16 octobre 2014 |
Oberflächen POLYSURFACES 04/2014 |
Galvanoplastie
Traitement de surface du titane et de ses alliages par voie humide
Michel Ruimi
En dépit de ses propriétés attractives, le titane et ses alliages, très employés dans les domaines spatial et de l’aéronautique, présentent – comme tout matériau métallique – plusieurs inconvénients majeurs, en particulier, une mauvaise tenue au frottement pouvant provoquer, dans certaines circonstances définies, des risques de grippage d’ensembles mécaniques. De ce fait, ce matériau nécessite des protections de surface.
Dans cet article, on se propose d’exposer les différents aspects des traitements de surface par voie humide du titane et de ses alliages. L’accent est mis sur:
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Les préparations de surface, telles que le nettoyage/dégraissage, le décapage et usinage chimique en milieu nitro-fluorhydrique, sensibles aux phénomènes de fragilisation par l’hydrogène et à divers modes de corrosion.
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Les traitements d’anodisation.
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Les différentes possibilités pour revêtir par voie électrolytique du titane et ses alliages.
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La fragilisation par l’hydrogène.
1. Traitements de surface par voie humide
1.2. Préparations de surface [1]
En raison de son extrême sensibilité à différents polluants de nature et d’origines diverses, le titane et ses alliages peuvent présenter une contamination plus ou moins importante en surface. Généralement, cette contamination est due à l’accumulation d’agents polluants au cours des différentes étapes de fabrication des pièces (élaboration, déformation à froid et à chaud, soudage, stockage, usinages conventionnels ou non EDM, ECM, etc.):
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Contaminations classiques: les produits contaminants peuvent être des corps gras, huiles liquides ou solides, résidus cokéfiés, etc.
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Contaminations obtenues à chaud: en service ou lors de traitements thermiques, les oxydes et les calamines formés à chaud dépendent en partie de la composition des substrats, de la nature des éléments d’addition, mais aussi des conditions de traitements thermiques imposées (durée, température, vitesse et milieu de refroidissement, etc.)
En construction aéronautique, l’utilisation du titane et de ses alliages nécessite des préparations de surface spécifiques pour passer de la pièce brute à la pièce finie. La mise en place des gammes de préparations de surface pouvant intervenir à différents stades de la vie d’une pièce est la suivante:
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En fabrication: sur pièces neuves avant forgeage, soudage, brasage-diffusion, avant et après les traitements thermiques
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En révision moteur: afin de faciliter les examens visuels approfondis, détecter par contrôles non destructifs (CND) la présence éventuelle de défauts structuraux et, enfin, pour préparer les surfaces en vue d’une réparation ultérieure.
Il est clair que la connaissance de l’origine des polluants de surface qui recouvrent les pièces est fondamentale dans la recherche des séquences opératoires qu’il convient de mettre en œuvre pour les éliminer. Nous retiendrons, quelque soit la nature et l’importance des espèces présentes en surface, l’obligation de rendre celles-ci thermodynamiquement stables. L’objectif visé est d’obtenir une surface suffisamment active, en dépit de la présence naturelle de bioxyde de titane (TiO2).
Remarques: la mise au point de diverses préparations de surface par voie chimique susceptibles d’être appliquées sur le titane et sur ses alliages, nécessite la mise en place de mesures préventives (interdictions et restrictions d’emploi), en particulier lors de l’établissement de formulations de bains. En effet, de mauvaises conditions de préparation de surface peuvent modifier profondément les propriétés mécaniques des substrats (exemple: chute de la limite de fatigue due à la fragilisation par l’hydrogène, pouvant entraîner, au cours du fonctionnement des pièces, des ruptures différées) et leurs caractéristiques physico-chimiques. La résistance à la corrosion des alliages de titane est également influencée par leurs états de surface. Rappelons que le niveau de propreté recherché est intimement lié à la nature et à l’importance des contaminants.
