Les risques liés au réchauffement climatique
Henri Klunge. Ingénieur en chimie HES. Fondateur d’Alcane Conseils
Dans un rapport publié au mois de septembre, l’Organisation météorologique mondiale (OMM) constate que les concentrations de gaz à effet de serre continuent d’augmenter, pour atteindre des pics sans précédents. Selon cette institution spécialisée des Nations Unies, faute de mesures urgentes, les effets physiques et socio-économiques du changement climatique seront de plus en plus dévastateurs.
Intitulé United in Science, le dernier rapport de l’Organisation météorologique mondiale (OMM), publié au mois de septembre dernier, montre que les concentrations de gaz à effet de serre continuent d’augmenter pour atteindre des niveaux sans précédents. Malgré la baisse temporaire constatée pendant le confinement, les émissions issues des combustibles fossiles dépassent désormais les taux antérieurs à la pandémie. Selon les climatologues du monde entier, dont les travaux ont été passés au crible par l’OMM, il faudrait consentir à une réduction des émissions de gaz à effet de serre sept fois plus forte qu’actuellement, d’ici à 2030, afin de respecter l’Accord de Paris, qui limite le réchauffement de la planète à 1,5 °C au-dessus des températures préindustrielles.
Des années de plus en plus chaudes
Les sept dernières années ont été les plus chaudes jamais enregistrées. Selon les données les plus récentes, la température moyenne mondiale, entre 2018 et 2022, devrait dépasser de 1,17 °C celle de la période préindustrielle. Environ 90 % de la chaleur accumulée dans le système terrestre est stockée dans l’océan. La probabilité que la température mondiale moyenne annuelle près de la surface des océans dépasse temporairement de 1,5 °C celle de la période préindustrielle, pendant au moins l’une des cinq prochaines années, est de 48 % et elle augmente avec le temps, souligne l’OMM.
Le rapport constate que les taux atmosphériques de dioxyde de carbone (CO2), de méthane (CH4) et d’oxyde nitreux (N2O) continuent d’augmenter. La réduction temporaire des émissions de CO2 pendant la pandémie, en 2020, n’a eu que peu d’impact sur l’augmentation des concentrations atmosphériques, le CO2 restant dans l’atmosphère après son absorption partielle par l’océan et la biosphère. Les données enregistrées, par exemple, par les observatoires du Mauna Loa (Hawaii–États-Unis) et du cap Grim (Tasmanie–Australie), indiquent que les taux de CO2 ont continué d’augmenter en 2021, ainsi qu’en 2022. En mai 2022, la concentration de CO2 a atteint 420,99 ppm (partie par million) au Mauna Loa, contre 419,13 ppm en 2021, et 413,37 ppm au cap Grim, contre 411,25 ppm en mai 2021.
Les seuils critiques pour le climat
Selon l’OMM, la circulation méridienne océanique dans l’Atlantique est un facteur important de la répartition de la chaleur, du sel et de l’eau dans le système climatique, à l’échelle tant régionale que mondiale. Or, des recherches récentes montrent qu’en raison du réchauffement, cette circulation est aujourd’hui la plus faible du dernier millénaire. En outre, la fonte des calottes glaciaires du Groenland et de l’Antarctique va entraîner une élévation considérable du niveau de la mer. Ces phénomènes conjugués suggèrent que nous sommes proches des seuils critiques au-delà desquels le système climatique se réorganisera de manière soudaine et irréversible (points de bascule).
Le dessèchement de la forêt équatoriale amazonienne, les canicules et les sécheresses, qui ont une incidence sur le cycle mondial du carbone et perturbent les grands systèmes météorologiques tels que les moussons, pourraient avoir de lourdes conséquences sur le plan local, mais aussi des répercussions mondiales, par effet domino. Certaines populations ne pourraient plus travailler en plein air sans assistance technique, estiment les climatologues.
