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15 octobre 2021 | Sécurité Environnement 05/2021 | Éditorial

Pour un peu d’obscurité

Par Georges Pop

Deux études britanniques publiées ces dernières semaines, viennent jeter une lumière crue sur la pollution lumineuse nocturne, dont on mesure mieux encore l’accroissement, ainsi que ses conséquences sur la faune, la flore et les écosystèmes.

La première, dirigée par l’Université d’Exeter, dont les résultats ont été publiés dans la revue Remote Sensing, nous apprend que la pollution lumineuse nocturne a augmenté d’au moins 49 %, à l’échelle de la planète, entre 1992 et 2017. Se basant sur les observations d’un réseau de satellites, les chercheurs ont constaté que les sources de lumière ont fait un bond quantitatif en Asie, en Amérique du Sud, en Afrique ainsi qu’en Océanie. En Europe et en Amérique du Nord, en revanche, la situation se serait stabilisée au début des années 2010. Ces conclusions sont toutefois imparfaites, car elles ne tiennent pas compte de l’éclairage urbain produit par le recours à des technologies LED à semi-conducteurs, dont le rayonnement est peu ou pas détecté par les satellites. Or, les pays développés utilisent de plus en plus souvent ce type d’éclairage.

Réalisée par le Centre britannique d’écologie et d’hydrologie (UKCEH) à Wallingford, la seconde étude, dont les conclusions ont été publiées dans Science Advances, apporte une nouvelle preuve irréfutable que la pollution lumineuse contribue au déclin massif des populations d’insectes. Elle montre que, la nuit, les zones éclairées comptent moitié moins de lépidoptères que celles qui sont épargnées par la lumière. L’intérêt de cette étude réside dans le fait qu’elle n’a pas été réalisée en laboratoire, comme les précédentes, mais sur le terrain, en parcourant les rives de la Tamise.

Selon l’Académie suisse des sciences naturelles (SCNAT), la biomasse des insectes volants aurait baissé, en Suisse, de quelque 75 % au cours des dernières décennies, tout comme en Allemagne. Les pesticides sont au premier rang des accusés de cette extinction massive, mais la pollution lumineuse est aussi largement en cause. Or, le rôle des insectes dans la chaîne alimentaire, la pollinisation, la dissémination des graines ou l’entretien des sols n’est plus à démontrer.

Il y a quelques semaines, le Conseil municipal de Meyrin, dans le canton de Genève, a adopté une résolution demandant de limiter la pollution lumineuse sur son territoire, à titre expérimental, en attendant une décision définitive. Sur certains axes, où le risque de nuire à la sécurité des piétons ou des automobilistes est jugé négligeable, les lumières seront éteintes de minuit à 6 h 00. Les propriétaires et les patrons d’entreprises seront invités, eux aussi, à couper leur éclairage extérieur ou leurs enseignes.

Cette initiative, si elle aboutit, pourrait constituer un exemple à suivre pour d’autres communes.