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16 janvier 2021 | Sécurité Environnement 03/2020 | Environnement

Le raz de marée des déchets plastiques est évitable, mais …

Georges Pop

Actuellement, 11 millions de tonnes de déchets plastiques supplémentaires polluent chaque année les seuls mers et océans, sans même parler des sols. Un article publié, cet été, par la revue de référence Science adresse un avertissement : faute de mesures globales urgentes, à l’échelle de la planète, pour inverser la tendance, cette quantité pourrait tripler dans les vingt prochaines années et atteindre 29 millions de tonnes par année en 2040, l’équivalent de 50 kg de plastique par mètre de côte. Cette étude prospective propose diverses solutions, afin de réduire de 80 % cette pollution, par rapport aux prévisions les plus pessimistes.

Le raz de marée des déchets plastiques est évitable, mais …

Actuellement, 11 millions de tonnes de déchets plastiques supplémentaires polluent chaque année les mers et les océans. (© UN)

L’étude, publiée le 23 juillet dernier dans Science, a été réalisée par dix-sept experts internationaux, au nombre desquels figure le Suisse Julien Boucher, chercheur à la HEIG-VD et fondateur du Pôle éco-conception suisse. Elle modélise la progression de la pollution plastique et offre un certain nombre de solutions censées la réduire, au maximum de 80 %. Cependant, même dans cette hypothèse « optimiste », la quantité de plastique rejetée dans l’environnement – terrestre et océanique confondus – devrait atteindre 710 millions de tonnes, au cours des vingt prochaines années, soit un quart de plus qu’aujourd’hui. Au rythme actuel, sans changement de comportement, scénario baptisé « business as usual » (les affaires comme d’habitude), les chercheurs estiment que 1,3 milliard de tonnes auront ainsi été déversés sur les sols et dans l’environnement maritime en 2040.

 

« Une quantité impossible à imaginer »

Pour obtenir ces chiffres, les chercheurs disent avoir tenu compte de l’ensemble les données disponibles sur l’utilisation et l’élimination du plastique, à l’échelle de la planète. Ils ont ensuite créé un modèle informatique afin d’évaluer l’évolution du phénomène. Costas Velis, expert en ingénierie de l’environnement de l’Université de Leeds, au Royaume-Uni, relève : «Il est impossible d’imaginer une telle quantité de plastique. Mais si nous pouvions placer tout ce plastique sur une surface plane, cela couvrirait une fois et demie la superficie du Royaume-Uni. Les calculs précis restent cependant difficiles à réaliser, dans la mesure où le plastique, sous ses diverses formes, est omniprésent, partout dans le monde ».

La recherche des dix-sept scientifiques a été financée par l’organisation non gouvernementale américaine (ONG) Pew Charitable Trusts (PEW), basée à Philadelphie, aux États-Unis. Fondée en 1948, cette ONG s’est donné pour but de « servir le public », dans divers domaines, notamment celui l’environnement. Membre dirigeante de l’ONG américaine, la biologiste et océanographe Winnie Lau souligne que seules des solutions globales rapides sont susceptibles de réduire la pollution plastique au cours des vingt prochaines années, par rapport aux prévisions les plus alarmiste.

 

Un catalogue de mesures globales

Diplômée de l’Université de Californie à Berkeley et de celle de Washington, la chercheuse américaine est une spécialiste reconnue de l’environnement marin et des menaces qui pèsent sur lui. Forte des conclusions de l’étude publiée par Science, elle a présenté, au nom des scientifiques du groupe, un catalogue de mesures indispensables pour contenir la progression de la pollution par les déchets plastiques : réduire la production et la consommation mondiales de plastique ; remplacer les emballages en plastique par du papier et d’autres matériaux compostables ; concevoir et utiliser des plastiques recyclables ; développer la collecte des déchets dans les pays à faible revenus ; bâtir de nouvelles installations de recyclage, puis réduire les exportations de déchets des pays industrialisés vers les pays en voie de développement où il sont souvent brûlés ou enterrés.

 

 

Le raz de marée des déchets plastiques est évitable, mais …

Les auteurs de l’étude, publiée dans Science, réclament un bannissement sans délais des plastiques à usage unique, comme ces services jetables, par exemple.

Des mesures actuellement insuffisantes

Les auteurs de l’étude soulignent cependant, qu’élargir la collecte des plastiques à tous les ménages à l’échelle de la planète, essentiellement dans les pays à bas ou moyens revenus, représente un immense défi. Cela exigerait, chaque semaine, la connexion d’un million de ménages supplémentaires aux services de collecte, pendant les vingt prochaines années. Lors d’un entretien accordé à la Radio Télévision Suisse, le Suisse Julien Boucher, co-auteur de l’étude, a, par ailleurs, relevé que la production de déchets plastique augmentait actuellement plus vite que la capacité à les traiter. Selon lui, les actions actuelles sont tout à fait insuffisantes.

Il s’est cependant montré prudemment optimiste en déclarant : « Ce problème a été créé à l’échelle d’une seule génération et il est possible de le résoudre en l’espace d’une seule génération également. Cependant, cela exige un changement systémique, qui n’implique pas seulement les gouvernements mais aussi tous les autres acteurs responsables du problème, notamment les entreprises et les consommateurs ».