe l’entreprise par rapport à l’état de la technique et où en est la concurrence ?
Cet environnement, avec lequel une entreprise interagit constamment, doit être mis en relation avec ses propres besoins en énergie pour les années à venir. Des besoins qui résultent de la stratégie d’entreprise. Le développement futur du chiffre d’affaires ou de la production, les procédures internes et l’infrastructure ont un impact plus ou moins marqué sur la consommation d’énergie et les coûts qui y sont liés, ainsi que sur la capacité de l’entreprise à garantir la sécurité de l’approvisionnement tout au long de la chaîne de création de valeur.
 
Et si l’on ne fait rien ?
Il s’agit dans tous les cas de se poser une autre question fondamentale: même s’il est vrai que le développement à venir dans le domaine de l’énergie est très incertain et que des investissements importants aboutissant à des améliorations peuvent être source de nouveau risques financiers ou opérationnels – à quel danger s’expose-t-on en ne faisant rien et en se limitant à une attente passive ?
Une fois l’environnement et ses effets sur l’entreprise évalués, il s’agit dans un second temps de dresser la liste des postes pertinents en termes d’énergie sur le plan des processus internes: de la production et la transformation d’énergie (chauffage au gaz, réseaux d’air comprimé, transformateurs électriques, p. ex.), à l’utilisation finale; pour le chauffage des locaux ou des processus industriels, le refroidissement, le fonctionnement des machines et des installations techniques du bâtiment, les postes de travail équipés de matériel informatique, les véhicules…
Pour obtenir un effet maximum, l’ensemble de ces postes doit être considéré selon divers points de vue. Tout d’abord, bien sûr, selon leur consommation directe d’énergie, ainsi que leur part dans la consommation d’énergie globale. Ensuite, selon leur coût (l’électricité coûte encore davantage que les sources d’énergie fossiles), selon leur efficacité énergétique et selon le potentiel d’amélioration existant, ainsi que les avantages qui en découlent, comme un gain de flexibilité ou de productivité ou encore un gain en termes d’image, par exemple. Ce travail systématique au sein de l’entreprise permet d’obtenir une vue d’ensemble des mesures prioritaires et de se concentrer sur l’essentiel afin d’obtenir un effet maximum.
Des méthodes plus ou moins standardisées peuvent être utilisées dans le cadre de cette démarche. Les réponses obtenues et les résultats de cette évaluation externe et interne varient cependant fortement d’une branche à l’autre et même d’une entreprise à l’autre au sein d’une même branche.
 
 
Les mesures d’amélioration
Arrive alors le moment où l’on doit déterminer et sélectionner les mesures d’amélioration, tant du point de vue de la préservation des ressources, que de celui de l’entreprise. À cet égard, il est judicieux de ne pas se concentrer uniquement sur les aspects techniques, mais de prendre en considération les nombreuses possibilités qui peuvent se cacher derrière des questions d’ordre plutôt organisationnel, en adoptant une approche plus ouverte. Par exemple, l’ajustement des heures d’ouverture, des méthodes et des processus de travail ou encore des changements au niveau des comportements. Dans ce dernier cas en particulier, l’expérience montre que des actions de sensibilisation bien conçues et menées sur le long terme ont conduit à des économies de l’ordre de 10 à 15 %, parfois même davantage.
Mais attention: même si la motivation est grande, les efforts se relâchent lorsqu’il est question de retour sur investissement ou de rentabilité. Il est peu probable d’obtenir une progression significative pour la plupart des démarches d’amélioration dans le domaine de l’énergie; du moins tant que son prix ne subit pas de forte augmentation.
Sommes-nous prêts à accorder un statut particulier à ce type de démarche et à appliquer des critères de rentabilité dont l’horizon temporel est plus lointain que celui d’autres projets ? C’est précisément sur ce point que des entreprises particulièrement engagées peuvent se différencier.
Il ne faut pas non plus minimiser l’effet que cette réflexion et les idées qui en découlent peut avoir, même si ce n’est pas celui que l’on s’était fixé au départ. Souvent, ces idées sont source d’innovation et de motivation au sein de l’entreprise.
 
Formation et conseil pour un développement durable
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  • Cours Green IT: réduire la consommation d’énergie des TIC (www.sanu.ch/16SMIV)
  • Offre en ligne: Monitoring de la législation suisse sur la protection de l’environnement, la santé et a sécurité au travail – lexoline (www.sanu.ch/lexonline)
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Tél.: 032 322 14 33
www.sanu.ch


*  Ingénieur chimiste HES, propriétaire d’Axe 3 et partenaire de sanu future learning sa dans le domaine stratégie & management (achappot@axe3.ch)