1.2. Nettoyage/dégraissage
Les opérations de nettoyage/dégraissage sont des étapes importantes avant tout traitement de surface et tout contrôle d’inspection. La première étape, appelée pré-dégraissage, consiste à employer des solvants organiques afin de solubiliser la majorité des graisses et des huiles présentes é la surface des pièces. En ce qui concerne les alliages de titane, l’usage de solvants organiques halogénés (trichloréthylène, etc.), de solvants organiques fluorés et de certains alcools (méthylique, éthylique) est prohibé, en raison des risques de fragilisation par l’hydrogène.
Exemple:Titane en présence d’alcool méthylique CH3OH (méthanol):

Comme le montre cette réaction chimique titane/méthanol, on obtient de l’alcoolate de titane avec dégagement d’hydrogène. Cet hydrogène va agir sur le matériau de base suivant un processus en trois temps:

En revanche, les solvants suivants peuvent être utilisés sans aucun risque: acétone, méthyl-éthylcétone, white spirit, etc. Il est bien évident que ces solvants ont un pouvoir dissolvant bien inférieur à celui des solvants organiques chlorés. D’autre part, il conviendra de noter que les surfaces pré-dégraissées en milieu solvant doivent être considérées comme insuffisamment préparées, du fait de la persistance de leur caractère hydrophobe.
Généralement, en pratique industrielle, le pré-dégraissage au solvant est suivi d’une opération de dégraissage alcalin au trempé, faisant intervenir des processus physico-chimiques complexes entre les particules polluantes et les constituants du bain. Ces bains de dégraissage, issus pour la plupart d’entre eux de formulations commerciales, assurent l’élimination complète des films gras. Après dégraissage alcalin et rinçage à l‘eau, la présence d’un film d’eau continu indique que la surface est propre (hydrophile).
Remarque:L’élimination de graisses cokéfiées impose l’utilisation de formulations de bains de dégraissage fortement alcalins contenant de la soude (teneur limitée <100 g/l) et des inhibiteurs.
1.3. Décapage en milieu nitro-fluorhydrique [2]
L’opération de décapage est destinée à éliminer toutes traces d’oxydes formées soit à la suite de traitements thermiques, lors du formage à chaud ou encore après le fonctionnement de moteurs. L’enlèvement des couches d’oxydes est nécessaire, car celles-ci comportent le plus souvent des micro-criques pouvant être à l’origine de phénomènes de criques dans le matériau [3]. D’autre part, il convient de noter, que le décapage des alliages de titane permet de:
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Compléter les séquences de nettoyage pour obtenir des surfaces fraîchement actives avant soudage ou contrôles CND.
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Eliminer les couches superficielles contaminées par divers traitements thermiques sous vide, sous atmosphère argon ou air.
Remarques:toutes les opérations de décapage chimique doivent être précédées d’un dégraissage parfait. Le rinçage final après décapage doit être effectué à l’eau déionisée à R ≥50’000 Ω-1 cm-1S-1. Suivant l’importance des couches d’oxydes présentes en surface, il conviendra de distinguer les surfaces faiblement oxydées «couches superficielles» des surfaces fortement oxydées ou calamines formées à chaud entre 400 à 500 °C.
1.3.1. Enlèvement de couches faiblement oxydées
Les moyens les plus indiqués pour éliminer les fines couches d’oxydes sont, soit le sablage au corindon à faible granulométrie, soit des bains nitro-fluorhydriques à faible concentration en HF et de rapport massique HNO3/HF >10. Ce sont des bains à vitesse de dissolution lente (tableau).
1.3.2. Enlèvement de couches fortement oxydées (calamines)
L’élimination des oxydes calaminés d’alliages de titane, formés à chaud >500 °C, nécessite l’utilisation de deux séquences opératoires, à savoir:
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Un conditionnement ou décalaminage en bain alcalin fort, contenant des sels oxydants à base de potasse ou de soude, additionnés d’inhibiteurs tels que des chromates alcalins.
