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23 janvier 2021 | Sécurité Environnement 03/2020 | Environnement

Le trafic illicite des déchets plastique, une source de profits pour le crime organisé

Georges Pop

L’Organisation internationale de police criminelle INTERPOL, dont le siège est à Lyon, constate une hausse sensible du commerce international illicite de déchets plastique. Elle y voit la conséquence des restrictions à l’importation de ces déchets imposées en Asie, notamment en Chine. L’organisation dénonce, notamment, une nouvelle pratique consistant à acheminer frauduleusement des déchets par des pays de transit pour brouiller les pistes et masquer l’origine de ces déchets, qui contribuent à souiller massivement l’environnement.

Le trafic illicite des déchets plastique, une source de profits pour le crime organisé

Interpol appelle à une action internationale concertée contre le trafic de déchets plastiques © INTERPOL

Dans un rapport publié à la fin du mois d’août dernier, Interpol constate que le monde du crime a méthodiquement noyauté le secteur de l’exportation de déchets plastiques. Destinés initialement au recyclage, ces déchets sont ainsi le plus souvent détournés, puis brûlés à ciel ouvert ou jetés dans la nature, contribuant à une pollution en constante augmentation. Selon le rapport, le marché mondial du recyclage, obligatoire désormais dans la plupart des pays développés, atteindra en 2022 plus de 42 milliards d’euros. Cette manne a excité la convoitise de nombreuses organisations criminelles internationales qui ont entrepris de s’approprier à leur profit les déchets destinés à l’exportation pour être traités dans des pays en voie de développement.

 

De plus en plus de restrictions

Selon Interpol, les récents bouleversements qui ont touché le marché des déchets plastiques sont manifestement à l’origine de ce trafic. Depuis 2016, d’importantes restrictions à l’importation ont ébranlé ce marché. En avril de cette année-là, l’Inde a imposé une interdiction partielle d’importation des déchets plastiques. Ce mouvement a ensuite pris de l’ampleur avec les restrictions successives imposées par la Chine à partir de 2018. Ces limitations ont laissé 45 % des déchets plastique sans débouché.

Face à ces restrictions, les exportations de plastique ont été réorientées vers d’autres pays, tels que l’Indonésie, la Malaisie, le Vietnam et la Thaïlande. Cependant, constate le rapport, « cette situation a conduit à des impasses en matière de pollution dans les pays d’accueil, en raison du manque d’infrastructures adéquates pour gérer leurs propres déchets ménagers ». Du coup, ces pays ont, à leur tour, pris des mesures restrictives et renforcé leurs contrôles aux frontières. Conséquence : des sociétés sans scrupule, liées au crime organisé, se sont infiltrées dans le milieu, d’autant plus aisément qu’il est peu surveillé. Le plastique trié en mélange n’est, en effet, pas considéré comme un produit toxique. Il n’entre donc pas dans le cadre de la Convention de Bâle de 1989 sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination, qui régit le commerce international des déchets susceptibles de nuire à la santé humaine et à l’environnement.

Les enquêteurs d’Interpol estiment que plus les importations légales de déchets plastiques seront restreintes dans certains pays, plus les réseaux criminels continueront à transférer des cargaisons vers de nouveaux pays « vulnérables». Ils citent notamment le Laos et la Birmanie, où des chargements illégaux en nombre ont été convoyés. Mais les pays développés ne sont pas épargnés : Interpol y constate une augmentation constante des décharges sauvages où les déchets sont brûlés en plein air, sans aucune précaution, en émettant notamment des dioxines et du furane, des molécules extrêmement toxiques et persistantes dans l’environnement.

 

Le trafic illicite des déchets plastique, une source de profits pour le crime organisé

Les restrictions imposées à l’exportation légale de déchets plastiques provoque une multiplication des décharges sauvages.

Appel à une action internationale concertée

« La pollution plastique mondiale, de nos jours, est l’une des menaces environnementales les plus graves pour la planète. Sa réglementation et sa gestion correctes sont d’une importance cruciale pour la sécurité environnementale mondiale », estime le président du Conseil consultatif du Comité de conformité et d’application de l’environnement d’Interpol, Calum MacDonald, qui est également directeur exécutif de l’Agence écossaise de protection de l’environnement (SEPA). Selon lui, « le rapport d’Interpol souligne la nécessité urgente d’identifier et d’évaluer comment les criminels exploitent les vulnérabilités nouvelles et préexistantes du marché, avec un appel au renforcement des mesures d’application de la loi, tant au niveau des exportations qu’à l’importation ».

Financé par le LIFE SMART Waste Project (LSW), piloté par la SEPA, avec le soutien de l’Union européenne, le rapport d’Interpol appelle les polices du monde entier à collaborer, au-delà des frontières, pour faire cesser ce trafic, par une analyse précoce des risques, des enquêtes financières et des opérations sur le terrain.