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23 février 2021 | Sécurité Environnement 04/2020 | Environnement

Des sangliers radioactifs dans les Grisons

Georges Pop

La moitié des sangliers abattus lors de la saison de la chasse, dans le canton des Grisons, ont été jugés impropres à la consommation, en raison d’un taux élevé de radioactivité. Trente-quatre ans après la catastrophe de Tchernobyl, des traces de césium 137 (¹³⁷Cs), sont toujours présentes dans le sol de plusieurs régions suisses, notamment en Engadine et au Tessin. Compte tenu de leurs habitudes alimentaires, les sangliers sont particulièrement exposés à une contamination par ce produit de la fission de l’uranium.

Des sangliers radioactifs dans les Grisons

La moitié des sangliers abattus lors de la saison de chasse dans le canton des Grisons présentent un taux élevé de radioactivité. © jagdschweitz.ch

L’affaire a été révélée en octobre dernier par le vétérinaire cantonal des Grisons : la viande d’un sanglier sur deux, tiré en période de chasse sur le territoire du canton, dépasse le taux de radioactivité de 600 Bq/kg (becquerels par kilo), toléré en Suisse et dans les pays de l’Union européenne. Dès lors, cette viande doit être détruite, car jugée impropre à la consommation. Le canton a d’ailleurs prévu un dédommagement pour les chasseurs concernés. Contrairement au canton du Tessin, qui examine systématiquement tous les sangliers abattus sur son territoire depuis 2013, le canton des Grisons n’a introduit des contrôles systématiques que depuis le début de cette année.

 

Des sangliers radioactifs dans les Grisons

L’explosion du réacteur No 4 de la centrale de Tchernobyl a répandu d’importantes quantité de césium 137 sur les sols européens. L’est et le sud de la Suisse ont été particulièrement touchés.

Les retombées durables de Tchernobyl

Le phénomène est à mettre sur le compte de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl, dont l’explosion, le 26 avril 1986, a libéré de très importantes quantités d’éléments radioactifs dans l’atmosphère. Les retombées de ces éléments ont provoqué une vaste contamination des sols en Europe. L’est et le sud de la Suisse ont été particulièrement touchés, notamment par les retombées de césium 137, dont un seul gramme présente une radioactivité de 3,204 TBq. Sa période radioactive, ou demi-vie, est de 30,17 ans. Selon les conclusions des études menées jusqu’ici, la radiotoxicité du césium 137 est principalement liée à une exposition interne, son rayonnement bêta s’exprimant à l’intérieur de l’organisme ou dans les cellules. Cette toxicité peut apparaître en cas d’inhalation ou d’ingestion de césium 137, par des aliments ou des boissons.

Au fil du temps, le césium 137 migre dans les profondeurs du sol, là où se trouve la truffe du cerf (Elaphomyces granulatus), une « fausse » truffe, dédaignée par la gastronomie, car peu goûteuse, mais dont certains animaux sauvages, les sangliers notamment, sont très friands. Surtout en hiver, à défaut de fruits, de baies ou de branches, les sangliers les déterrent pour les manger. « Ces champignons souterrains sont comme des éponges et absorbent tout, y compris les particules radioactives », explique Matthias Beckmann, chimiste cantonal des cantons des Grisons et de Glaris, interrogé par la télévision alémanique SRF. « Lorsqu’un sanglier présente un taux de césium 137 supérieur à 600 Bq/kg, il ne peut plus être mangé », précise le chimiste.

 

Des sangliers radioactifs dans les Grisons

Les truffes de cerfs dont les sangliers se nourrissent sont des « éponges » à particules radioactives, selon le chimiste cantonal des Grisons.

Une contamination continentale

Le cas des Grisons et celui du Tessin, qui connait une situation identique, ne sont pas isolés : en France, en Allemagne ou en République tchèque, la viande de sanglier est surveillée de très près. Selon le ministère fédéral allemand de l’Environnement, la contamination moyenne d’un sanglier tué dans les forêts de Bavière, à la frontière de la République tchèque, est de 7000 Bq/kg. L’Allemagne indemnise chaque année les chasseurs qui ne peuvent pas consommer leur gibier, à hauteur de 500 000 euros.

Il est intéressant de relever que si le taux de radioactivité toléré pour l’alimentation est de 600 Bq/kg en Suisse, ainsi que dans les pays de l’Union européenne, il est de 500 Bq/kg au Japon. Il était de 3700 Bq/kg en URSS, après l’accident de la centrale nucléaire de Tchernobyl. La Russie l’a récemment redescendu à 740  Bq/kg.