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Un décapage chimique en milieu nitro-fluorhydrique (deux bains), le premier à dissolution rapide, suivi d’un second à dissolution lente.
Remarques: un décapage nitro-fluorhydrique en direct sur une surface fortement calaminée est à exclure, en raison des risques de gravage par attaque préférentielle des substrats. Le bain a vitesse de dissolution lente permet d’éliminer l’hydrogène adsorbé dans les matériaux au cours du premier passage dans le bain nitro-fluorhydrique à vitesse de dissolution rapide. Dans le tableau sont reportées les formulations des bains de décapage chimique nitrofluorhydrique les plus utilisés.
1.3.3. Réactions chimiques mises en jeu lors de l’attaque du titane et de ses alliages dans un bain nitro-fluorhydrique [2, 3]
1.3.3.1. Principe théorique
Les conditions d’attaque du titane et de ses alliages immergés dans un bain chimique nitrofluorhydrique s’effectue directement par transfert d’électrons, grâce au développement d’une réaction de type:

résultant du couplage de deux réactions d’oxydo-réduction élémentaires suivantes:

M = métal, Mn+ = sous produite de corrosion, Ox = espèce oxydante dans la solution (bain), Red = espèce réduite sous produite de corrosion
Remarque:l’enrichissement du bain a pour effet d’entraîner une diminution du pouvoir oxydant du couple Ox/Red, c’est-à-dire une réduction de la vitesse d’attaque.
1.3.3.2. Réactions chimiques
Le titane et ses alliages en bain nitro-fluorhydrique peuvent être l’objet de quatre réactions possibles:

La littérature indique deux réactions chimiques possibles: réaction n° 3 avec dégagement de vapeurs nitreuses et réaction n° 4 avec attaque du titane et dégagement d’hydrogène (réaction la plus vraisemblable).
Remarque:d’autres variétés de composés de fluorure de titane peuvent être obtenues. De plus, la présence d’ions HF en grande proportion agit non seulement sur la vitesse de dissolution, mais en même temps sur la quantité d’hydrogène fixée par le matériau; on accroît ainsi le risque de fragilisation par l’hydrogène.
1.3.3.3. Importance du rapport HNO3/HF
On admet qu’en fonction du rapport HNO3/HF qui est soit supérieur, soit inférieur à 10, l’action du bain de décapage nitro-fluorhydrique est différente.
Rapport HNO3/HF faible <10 (bain de dissolution rapide): HF attaque et dissout le titane, tandis qu’HNO3agit en tant qu’oxydant des ions formés. L’équation globale serait la suivante:

Nous pensons qu’en réalité, les ions Ti4+ n’existent pas en solution. Ils sont complexés par les ions F pour donner des entités chimiques de la forme TiF2, TiF6H2, TiOF2. L’ion F-, de par son pouvoir complexant, fait passer le titane sous forme de Ti3+. On observe alors un dégagement d’hydrogène (H2), qui explique l’enrichissement en hydrogène adsorbé à la surface des matériaux décapés.
Rapport HNO3/HF fort >10 (bain de dissolution lente): on admet que la réaction chimique n° 3 évoquée au paragraphe 4.2 est la plus probable. HNO3oxyde la surface du matériau et HF redissout cette couche d’oxyde. L’expérience a montré que de telles formulations de bains (HNO3/HF >10) ne fragilisent pas le titane ni ses alliages. Ces bains appliqués à la suite des bains à dissolution rapide permettent d’éliminer l’hydrogène adsorbé par le matériau.
1.3.4. Suivi des bains nitro-fluorhydriques
Il est connu qu’au fur et à mesure des pièces traitées, les bains de décapage chimique nitrofluorhydriques s’enrichissent en éléments métalliques (vieillissement). De ce fait, l’efficacité du bain, c’est-à-dire la vitesse de dissolution, diminue. Il importe donc de suivre l’évolution des bains pour, d’une part, maintenir leurs caractéristiques et, d’autre part, assurer une continuité dans la qualité liée aux cadences de production [3, 6).
