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15 avril 2022 | Sécurité Environnement 02/2022 | Éditorial

Sécurité énergétique : de l’eau dans le gaz

Par Georges Pop

Outre les nombreuses questions environnementales et sécuritaires qu’il soulève, le drame qui se joue en Ukraine va fatalement bousculer les projets de la Confédération en matière d’approvisionnement énergétique. Au mois de février dernier, quelques jours avant que n’éclate la guerre, la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga, cheffe du Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication (DETEC), avait présenté la stratégie du gouvernement pour prévenir une possible pénurie.

Ce plan se fondait sur trois grands axes : les économies d’énergie, l’accroissement des réserves dans le secteur hydraulique, ainsi que la mise en service de trois centrales à gaz, d’ici 2025, pour assurer les pics de consommation. Si les deux premières intentions restent valides, la dernière semble pour le moins compromise. Actuellement, le gaz représente quelque 15 % de la consommation d’énergie en Suisse, surtout pour le chauffage et la cuisine. Environ la moitié de cette quantité vient de Russie, non pas directement, mais via l’Allemagne et la France. Cette source peut se tarir très vite ! *

Certes, la Suisse et six autres pays européens (Allemagne, Autriche, Belgique, France, Luxembourg et Pays-Bas) se sont mis d’accord pour diversifier leurs importations, tout en partageant leurs installations de stockage, insuffisamment nombreuses dans notre pays. Il n’en reste pas moins que, de l’avis de nombreux experts, miser aujourd’hui sur le gaz d’origine fossile pour produire de l’électricité, même à titre transitoire, est une stratégie hasardeuse. Elle renforcerait davantage notre dépendance, dans un contexte très volatil. Dès lors, les centrales à gaz annoncées par le gouvernement sont-elles condamnées ? Probablement, même s’il est trop tôt pour l’affirmer.

Sur ce point, Simonetta Sommaruga est d’ailleurs restée évasive, se contentant d’évoquer « une opportunité » pour se libérer de notre dépendance énergétique. « La Suisse importe 100 % de son pétrole, 100 % de son gaz, ainsi que 100 % de son uranium (ndlr : importé de Russie). La seule chose que nous pouvons faire, c’est réduire cette dépendance », a-t-elle récemment souligné. Comment ? La réponse figure en toute lettre sur le site du DETEC qui, au moins sur le papier, se dit déterminé à promouvoir les énergies renouvelables indigènes, aussi bien l’énergie hydraulique traditionnelle que les « nouvelles » énergies comme le solaire, la biomasse, l’éolien et la géothermie.

Cependant, il n’y aura pas de transition rapide vers ces énergies sans un allégement des contraintes administratives, sans de substantielles subventions d’encouragement ou sans un soutien massif à la recherche. Bref, à l’État de traduire, en toute hâte, ses intention en actes : à lui de montrer que son dessein n’est pas une dérisoire usine à gaz !

 

* À l’heure où j’ai écrit ces lignes, la Russie poursuivait ses livraisons de gaz aux pays européens.