Les risques pour les habitants des villes
Les villes, qui abritent 55 % de la population mondiale (4,2 milliards de personnes), sont responsables de près de 70 % des émissions de gaz à effet de serre d’origine humaine. Elles sont aussi extrêmement vulnérables aux effets du changement climatique, étant exposées aux risques que représentent, notamment, la multiplication des fortes précipitations, l’accélération de l’élévation du niveau de la mer, les grandes inondations côtières à répétition, ainsi les canicules. À l’échelle mondiale, d’ici aux années 2050, plus de 1,6 milliard de personnes vivant dans plus de 970 villes seront régulièrement exposées à des températures moyennes trimestrielles d’au moins 35 °C.
Les catastrophes météorologiques, climatiques et hydrologiques ont augmenté d’un facteur cinq au cours des 50 dernières années, causant des dommages estimés à quelque 202 millions de dollars par jour. À mesure que s’affinent les techniques de détermination des facteurs déclenchants, les scientifiques font apparaître plus clairement le lien entre le changement climatique d’origine anthropique et les phénomènes extrêmes observés, tels que les vagues de chaleur, les fortes précipitations et les cyclones tropicaux. Ces phénomènes météorologiques extrêmes ont des incidences socio-économiques durables, surtout au sein des communautés les plus vulnérables, qui sont aussi les moins bien équipées pour réagir, se rétablir et s’adapter.
Un réseau mondial de systèmes d’alerte
Les systèmes d’alerte sont des mesures d’adaptation efficaces, dans la mesure où ils sauvent des vies, réduisent les pertes et les dommages, avec un bon rapport coût-efficacité. Cependant, plus de la moitié des pays du monde ne disposent pas de systèmes d’alerte précoce multi-dangers (MHEWS). La couverture est particulièrement faible en Afrique, dans les pays les plus pauvres, ainsi que dans les petits États insulaires les moins nantis. L’une des grandes priorités, à l’échelle planétaire, est de faire en sorte que, d’ici à cinq ans, tous les habitants de la planète soient protégés par ce type de système. La réalisation de cet objectif nécessitera une solidarité et une collaboration internationale.
Selon le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, « Le rapport de l’OMM montre que le changement climatique est en passe de gagner une grande portée destructrice. Pourtant, alors même que les symptômes s’aggravent rapidement, nous nous enfonçons chaque année un peu plus dans notre addiction aux combustibles fossiles. Inondations, sécheresses, canicules, tempêtes violentes, feux de forêt, la situation va de mal en pis et les sombres records se succèdent à un rythme alarmant. Les canicules en Europe, les inondations au Pakistan, les sécheresses en Chine, dans la Corne de l’Afrique ou aux États-Unis, révèlent que ces catastrophes n’ont rien de naturel. Aujourd’hui, plus que jamais, il est temps d’agir ».
À propos de l'OMM
L’Organisation météorologique mondiale (OMM) est une institution spécialisée des Nations Unies basée à Genève. Avec ses 193 États et territoires membres, elle fait autorité pour tout ce qui concerne l’état et l’évolution de l’atmosphère terrestre, son interaction avec les terres et les océans, le temps et le climat, ainsi que la répartition des ressources en eau.
L’OMM facilite l’échange de données, d’informations, de produits et de services propres à renforcer la sécurité des populations, le bienêtre économique et la protection de l’environnement. Elle contribue à la formulation, à l’échelle nationale et internationale, de politiques adaptées dans ce domaine. Grâce à ses programmes, l’OMM joue un rôle de premier plan dans les actions internationales visant à assurer la surveillance et la protection de l’environnement. En collaboration avec d’autres organismes des Nations Unies et les services météorologiques et hydrologiques nationaux, elle appuie la mise en oeuvre d’un certain nombre de conventions sur l’environnement et contribue activement à fournir conseils et évaluations aux gouvernements sur les questions qui s’y rapportent. Ces activités concourent au développement durable, ainsi qu’à la prospérité des nations.