1.3.4.1. Paramètres relatifs aux matériaux
Composition chimique:les vitesses d’attaque dépendent de la composition chimique des matériaux. Elles varient d’un alliage à l’autre.
Traitements thermiques:la régularité des vitesses de dissolution est fonction, pour un matériau donné, des traitements thermiques qu’il a subi. Au point de vue homogénéité du matériau, citons quelques points qui sont souvent la base de nombreux problèmes rencontrés au cours des décapages chimiques: sens de laminage, homogénéité des grains, contraintes superficielles de formage, inclusions, etc.
Etat de surface:en fonction des états de surfaces initiaux, les vitesses d’attaque des alliages de titane peuvent varier localement et dans des proportions importantes.
1.3.4.2. Paramètres relatifs aux bains nitro-fluorhydriques
Concentration:l’activité des bains nitro-fluorhydriques dépend directement de la concentration des constituants HNO3et HF. Par ailleurs, comme nous l’avons déjà évoqué, il y a lieu de tenir compte de la concentration totale en métal dissout dans le bain. En effet, tous les produits issus des réactions chimiques restent dans le bain sous forme totalement solubilisée ou en dépôt de particules. Une teneur élevée en métal dissous (vieillissement du bain) ralentit les vitesses d’attaque et entraîne, dans tous les cas, une détérioration des surfaces pouvant se traduire par des risques de corrosion intergranulaire du substrat, associés aux phénomènes de fragilisation par l’hydrogène. La teneur en HF agit directement sur la vitesse de dissolution des alliages de titane, tandis qu’HNO3n’a aucune influence.
Température:une augmentation de la température du bain provoque une évolution du potentiel de corrosion qui agit directement sur la vitesse de dissolution. L’augmentation de la température des bains nitrofluorhydriques peut avoir deux origines: une exothermicité de la réaction chimique et une exothermicité due à la dilution des réactifs. On observe généralement que la vitesse de dissolution double pour une élévation de température de 12 °C (entre 20 à 32 °C).
Agitation:dans les bains nitro-fluorhydriques, l’agitation est indispensable, car elle permet de diminuer l’épaisseur de la couche Iimite de diffusion, donc d’augmenter la valeur du gradient Ox limite, ainsi que d’évacuer les espèces Red et Mn+ au sein de la solution. En pratique, l’agitation est assurée par le mouvement relatif pièces/bain.
Vieillissement:généralement, la concentration des éléments dissous, fixée pour les bains de décapages nitrofluorhydriques, est de 35 à 40 g/l pour les bains à dissolution rapide et de 10 g/l pour les bains à dissolution lente.
Vitesse de dissolution des bains nitro-fluorhydriques:elle est conditionnée par les paramètres suivants: le matériau considéré, l’importance des oxydes et calamines, le rapport massique HNO3/HF, la température, la force de l’agitation, la concentration en titane dissous, le rapport surface traitée/volume du bain, etc.
Le contrôle de la vitesse de dissolution (µm/min) d’un bain de décapage chimique peut être mesurée sur des éprouvettes témoins (mêmes traitements thermiques et même matériau que la pièce à décaper), par variation de masse avant et après immersion, également par l’intermédiaire de mesures métrologiques classiques (palmers, pieds à coulisses).
1.4. L‘usinage chimique
1.4.1. Principe
En lui-même, l’usinage chimique peut se définir comme étant une attaque chimique contrôlée d’un matériau dans une solution donnée. D’autre part, il est possible de réaliser des usinages partiels (moyennant l’application de masquant dans les zones à ne pas traiter) et des usinages complets de toute la pièce (cas le plus courant). Il est bien évident que la vitesse d’attaque du bain d’usinage chimique va dépendre de la nature du matériau, de la composition du bain, ainsi que des conditions opératoires. Sur le plan réactionnel, l’usinage chimique résulte du couplage de deux réactions d’oxydo-réduction élémentaires. En fait, l’attaque s’effectue par transfert d’électrons, grâce au développement de la réaction de type:

M = métal, Mn+ = sous-produit de corrosion, OX = espèce oxydante (solution d’usinage) et Red = espèce réduite (sous-produits de corrosion, métaux en solution).
