Des abonnements
pour l'enrichissement
09 février 2023 | Sécurité Environnement 06/2022 | Éditorial

Quel avenir pour nos ressources alimentaires ?

Georges Pop

Il est désormais admis que le réchauffement climatique menace notre sécurité alimentaire, en raison des sécheresses à répétition, de l’appauvrissement des sols, de l’urbanisation qui empiète sur les campagnes, ainsi que de la submersion prévisible de nombreuses terres arables proches des littoraux. Selon une récente étude publiée par des chercheurs de l’Institut des Sciences des Plantes de Montpellier (IPSiM), cependant, à cette menace résultant essentiellement de l’accroissement du CO2 dans l’atmosphère, s’ajoute le risque d’un altération des valeurs nutritives des produits issus de l’agriculture.

Le constat peut sembler paradoxal, le dioxyde de carbone étant indispensable aux plantes dans le processus de photosynthèse qui permet leur croissance, ainsi que la production des sucres dont elles tirent leur énergie. Toutefois, la photosynthèse ne procure pas aux végétaux les minéraux essentiels à leur développement, comme l’azote, le phosphore ou le fer. Les plantes doivent les puiser dans le sol. Or, les scientifiques français ont montré que la hausse des températures diminuait très sensiblement la capacité de certaines d’entre-elles à se fournir en minéraux. Ce phénomène touche, par exemple, le riz et le blé, les deux « poids lourds » de l’alimentation mondiale.

Ces conclusions sont alarmantes, car le déficit en minéraux contrarie la croissance des végétaux et réduit notablement leur capacité à produire des protéines et des nutriments. Les chercheurs de l’IPSiM estiment que, d’ici la fin du siècle, les plantes de consommation courante auront perdu 20 à 30 % de leurs protéines et une part tout aussi importante de leur nutriments et oligoéléments. Cela pourrait conduire à des carences alimentaires chez des dizaines de millions de personnes. De plus, ces végétaux déficients en minéraux auront une capacité moindre à capter le CO2 , ce qui conduira à une accélération en boucle du réchauffement.

Selon une étude du journal en ligne Nature Food, parue l’année dernière, la production de notre nourriture génère actuellement 37 % des émissions totales de gaz à effet de serre, soit 17,3 Gt (109 t) d’équivalent CO2. Celle d’origine animale (viande, poisson, produits laitiers, etc.) représente 57 % de cette part, contre 29 % pour les aliments d’origine végétale, les 14 % restant étant dédiés aux productions agricoles non alimentaires. C’est dire si nos habitudes d’alimentation ont un impact énorme sur la Terre.

Afin de préserver la planète et garantir nos ressources alimentaires, loin des sermons idéologiques, l’ONU, dans ses pages « Action climat », suggère à chacun, non pas de renoncer, mais de réduire raisonnablement sa part de produits alimentaires d’origine animale. Elle invite les éleveurs à réduire la taille de leurs troupeaux, avec des animaux moins nombreux mais plus productifs. Enfin, elle plaide pour de meilleures pratiques agricoles : une gestion rationnelle du fumier et des engrais, la mise en rotation des pâturages pour maintenir un sol sain, apte au stockage du carbone, ainsi que la restauration des terres dégradées. À ces conditions, il sera possible de réduire les émissions de gaz à effet de serre.