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06 août 2020 | Sécurité Environnement | Environnement

Transformer le CO₂ des poids lourds en carburant

Des chercheurs de l’EPFL ont breveté un dispositif capable de réduire de 90 % les émissions de CO2 des poids lourds. Dans une étude publiée dans la revue Frontiers in Energy Research, ils expliquent comment capturer le dioxyde de carbone, lors de son transit dans le pot d’échappement d’un camion, pour le stocker sous une forme liquide, réutilisable pour produire du carburant.
Une fois capturé avant d’être relâché dans l’atmosphère, le CO2 , dégagé pat le moteur d’un camion, peut devenir une source d’énergie, permettant aux poids lourds de s’alimenter avec un carburant renouvelable. Cette technique a été mise au point et brevetée par le professeur en génie mécanique François Maréchal, de l’Institut de génie mécanique de l’EPFL Valais, en collaboration avec l’équipe de la chimiste Wendy Lee Queen, de l’Institut des sciences et ingénierie chimique, à Neuchâtel.
 
François Maréchal, de l’Institut de génie mécanique de l’EPFL Valais et Wendy Lee Queen, de l’Institut des sciences et ingénierie chimique, à Neuchâtel, ont breveté un dispositif capable de réduire de 90 % les émissions de CO2 des poids lourds. (© EPFL)
 
 
Comme une éponge

Dans son communiqué, l’EPFL précise que tout a commencé par la mise au point, à Neuchâtel, d’un matériau absorbant qui, à la manière d’une éponge, mais avec des pores 50’000 fois plus petits, s’est montré capable d’attirer et de capturer le dioxyde de carbone. Après quoi, l’équipe valaisanne s’est chargée de rendre cette technologie exploitable par des poids lourds, dont les chauffeurs peuvent même, théoriquement, revendre aux stations-service le carburant ainsi extrait.
Le procédé mis au point par les chercheurs comprend l’installation de ces « éponges » à proximité du pot d’échappement des poids lourds, ainsi que la mise en place de turbocompresseurs à haute vitesse, développés par l’EPFL, pour comprimer le CO2 et le liquéfier. Le dispositif permet de séparer le dioxyde de carbone des autres gaz présents dans le carburant, comme l’azote et l’oxygène. Grâce à l’énergie produite par le véhicule, le CO2 est isolé, puis stocké dans des réservoirs. Selon François Maréchal, en plus de capturer la majorité du dioxyde de carbone émis par les poids lourds, ce système permet de se passer de carburant d’origine fossile.

 
Le procédé mis au point par les chercheurs comprend l’installation de filtres à proximité du pot d’échappement des poids lourds, ainsi que la mise en place de turbocompresseurs à haute vitesse pour comprimer le CO2 et le liquéfier. (© illustration de François Maréchal)
 
 

Un processus peu énergivore
Une fois le dispositif installé, la totalité du procédé de transformation peut être effectué dans une capsule de 2 x 0,9 x 1,2 m, installée au-dessus de la cabine du conducteur. « Le poids de la capsule et du réservoir ne représente que 7 % de la charge utile du véhicule. Le processus en lui-même est peu énergivore, grâce à l’optimisation de toutes les étapes », précise François Maréchal. Les chercheurs de l’EPFL ont calculé qu’un camion consommant 1 kg de carburant conventionnel serait à même de produire 3 kg de CO2 liquide. Quant aux 10 % des émissions de CO2 non recyclables, les scientifiques proposent de les compenser en utilisant la biomasse.
Les chercheurs de l’EPFL précisent que leur système ne convient, pour le moment, qu’aux grands véhicules, comme les camions ou les bus. Ils estiment que 90 % des émissions de dioxyde de carbone pourraient, un jour, être recyclées en utilisant leur dispositif. Ils reconnaissent que le système doit encore être perfectionné, mais sont convaincus que les perspectives d’une telle technologie sont très prometteuses. Ils ne doutent pas de sa prochaine commercialisation.
En Europe, 38 millions de poids lourds circulent sur les routes. Selon l’EPFL, le transport est responsable de 30 % des émissions totales de CO2 d’origine fossile, dont 72 % proviennent du trafic routier. « Cette technologie est une étape indispensable pour rendre la société indépendante des énergies fossiles », souligne François Maréchal.

François Maréchal
EPFL Valais
Rue de l’Industrie 17
1951 Sion
francois.marchechal@epfl.ch
Tél. 021 693 35 16