Il est certain que lorsque le bain vieilli, enrichissement en Mn+, le pouvoir oxydant du couple OX/Red va diminuer, c’est-à-dire que la vitesse d’attaque va chuter.
1.4.2. Avantages et inconvénients
Le procédé d’usinage chimique présente des avantages et des inconvénients. Parmi les avantages, on notera un intérêt sur le plan technologique et financier (par exemple, la possibilité de traiter des formes complexes, impossibles à réaliser avec des outils de coupe, la possibilité d’usinage sans déformation jusqu’à 5 à 10 mm) et, enfin, des usinages réduits. En revanche, s’agissant des limitations du procédé, il convient de souligner les éléments ci-après:
- l’impossibilité de réaliser des angles vifs
- la limitation du volume de matière éliminée (5 à 6 mm de profondeur)
- la netteté des contours, qui est une opération manuelle, ce qui va dépendre de la précision de l’opérateur au stade du masquage et du découpage.
Remarques:comme pour les bains de décapage chimique, l’utilisation du procédé d’usinage chimique nitrofluorhydrique du titane et de ses alliages nécessite de prendre en compte les différents paramètres suivants: les réactions chimiques possibles mises en jeu, l’importance du rapport massique HNO3/HF, le problème de fragilisation par l’hydrogène et le suivi des bains.
1.5. Attaques macrographiques sur pièces ébauchées [1]
En construction aéronautique, les attaques macrographiques appliquées aux alliages de titane à différents stades de fabrication, sont un des moyens de contrôle les plus utilisés pour interpréter visuellement la présence d’éventuels défauts métallurgiques. Les types de défauts recherchés sont les suivants:
- Pièces mobiles à l’état forgé: défauts de criques, de replis de forge, de surchauffes caractérisées par la présence de grain Bêta grossiers, d’hétérogénéités structurales, de fibrages, et d’inclusions, etc.
- Pièces fixes généralement obtenues par moulage: défauts de criques de solidification, de ségrégation chimiques, d’inclusions, etc.
Il est à noter que les critères d’acceptation varient selon la criticité des zones où se situent les indications de défauts et font l’objet de prescriptions particulières.
Sur pièces ébauchées, la méthode couramment utilisée est la dissolution chimique en bain nitrofluorhydrique (HNO3de 100 à 170 g/l + HF de 40 à 75 g/l). L’épaisseur dissoute visée est de 0,05 mm au minimum. La visualisation des défauts est très facile.
1.6. Les traitements d’anodisation
1.6.1. Anodisation classique [5, 2]
Les principales applications industrielles d’anodisation du titane et de ses alliages sont les suivantes:
- Identification de ce matériau grâce à la coloration du film d’oxyde bleu-violet obtenu, procédé intéressant en boulonnerie pour distinguer les articles en acier inoxydable et ceux en alliages de titane.
- Amélioration des qualités anti-grippage rendue possible par l’imprégnation de corps gras et de lubrifiants solides (graphite, MoS2, etc.).
- Préparation de surface avant collage.
L’anodisation du titane et de ses alliages peut être réalisée dans un des bains suivants:
- Acide sulfurique (même bain que celui utilisé pour les alliages d’aluminium)
- Acide phosphorique
- Mélange phospho-sulfurique, etc.
