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09 mars 2021 | Sécurité Environnement 04/2020 | Environnement

Les Suisses qui recensent les baleines et les dauphins

Georges Pop

Depuis sa création, en 1997, la Swiss Cetacean Society (SCS), ou Société suisse d’étude et de protection des cétacés, organise chaque année des campagnes de recensement de ces mammifères, notamment en Méditerranée. Ces expéditions sont basées sur l’écovolontariat, un concept alliant le tourisme vert, qui permet d’explorer des milieux naturels tout en les respectant, au soutien à des actions de recherche, de protection et de conservation de l’environnement. Le pari a été tenu, cette année encore, en dépit des difficultés liées à la crise sanitaire. Les données ainsi recueillies sont destinées à des centres de recherche marine.

Les Suisses qui recensent les baleines et les dauphins

Les écovolontaires, chargés du recensement des cétacés, se succèdent toutes les deux heures pour observer la mer. Les données ainsi recueillies sont destinées à des centres de recherche marine. © SCS

Malgré les restrictions et les contraintes associées à la pandémie du nouveau coronavirus, la SCS est parvenue, l’été dernier, à organiser six expéditions de recensement des cétacés, en Méditerranée. Le but était de fournir des données utiles aux centres de recherche marine, auxquels cette organisation non gouvernementale (ONG) est associée. Chacune de ces expéditions mobilise un capitaine de voilier, un guide, spécialement formé par la SCS, ainsi qu’une demi-douzaine d’écovolontaires armés de spectrogrammes et de jumelles, le plus souvent des Suissesses et des Suisses, qui contribuent financièrement aux frais de ces campagnes d’observation.

 

Six campagnes de recensement

« Nous avions les plus grandes craintes, cette année, en raison de la pandémie. Mais, finalement, nous n’avons eu que deux défections, à cause, notamment, de la suppression de certains vols à destination des Baléares. Les six campagnes d’observation et de recensement qui étaient prévues ont, ainsi, pu avoir lieu : trois au large de la Ligurie et de la Côte d’Azur, puis trois autres dans la mer des Baléares. Les observations ont été fructueuses. Nous jouons le rôle d’acteur logistique pour la recherche scientifique », explique le Lausannois Max- Olivier Bourcoud, fondateur et président de la SCS, spécialiste mondialement reconnu des mammifères marins. Il précise : « Certains me prêtent le titre de cétologue, mais pour ma part je lui préfère celui d’expert en cétacés ».

Entre la Corse, la Côte d’Azur et la côte ligure, de fin juin à début septembre, plusieurs espèces de baleines et de dauphins se concentrent, dans le but de se nourrir, à une période de l’année où la biomasse alimentaire des eaux de la région atteint son maximum. Parmi elles, un millier de grandes baleines et plusieurs dizaines de milliers de dauphins. Les observations, réalisées sur ce territoire par la SCS, sont destinées à EcoOcéan, un institut basé à Montpelier, en France, qui poursuit des recherches sur les vertébrés marins et leur habitat.

 

Les Suisses qui recensent les baleines et les dauphins

L’observation et le recensement des cétacés, notamment des dauphins, à des fins scientifiques, est l’une des missions prioritaire de la Swiss Cetacean Society. © SCS

Des collisions entre navires et baleines

« Entre la Corse et le continent, les collisions avec les navires sont la première cause de mort non naturelle des baleines. Nos données servent, notamment, à redéfinir les voies navigables pour épargner ces grands mammifères marins », précise Max-Olivier Bourcoud qui ajoute : « Dans cette zone, nos observations portent aussi sur les puffins cendrés, car ces oiseaux migrateurs sont, pour les chercheurs, des ‘indicateurs’ du milieu marin ».

Les îles Baléares, de leur côté, offrent la plus vaste superficie marine protégée des eaux espagnoles. Ces aires marines sont sous la responsabilité de la Direction générale du milieu rural et marin (DGMRM), un organisme gouvernemental espagnol qui règle, notamment, les activités de la pêche. Cette administration gère aussi des programmes de réintroduction d’espèces disparues. C’est le cas, notamment, de l’araignée de mer.

En lien avec la DGMRM, le biologiste marin José Maria Brotons Martinez, fondateur à Palma de Majorque de l’association Tursiops, étudie le cachalot (Physeter macrocephalus), ainsi que le grand dauphin, également appelé dauphin souffleur (Tursiops truncatus), dans le but, essentiellement, de réduire les éventuelles nuisances que ces mammifères marins pourraient occasionner aux pêcheurs. « C’est à lui, et à son équipe, que profitent les données recueillies par nos campagnes dans cette région », indique le fondateur de la SCS.

 

Les Suisses qui recensent les baleines et les dauphins

La SCS est également active dans la campagne pour la conservation des populations de phoques moines (Monachus monachus) de la mer ionienne et de Mauritanie. © SCS

Un environnement marin dégradé

Les populations de baleines et de dauphins sont-elles stables en Méditerranée ? Max-Olivier Bourcoud a certes son idée, mais il reste prudent : « Nous recueillons énormément de données, mais il ne nous appartient pas de les interpréter. Ça, c’est le travail de nos partenaires scientifiques. Les informations que nous avons recueillies ces derniers mois sont en cours de traitement. Ce qui est incontestable, cependant, c’est que, depuis des décennies, le milieu marin se dégrade constamment, de façon très alarmante, notamment en raison des déchets plastiques, ainsi que des produits chimiques et biologiques qui s’y déversent ».

Si, en 2020, les expéditions de la SCS se sont cantonnées en mer Méditerranée, ce ne fut pas toujours le cas. Au cours des dernières années, les écovolontaires de la Swiss Cetacean Society ont sillonné l’océan Atlantique, au large de l’archipel des Açores, ou même le golfe de Californie. Toujours dans le même but : recenser les mammifères marins à des fins scientifiques. Outre ses expéditions en Méditer­ranée, la SCS est actuellement engagée dans des campagnes de sauvegarde du phoque moine en mer ionienne, ainsi qu’en Mauritanie, et de la tortue verte dans l’archipel des Comores. La SCS est également partie prenante dans une vaste campagne de protection des côtes indiennes.

Dans la région lausannoise, la Swiss Cetacean Society organise régulièrement des conférences de vulgarisation scientifique consacrées au milieu marin. Elles sont ouvertes au public.​