Sur le plan pratique, après anodisation (bain H2SO4à 150 à 300 g/l) réalisée par la montée progressive jusqu’à une vingtaine de volts, un maintien de la densité de courant anodique de l’ordre de 0,2 à 0,5 A/dm2, température de bain 19 °C et une durée de 15 à 20 min, on obtient un oxyde pelliculaire de TiO2(d’une épaisseur de quelques Angströms) coloré en bleu ou bleu-violet. En fait, la couleur du film d’oxyde résulte de l’interférence optique de la lumière blanche. Elle est fonction de l’épaisseur du film anodique et peut être contrôlée par la tension d’anodisation. Selon certaines théories avancées, l’épaisseur de TiO2varie linéairement avec la valeur de la tension anodique appliquée.
1.6.2. Anodisation «Blue-Etch» ou attaques macrographiques sur pièces finies [1]
Sur des pièces finies, la méthode Ia plus employée pour déceler d’éventuels défauts est l’attaque macrographique électrolytique «Blue-Etch» effectuée dans un bain de phosphate trisodique travaillant à un pH compris entre 8 à 9. La solution est utilisée à température ambiante et les pièces sont positionnées en anode. Après 30 s de traitement, une coloration bleu-violet se développe. Pour augmenter le contraste visuel, les pièces sont immergées successivement quelques secondes dans un bain nitrofluorhydrique à basse concentration en HF, et après rinçage énergique à l’eau courante, dans un bain d’hydrogénodifluorure d’ammonium pendant 1 min.
2. Revêtements électrolytiques [2, 6]
Comme tout matériau métallique, les protections de surface du titane et de ses alliages s’avèrent nécessaires pour améliorer certaines propriétés, telles que: mécaniques (frottement, dureté, érosion, abrasion, etc.), électriques (conductibilité), chimiques (tenue aux gaz à hautes températures), mouillabilité (amélioration du brasage), rechargement de pièces usées en service ou de pièces neuves sous cotées suite à des défauts d’usinage. Cependant, il convient de noter que la réalisation de diverses protections de surface par voie chimique et/ou électrolytique va être rendue extrêmement difficile en raison de la formation instantanée d’une couche d’oxyde étanche et stable de TiO2en surface. Sur cet état passif, on conçoit facilement que les méthodes conventionnelles utilisées en traitements de surface ne peuvent convenir. De ce fait, on s’orientera – pour améliorer l’adhérence des revêtements électrolytiques – vers des formulations de bains spéciaux. Soulignons que si les problèmes d’adhérence peuvent être résolus, en revanche, celui de la fragilisation par l’hydrogène ne l’est pas pour autant.
Il est clair que pour traiter le titane et ses alliages, le caractère original réside en premier lieu dans le mode de préparation de surface avant revêtement.
Généralement les choix de divers procédés se sont portés vers l’une des trois méthodes suivantes:
- Modification superficielle de la nature chimique du film d’oxyde par substitution d’un autre film
- Formation d’une sous-couche métallique intermédiaire (pré depôt)
- Traitement de diffusion sous vide après revêtement
2.1. Préparation de surface avec modification chimique du film superficiel de TiO2
L’originalité des procédés américains (Missel) et français (Chevalier/Snecma) consiste à obtenir par substitution du film naturel de TiO2, une couche complexe à base de fluorure, chromates et phosphates. Le problème de ces bains est dû à la présence d’acide fluorhydrique et à leur température élevée (≈90 °C), qui réduit considérablement la tenue en fatigue du titane et de ses alliages (chute de l’ordre de 60 %). Missel a obtenu de bons résultats de chromage sur alliage de titane Ta6V; en revanche le procédé n’est pas valable sur du titane pur, comme le T40. Chevalier obtient d’excellents résultats sur toute famille de titane et ses alliages, aussi bien après chromage dur que sur d’autres revêtements électrolytiques. Les couches de substitution obtenues sont de couleur grisâtre et adhérentes.
2.2. Préparation de surface avec sous-couche métalligue (pré dépôt)
Plusieurs auteurs, comme Levy et Dill (Etats-Unis), Richaud (France) et Andajutchenko (Russie) et leurs collaborateurs, ont proposé des sous-couches de zinc obtenues par voie chimique et/ou électrolytique, aussi bien dans les milieux aqueux, que dans les milieux organiques. L’idée de base étant de se rapprocher des gammes opératoires appliquées sur les alliages d’aluminium (emploi de zincate).
- Dill préconise une sous-couche de nickel électrolytique en milieu éthylène glycol.
- Ribaud, quant à lui, propose après zingage, un cuivrage alcalin puis le revêtement visé. Le procédé est limité uniquement au titane pur T40 et seulement pour de faibles épaisseurs (5 à 10 µm). Les adhérences obtenues sont médiocres.
- Andajutchenko indique deux séquences opératoires avant revêtement: d’abord un zingage chimique aqueux, NH4F + ZnF2, suivi d’un nickel chimique NH4+ excès de NiF2. Pour l’auteur, de bonnes adhérences sont obtenues après chromage.
2.3. Préparations de surface avec sous-couche de nickel électrolytique diffusé
Les procédés américains Stanley Brenner et Pratt and Whitney (motoriste aéronautique) revendiquent des gammes de traitements de surface suivantes: décapage chimique nitrofluorhydrique, décapage électrolytique anodique en milieu fluoro-acétique (courant alternatif pour Stanley Brenner), nickel sulfamate, diffusion (1 h à 510 °C sous vide), puis revêtement électrolytique final. Les pièces doivent être introduites sèches dans les bains de décapage électrolytiques fluoroacétique. D’autre part, les bains de nickel sulfamate doivent être exempts de brillanteurs organiques ou métalliques. Pratt and Whitney préconise une épaisseur de nickel ≥30 µm; de bons résultats ont été obtenus sur plusieurs alliages de titane: TA6V, TA8DV et TA6Zr5D.
2.4. Nouvelles orientations
Une technique prometteuse semble se développer. En effet, des résultats encourageants sont obtenus (même au stade industriel) avec l’utilisation d’une protection mixte, à savoir une sous-couche de faible épaisseur d’un revêtement PVD + revêtement électrolytique. Comme on peut s’en douter, la sous-couche PVD étant trop fragile et extrêmement passive, il importe, avant revêtement électrolytique, de l’activer par une solution adéquate à action modérée. D’autre part, il est bien évident que les conditions d’électrolyse sont particulières.
3. Fragilisation par l’hydrogène [1, 2]
3.1. Cas des pièces contaminées lors du formage à chaud
L’absorption d’hydrogène par le titane et ses alliages est un processus réversible. Contrairement à l’azote et à l’oxygène, l’élimination de l’hydrogène est réalisable après un dégazage sous vide. Pour que l’hydrogène puisse diffuser rapidement du cœur de la pièce vers la surface, il faut réaliser,dans un temps relativement court, un traitement à haute température et sous des vides plus ou moins poussés, selon l’importance de la contamination et de l’oxydation de surface. En effet, il a été démontré que la présence de films superficiels d’oxydes limite l’évacuation de l’hydrogène et qu’il faut traiter les pièces contaminées à une température comprise entre 700 °C et celle de la transformation de l’alliage (entre 700 à 850 °C), sous vide poussé à 10-2 Torr.
Enfin, notons que l’efficacité et la vitesse de dégazage dépendent de la teneur en hydrogène et qu’elles croissent en fonction de l’épaisseur d’oxydation, de la température de traitement et de la qualité du vide obtenu dans l’enceinte.
3.2. Traitements chimiques
Tous les traitements par voie chimique (solvants organiques chlorés, fluorés, soude concentrée >100 g/l, décapages acides, etc.) appliqués sur le titane et ses alliages, provoquent la formation d’hydrogène, qui pénètre et diffuse dans le matériau. Il se développe alors une phase fragile d’hydrure de titane de la forme TiH2.
- Dans les alliages a, TiH2est précipité sous forme de fines plaquettes dans les joints de grains. Les matériaux deviennent sensibles aux déformations rapides et aux chocs.
- Dans les alliages bet alliages mixtes aet b, TiH2n’apparaît que pour des teneurs élevées en hydrogène. En effet, celui-ci est très soluble dans les phases b. On observe une précipitation différée à partir d’une solution saturée. D’autre part, la fragilisation est d’autant moins rapide que la phase best importante. Les pièces sont sensibles aux efforts lents ou statiques de longue durée. Il y a rupture différée dans les zones de concentration de contraintes.
La présence d’hydrogène dans le titane (teneur maximale admise 50 ppm) altère considérablement les caractéristiques mécaniques et la ductilité.
3.3. Revêtements électrolytiques
Les études effectuées dans différents laboratoires de recherche ont mis en évidence que l’introduction d’hydrogène (sous forme TiH2) au niveau des joints de grain entraînait un piégeage (fragilisation irréversible) de l’hydrogène qui reste toujours occlus dans le matériau, même après dégazage à température élevée et avec un temps de maintien prolongé. D’autre part, il a été montré que cette fragilisation pouvait différer suivant la pureté, la structure et la nature de l’alliage de titane considéré.
4. Conclusion
Au cours de cette communication concernant les traitements de surface par voie humide du titane et de ses alliages, nous retiendrons les éléments ci-après:
- La nécessité de prendre des mesures préventives (interdiction et restrictions d’emplois) lors de l’établissement de formulations et de montage de bains chimiques et/ou électrolytiques en milieu aqueux.
- Le rapport massique HNO3/HF des bains de décapage chimique nitro-fluorhydrique doit être supérieur à 10 pour éviter des risques sérieux de fixation de l’hydrogène dans le substrat.
- La double difficulté pour revêtir par voie électrolytique le titane et ses alliages à savoir: le problème d’adhérence inhérent à la présence permanente du film d’oxyde naturel TiO2et la fragilisation par l’hydrogène, omniprésente, étant donné que nous sommes en phase cathodique.
Nota: il convient de noter que la fragilisation par l’hydrogène se traduit le plus souvent par des comportements néfastes en fatigue et en corrosion sous contraintes, pouvant entraîner dans certaines circonstances des ruptures spontanées et/ou le plus souvent des ruptures différées.
A ce jour, la protection de surface du titane et de ses alliages par voie électrolytique n’est pas entièrement résolue. Force est de constater que c’est toujours un problème d’actualité, qui préoccupe de nombreux laboratoires de recherche. Pour traiter ce matériau, nous pensons que trois voies sont prometteuses:
- La protection thermique plasma, procédé largement utilisé dans les domaines spatial et de l’aéronautique
- La pulvérisation cathodique (PVD)
- La technique mixte sous-couche PVD + revêtement électrolytique
5. Bibliographique
[1] Ruimi M.: Titane et alliages – préparations de surface par voie chimique de pièces de turboréacteurs aéronautiques. Congrès ATTT, Toulouse 2001
[2] Ruimi M.: Titane et alliages – de la métallurgie aux traitements de surface. Cours dispensé à l’Ecole Nationale Supérieure d’Ingénieurs de Limoges (ENSIL)
[3] Catonne J.C.: L’usinage chimique, principe et théorie. Congrès AlTE, Paris 1982
[4] Ruimi M.: L’usinage chimique des alliages de titane. Congrès ATTT, Toulouse 2003
[5] Brault C.: L’anodisation des métaux légers et semi-légers. Manuel Traitements de surface, Publications du Cetim
[6] Ruimi M.: Protection de surface par voie humide du titane et ses alliages. Revue Galvano – Organo Traitements de surface. No 767, juin/juillet 2007
Michel Ruimi
Ingénieur
Expert européen
Traitements de surface aéronautiques
14, rue du Terrage
F-75010 Paris